Face à la cherté de la vie, à laquelle contribue une inflation élevée, dur, dur d’économiser, voire de respecter son budget. Mais ce n’est pas impossible. Plusieurs méthodes pullulent sur les réseaux sociaux, dont notamment la règle « 50-30-20 ». Tour d’horizon.
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Véritable déferlante sur TikTok. Les vidéos sous le hashtag #503020 ont pris d’assaut le réseau social, avec plus de 8 millions de vues à ce jour. Ce, en réponse à la vie chère. Mais qu’est-ce donc la méthode de budgétisation « 50-30-20 » ? Et, est-elle vraiment efficace ?
Ce qui est sûr, c’est qu’Ashwina Thakooree, Senior Compliance Auditor âgée de 25 ans, ne jure plus que par cette méthode. Cela fait un an qu’elle l’a adoptée. « Étant consciente de mes dépenses incontrôlées, j’étais à la recherche d’une approche systématique afin de reprendre mes finances en main et faire plus d’économies », raconte-t-elle.
C’est ainsi qu’elle tombe sur une vidéo axée sur la méthode « 50-30-20 ». « Ça tombait à pic. » Séduite par cette approche simple permettant d’économiser de l’argent qu’elle a découverte sur la plateforme TikTok, elle l’a immédiatement mise en pratique.
Et concrètement, comme est-ce que cela fonctionne ? « La règle est plutôt simple. Il suffit de classer vos dépenses en trois catégories différentes où 50 % de votre revenu, soit votre salaire, est consacré aux besoins, 30 % aux envies et finalement 20 % aux économies », explique Ashwina Thakooree.
La règle est plutôt simple. Il suffit de classer vos dépenses en trois catégories différentes où 50 % de votre revenu, soit votre salaire, est consacré aux besoins, 30 % aux envies et finalement 20 % aux économies»
Et dans la pratique ? « La méthode que je trouve la plus efficace, et qui marche le mieux pour moi, est d’avoir trois comptes bancaires distincts pour les trois catégories respectives. De ce fait, dès que je perçois mon salaire, je procède à la budgétisation », poursuit la jeune femme.
Les retombées positives n’ont pas tardé, dit-elle. « La méthode ‘50-30-20’ m’a permis de faire plus d’économies dans le sens où il y a un certain contrôle au niveau de mes dépenses. De facto, cela m’aide à planifier facilement, car je sais quel montant je vais épargner chaque mois. De cette façon, je peux planifier mes dépenses ou mes projets d’avance, au moins pour l’année à venir. »
Selon la Senior Compliance Auditor, le succès de cette méthode repose grandement sur la façon de l’appréhender. Notamment comme une ligne directrice et non une règle qui doit être suivie à la lettre. C’est une structure qui favorise une meilleure gestion de son argent et ses économies de façon systématique.
« C’est sûr qu’il faut avoir une certaine discipline. Mais j’avoue que ce n’est pas tous les mois que j’arrive à respecter cette méthode à la lettre. Il y a des mois où j’ai fait plus de 20 % d’économies, ou encore des moments où mes dépenses ont dépassé le quota des 50 %, par exemple dans des cas d’urgence », confie Ashwina Thakoree.
Cela lui fait dire que « suivre religieusement cette méthode peut entraîner une certaine frustration dans les cas où vous n’arrivez pas à répondre à ses exigences ».
50/30/20 rule : Ashwina Thakooree cumule 199 400 vues en deux mois
Sur TikTok, Ashwina Thakooree compte 77 800 abonnés sous le pseudonyme @hola_its_ash. Le 2 décembre 2022, elle y a publié une vidéo afin de partager avec sa communauté ses connaissances sur la méthode « 50-30-20 ».
« J’ai tendance à recevoir plusieurs questions sur les affaires financières. Elles ne sont certes pas dirigées vers la méthode de budgétisation en soi. Mais j’étais d’avis que cette règle aiderait à donner des éléments de réponse à ma communauté », confie-t-elle.
