Economie

Compléments nutritifs : les gélules et autres ampoules buvables sont-elles utiles ?

Existe-t-il un marché faramineux pour les compléments nutritifs destinés aux étudiants de tout âge, et dont les contenus sont censés booster leur capacité de mémorisation ? Est-ce que ces produits sont-ils la promesse d’une vitalité retrouvée chez les étudiants et, enfin, doivent-ils être vendus sans aucun conseil médical ? À ces questions, les réponses varient d’une pharmacie à l’autre, tandis que la nutritionniste Divya Poorun s’inscrit en faux contre le recours à ces produits, indiquant que rien ne vaut une alimentation équilibrée.

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La publicité vantant les vertus miraculeuses des compléments nutritifs ne connaît pas de limite géographique : elle s’affiche dans les consultations médicales et sont relayées dans les pharmacies. Ainsi, en amont et en aval, le client/patient suit un parcours fléché, qui de surcroît le met en confiance, car c’est le sceau médical qui valide l’utilité des compléments nutritifs.

Certes, selon les gérants de pharmacies que nous avons interrogés, le marché n’est pas hyper-lucratif, mais ce qui pose problème, c’est la pub qui prétend que ces produits servent à booster les capacités de mémorisation d’un étudiant, par exemple. La plupart des pharmaciens interrogés expliquent que ces produits sont utiles, car dans leur immense majorité, les collégiens mangent mal.

« Tout ce qu’on dit sur la nécessité d’avoir un repas équilibré est vrai, mais dans la pratique, peu de personnes le font. D’abord, il faut avoir les moyens pour s’offrir des repas sains et complets, ensuite, les Mauriciens n’ont plus le temps pour cuisiner aujourd’hui. C’est le principal facteur qui explique leur choix pour ces ampoules ou cachets vitaminés. Peu de familles ont le temps pour préparer trois ou quatre plats qui contiennent vitamines et sels minéraux, alors qu’une gélule ou un comprimé les contiennent tous, ils sont facilement assimilés et sont sans danger. »

Chez certaines pharmacies, on affirme sans ambages pouvoir se passer d’une prescription médicale pour vendre ces produits. « Avec mon expérience, explique le gérant-propriétaire d’une pharmacie, il n’y a pas besoin de prescription médicale pour conseiller la prise d’un complément alimentaire. Quelques questions au client suffisent. De toute façon, ces produits n’ont pas d’effets secondaires graves. » Dans une autre pharmacie, le gérant se montre plus nuancé : « Je dis au client que le produit n’a pas d’effets miraculeux et qu’il faut que son enfant s’alimente convenablement. Au besoin, je lui recommande de prendre l’avis d’un nutritionniste. On voit souvent des parents qui, à quelques semaines d’un examen, viennent acheter ces ampoules ou gélules vitaminées. Je leur dis qu’en deux semaines, ils n’auront aucun résultat positif, ce qui convient à leurs enfants, ce sont des repas équilibrés. »

Entre le médicament et l’aliment

Les compléments alimentaires sont vendus sans ordonnance, mais ce ne sont pas des médicaments, ils se situent entre le médicament et l’aliment. Ils ne contiennent pas de substances ayant des propriétés curatives. Mais même s’ils sont en vente libre, ils peuvent avoir des effets indésirables, aussi mieux vaut consulter un médecin.

Il faut souligner que depuis ces dernières années, il existe une réelle prise de conscience, à Maurice, sur la santé alimentaire : les parents savent qu’une alimentation saine est essentielle pour une bonne santé physique et notamment pour la prévention de nombreuses maladies comme les complications cardio-vasculaires, le diabète ou le cancer. Une alimentation saine est la meilleure alliée d’un bon développement mental et de performances cognitives. Le British Journal of Nutrition a publié une étude où des chercheurs ont examiné l’attitude de plus de 2 000 parents et enseignants d’enfants de quatre à 10 ans au Royaume-Uni, Allemagne, Espagne et Hongrie, pour connaître leur point de vue sur le rôle de l’alimentation sur la santé mentale – humeur, mémoire et comportement. Les résultats montrent que 80 % des personnes interrogées voient l’alimentation comme un acteur clé du développement physique et 67 % seulement pensent qu’elle est très importante pour le développement mental (Source : Internet).

