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Claude Wong So, ingénieur : «l'épisode de Roche-Bois a été comme un signal de rappel »

L’ingénieur et ancien président de la Road Development Authority (RDA) Claude Wong So souligne que les passerelles ont été construites en conformité aux normes établies dans le monde entier. Il insiste sur l’inspection régulière de ces structures.

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Quelle est votre analyse de l’épisode survenu à Roche-Bois ?

Je crois fermement qu’il y a eu une erreur humaine dans l’évaluation de la hauteur du chargement sur le camion. Comme vous le savez, les ponts et autres passerelles ont une hauteur standard de 4,5 mètres. Je pars du principe que, dorénavant, les chauffeurs doivent s’assurer que leurs véhicules font moins de 4,5 mètres de haut.

Mais Claude Wong So, n’était-ce non seulement évident, mais aussi visible ? Cette grue n’aurait jamais pu traverser cette passerelle étant donné sa hauteur…

C’est évident. Et c’est la raison pour laquelle j’insiste sur le fait que le chauffeur du poids lourd aurait dû vérifier le contenu de son véhicule. Il faut que les chauffeurs comprennent qu’on ne peut transporter n’importe quoi sur la route. La hauteur de 4,5 mètres, qui est la norme, doit être scrupuleusement respectée. Pour la petite histoire, il a fallu démonter la passerelle située à Venus, Port-Louis, en 2017, afin que le véhicule transportant les turbines du CEB puisse traverser.

Êtes-vous toujours d’avis que si la structure de la passerelle effondrée avait été fixée à la partie verticale, ce malheur aurait pu être évité ?

Écoutez, c’est avant tout un ‘pedestrian bridge’. Soit une structure construite à partir de matériaux préfabriqués. Il faut, peut-être, revoir la façon dont l’élément préfabriqué est ancré sur la colonne. La collision a dû être très conséquente, étant donné que la plaque de béton est tombée.

Certains ingénieurs sont d’avis que la tête de la structure verticale, soit le ‘column head’, aurait dû être légèrement plus large pour tenir compte du phénomène d’expansion et de contraction…

Je n’ai pas fait cette analyse. Mais en tout cas, les passerelles et autres structures suspendues construites en préfabriqués ne reposent nullement sur grand-chose. Quand je fais allusion au préfabriqué, je sous-entends le fait que rien n’a été coulé sur place. C’est-à-dire, les structures ont été posées. Si vous vous rendez sur les sites, vous constaterez que les structures sont parfaitement ‘pinned’.

L’élément de la physique et la stabilité entrent en jeu à quel moment ?

Pour moi, c’est la stabilité latérale qui mérite d’être revue car les structures préfabriquées doivent résister à une certaine force. Mais dans le cas de la passerelle de Roche-Bois, la structure en béton armé n’a pas résisté.

Le pays dispose de nombreuses passerelles suspendues, dont certaines sont plus robustes que d'autres en raison de leurs conceptions et de leurs matériaux de construction. Quel est votre avis sur ces structures ?

Le fait qu’une structure en béton dure 10 ans. Ce n’est rien. Une structure en béton doit durer 30 ou même 40 ans pour la bonne et simple raison que le béton armé ne se détériore pas. Vous savez, la majorité des passerelles piétonnières ont été construites en métaux. Quelques-unes sont en béton armé. Mais l’épisode de Roche-Bois a été comme un signal de rappel. Il faut que les ingénieurs de la Road Development Authority (RDA) fassent une inspection de toutes les passerelles à travers le pays. Je pense qu’il faut analyser l’ancrage des structures.

Nous avons tendance à croire que la construction d’une passerelle consiste à placer des colonnes et une plaque en béton armé en équilibre sur la structure… Quels sont les principaux facteurs à ne pas négliger lors du processus de construction d'une passerelle ou d'un autopont ?

Écoutez, d’abord, ces passerelles ont été construites conformément aux protocoles en vigueur dans le monde entier. C’est la façon dont la plaque de béton armé a été posée sur la colonne qui diffère. Sans plus. C’est pour gagner du temps qu’on se tourne vers du préfabriqué. D’ailleurs, tous ces aspects ont été calculés par les ingénieurs. Ces derniers ne sont pas des petits bricoleurs qui construisent des techniques de pont. Il ne faut pas toujours chercher la faute dans la structure. Tout impact entraîne des dégâts.

Comment se déroulent concrètement les études géotechniques ?

C’est une étude très importante qui doit être menée avant toute construction. Cela comprend la construction des immeubles, des réservoirs, ou encore l’exercice de forage pour les nappes phréatiques. Le but est de déterminer le type de sol. C’est en se basant sur les données recueillies qu’on érigera, ou pas, la structure.

Quelle est la dimension standard d'un soubassement ?

Tout dépend de la fréquence piétonnière. S’il y a plus de trafic, il faut que la structure soit plus large. Tout est fait selon les normes établies.

Je préfère les passerelles en béton armé au lieu du métal

Selon vous, quel type de structure serait le mieux adapté pour Maurice : béton armé, ferraille, ou un mélange des deux matériaux ?

Jusqu’à preuve du contraire, je préfère les passerelles en béton armé au lieu du métal qui prend la rouille après un certain temps. Nous avons eu des problèmes avec toutes les constructions qui comprennent le métal. Jetez un coup d’œil à Terre-rouge, ou encore à Wooton, vous verrez...

Pensez-vous que Maurice dispose de suffisamment d'ingénieurs et d'experts dans le design et la réalisation de structures suspendues ?

Vous savez, il y a environ un millier d’ingénieurs qualifiés à Maurice. Chaque ingénieur dispose toutefois de ses compétences. C’est la raison pour laquelle il faut frapper aux bonnes portes. J’ai entièrement confiance dans nos ingénieurs. En sus de cela, les structures sont construites par des contracteurs de renom qui sont spécialisés dans ce type de construction.

Quel est votre avis sur le SAJ Bridge qui sera inauguré dans les jours à venir ?

C’est l’un des plus grands projets, en termes de ponts, jamais construit à Maurice. D’ailleurs, j’avais tenu à choisir les ingénieurs au temps où j’étais le président de la RDA. C’est un pont unique et extrêmement dosé dans le sens où les deux colonnes jouent un rôle très important. Il y a des câbles qui soutiennent le tablier. Un consortium de contracteurs internationaux a travaillé sur le projet. Une compagnie italienne spécialisée dans la fabrication de câbles de suspension a également été approchée.

La hauteur de 4,5 mètres, qui est la norme, doit être scrupuleusement respectée

L’autopont semble plus que robuste. À votre avis, quelle est la solidité de cette structure ?

Le pont est entièrement en béton armé. Tout est en préfabriqué. C’est un travail colossal. Les câbles sont sur-isolés. Il y a 320 mètres d’espacement entre les deux piliers. Le pont mesure 90 mètres de haut. Les constructeurs ont été confrontés à beaucoup de difficultés. Mais ils s’y connaissent.

Les autorités devraient-elles se baser sur ce design pour réaliser d’autres répliques ?

Je ne crois pas que Maurice ait besoin de grandes structures. À moins que les autorités veuillent raccorder deux régions séparées par une vallée. Sinon, je ne vois aucun endroit qui nécessite un pont de cette envergure. Du moins, pas pour le moment.
 

 

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