De plus, fait-elle savoir, l’éducation financière est un sujet à l’air du temps, avec l’inflation et la cherté de la vie. « D’où mon envie de faire cette vidéo d’une méthode que j’ai moi-même testée au préalable. »
Carton plein pour la jeune Tiktokeuse. La vidéo en question compte, à ce jour, plus de 199 000 vues. « Devant les réactions positives à la suite de la sortie de ma vidéo sur le ‘50-30-20 rule’, je constate l’intérêt grandissant des Mauriciens pour trouver des moyens de se faire plus d’argent, d’économiser et surtout d’allouer leur argent de la meilleure façon possible », dit-elle.
D’ailleurs, poursuit la Senior Compliance Auditor, dans la section commentaire, elle a pu lire plusieurs témoignages de personnes ayant appliqué cette méthode de budgétisation. « Pour certains, ça marche. Tandis que pour d’autres, c’est plus compliqué au vu du salaire qu’ils touchent. »
Questions à…Sanjay Matadeen, économiste et Senior Lecturer à la Middlesex University Mauritius : «Cette méthode sensibilise à la nécessité de différencier les types de dépenses»
C’est quoi la règle « 50-30-20 » ?
La règle « 50-30-20 » est une méthode simple de planification financière et de budgétisation que chacun peut utiliser pour mieux planifier ses dépenses mensuelles et gérer ses finances. La règle simple consiste à diviser le revenu mensuel après impôts en trois catégories principales : 50 % pour les besoins, 30 % pour les désirs et 20 % pour l’épargne.
Besoins
Les besoins sont les dépenses que vous devez absolument payer et qui sont nécessaires à votre survie, par exemple l’épicerie, le loyer, le transport, l’assurance, les remboursements de prêts et les services publics (eau, électricité, etc.). Ils ne comprennent pas les articles supplémentaires comme les restaurants ou Netflix.
Astuces : Si une personne dépense plus de 50 % de ses besoins, elle devra simplifier son mode de vie, par exemple en cuisinant davantage à la maison ou en utilisant les transports publics.
Envies
Les envies sont toutes les choses qui ne sont pas absolument essentielles, mais qui ajoutent à la qualité de vie, par exemple : les sorties au restaurant et au cinéma, les vacances, les gadgets électroniques et l’internet à très haut débit.
Astuces : Ces besoins peuvent être remplacés par des alternatives plus simples, par exemple faire de l’exercice à la maison plutôt que payer un abonnement mensuel à une salle de sport, ou cuisiner à la maison plutôt qu’aller au restaurant tous les week-ends.
Épargne
20 % du revenu net est alloué à l’épargne et aux investissements, ce qui inclut la contribution à un compte bancaire à utiliser pour l’épargne et les urgences comme la maladie ou la perte de revenu due au chômage. Il peut également s’agir de contributions à des assurances ou à des pensions.
Astuces : La règle générale est d’avoir au moins trois mois d’épargne à utiliser en cas d’urgence. L’épargne peut également être utilisée pour effectuer des paiements supplémentaires sur des prêts afin de réduire les futurs paiements d’intérêts.
Dans quelle mesure cette règle budgétaire permet-elle d’atteindre les objectifs financiers ?
La méthode « 50-30-20 » est un outil de budgétisation très simple qui peut être utilisé par tout le monde sans avoir besoin d’un niveau d’éducation très élevé. L’alternative est d’utiliser une approche désordonnée ou même de ne pas être conscient de la nécessité de différencier les dépenses pour les besoins et les envies et la nécessité d’épargner.
La plupart des Mauriciens, même ceux qui ont un niveau d’éducation élevé, ne s’engagent pas dans une planification financière systématique et dans la gestion de leurs finances personnelles. La méthode sensibilise à la nécessité de différencier les types de dépenses et surtout à l’impératif d’épargner pour les situations d’urgence, comme la maladie ou la perte de revenus pour les indépendants.