Développement du cerveau

Or, la nutrition chez l’enfant est importante pour le développement du cerveau, l’approvisionnement en énergie, la neurotransmission et le fonctionnement cognitif, et les effets bénéfiques se prolongent jusqu'à l’âge adulte. Selon certaines études, le sommeil et l’activité physique sont plus importants que l’alimentation pour le développement mental (voir l’interview de la nutritionniste Divya Poorun plus loin). Mais il semble que la plupart de nos ‘pharmaciens’ se gardent bien de le préciser aux parents soucieux du bien-être de leurs enfants.

Une autre étude, menée cette fois-ci par des chercheurs de l’université d’Adelaide, en Australie, a démontré qu’une bonne alimentation chez les jeunes enfants améliorerait leur quotient intellectuel durablement, alors qu’une mauvaise alimentation le diminuerait. L’étude fait aussi ressortir que des produits cuisinés à la maison seraient meilleurs pour le développement intellectuel que des aliments tout prêts pour enfants. Selon les chercheurs, « l’alimentation fournit les nutriments nécessaires au développement du cerveau pendant les deux premières années de la vie. »

Il convient, toutefois, de louer certains enseignants du primaire et secondaire, qui ne se privent pas de dire tout le mal qu’ils pensent des fast-foods vendus à grand renfort de pub sur les billboards.

Questions à Divya Poorun, nutritionniste : «Mangeons les légumes et fruits saisonniers locaux»

À quoi servent les compléments alimentaires ?
À pas grand-chose, sauf lorsqu’ils sont prescrits par des médecins dans des cas très précis, comme une carence alimentaire durant la grossesse, mais là aussi, les professionnels de la santé insistent pour un régime alimentaire approprié. En fait, dans la plupart des cas, ces produits ont un effet placebo. Seule une bonne nutrition qui est complète apporte aux jeunes étudiants les nutriments qui leur sont nécessaires. Il faut manger le plus naturel possible et en proportions équilibrées : un tiers en riz, farine et pomme de terre, un autre tiers en produit de poulet, de fromage, de lait et un autre tiers en fruits et légumes. Le matin, on se contente d’un bol de céréales et de fruits, mais pas en même temps. Si un enfant éprouve une carence, il faut en chercher les causes dans son historique de santé : la carence n’apparaît pas tout d’un coup. Elle a un commencement auquel personne n’a prêté attention, et graduellement, elle s’est muée en maladie.

Que dites-vous aux parents qui donnent à leurs enfants des gélules ou autres ampoules vitaminées ?
Je leur dis que tout ça finira dans l’urine sans avoir apporté quoi que ce soit à leurs gosses.

Y a-t-il une meilleure alternative ?
Oui. Au lieu de faire une rougaille, il vaut mieux faire une salade de pomme d’amour, car durant la cuisson, plus de la moitié des propriétés nutritives se perdent. Au lieu d’acheter les légumes dans les supermarchés, il faut aller au marché. Pour la seule et bonne raison qu’au marché, ces légumes sont frais, alors que dans les grandes surfaces, on ne sait pas quand ces légumes ont été récoltés et livrés. On les croit frais, mais en fait, c’est parce qu’ils sont conservés sous froid. Une fois sur votre table, ils ne tardent pas à flétrir. Il en va de même pour les fruits importés : on ne sait rien de la date de la cueillette et le temps passé pour le transport. Résultat : même dans les grandes surfaces, les fruits se détériorent lors qu’ils atterrissent sur votre table. Il y a une grosse explication à cela : ces fruits proviennent d’Europe et leur acheminement prend du temps pour arriver jusqu’à Maurice. Voilà la raison pour laquelle ils sont chers. Moi, je dis : mangeons les légumes et fruits saisonniers de Maurice. Il n'y a pas à sortir de là. Je préfère un fruit laid plutôt qu’un beau fruit tout frais, gros et rosé.

Est-ce qu'une alimentation équilibrée suffit ?
Non, il faut une activité physique, qui permet un flot sanguin fluide qui irrigue le cerveau et lui permet de fonctionner à plein rendement. En fait, pour en revenir à une alimentation équilibrée, il faut une association de plusieurs repas, chacun riche en protéines, vitamines, minéraux. Il ne faut pas non plus négliger le sommeil. Un enfant ne doit pas apprendre de manière discontinue, sous prétexte que ses parents veulent en faire un lauréat. Une bonne santé, c’est l’équilibre en toute chose et dans la durée.

 

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