Dans quelle mesure peut-elle être appliquée dans le contexte mauricien par rapport au salaire minimum ? Est-elle réaliste en ce sens ?
Il est regrettable que le secteur de l’assurance à Maurice ne soit pas assez sophistiqué pour offrir une couverture aux freelancers et aux travailleurs indépendants. Une partie des 20 % d’épargne aurait été utilisée pour cotiser à des régimes d’assurance, ce qui permettrait d’intervenir en cas d’urgence.
L’autre problème est que les freelancers et les travailleurs indépendants n’ont pas un revenu stable chaque mois, mais au cas par cas, une moyenne peut être calculée et la méthode « 50-30-20 » appliquée.
Pouvez-vous donner quelques conseils sur la manière de réussir à atteindre ces objectifs financiers, sans que cela soit trop stressant pour la personne ?
Notre système éducatif ne nous expose pas actuellement à la littérature et à la planification financière. Pour que les Mauriciens utilisent cette méthode, il faudrait qu’ils soient coachés.
Pas forcément adapté à tous les salaires
Reste que si elle est efficace, cette méthode a quand même ses limites. Selon la Senior Compliance Auditor, cette règle de budgétisation n’est pas forcément adaptée à tous les salaires, surtout tenant compte de la pression du coût de la vie. « J’estime que c’est une méthode qui nécessite un certain niveau de salaire afin de pouvoir l’appliquer car pour certaines personnes à faible revenu, la majorité du salaire est consacrée aux dépenses axées sur les besoins dont elles ne peuvent forcément pas se passer, notamment le paiement des factures des services publics, le loyer, le panier ménager entre autres », fait-elle ressortir.
Ibrahim Koodoruth, sociologue : «Cela permet aux gens de remettre les pieds sur terre»
Avec l’ascension de cette méthode sur la déferlante TikTok, un intérêt accru pour des moyens de budgétisation est observé notamment parmi les jeunes. Selon le sociologue Ibrahim Koodoruth, il s’agit tout simplement d’une prise de conscience des jeunes, surtout dans le contexte de la cherté de la vie.
« Le coût de la vie en hausse, dans un contexte économique teinté d’incertitude, enclenche un déclic et pousse de plus en plus de jeunes à se responsabiliser. C’est dans cette optique qu’ils sont à la recherche de moyens d’économiser pour concrétiser leurs projets et assurer un meilleur avenir », explique-t-il.
Avec la cherté de la vie et le pouvoir d’achat limité, les méthodes de budgétisation prennent plus d’ampleur dans la vie des individus, voire deviennent primordiales. « Nous vivons une période difficile où tout le monde cherche à gonfler son pouvoir d’achat. En ce sens, le budget est aujourd’hui un élément qui prend une place importante dans notre vie, surtout avant d’entreprendre un quelconque projet », fait-il observer.
Mais n’y a-t-il pas le risque qu’à force de constamment se priver en adoptant une méthode budgétaire, la sensation de stress et de frustration prenne le dessus sur les retombées positives anticipées ? Au contraire, répond le sociologue, les résultats sont plus susceptibles d’être positifs.
« Les méthodes budgétaires permettent aux gens de remettre les pieds sur terre, surtout les jeunes. Cela leur permet de réaliser la complexité des prises de décision. De ce fait, les priorités sont instantanément définies et les dépenses superflues sont facilement évitées », poursuit Ibrahim Koodoruth. De plus, dit-il, cela donne la possibilité de s’ouvrir aux alternatives pour économiser de l’argent et en mettre de côté pour des projets futurs.
Du reste, « une règle budgétaire n’est pas une obligation, c’est juste un titre d’information qui contribue à l’éducation financière de la personne. On peut toujours se retirer. De ce fait, le facteur de stress est moins susceptible de prendre le contrôle sur la personne en question », assure-t-il.
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