Mario Hung Wai Wing, le président de la Fédération des sociétés chinoises, établit clairement la différence entre l’appartenance culturelle et religieuse pour nos compatriotes d’origine chinoise. Et il fait ressortir la pleine intégration des membres de cette composante dans la nation.
La Fête du printemps est aujourd’hui appelée Nouvel An chinois. Pourquoi ?
C’est une décision prise en 2014 en Chine à l’occasion de la célébration de la Fête de printemps organisée par l’UNESCO. Plusieurs pays y étaient invités, dont Maurice. La raison est simple. Les Chinois ont émigré dans plusieurs parties du monde, et les saisons, dont le printemps, ne coïncident forcément pas. Cette année, donc, on fête le Nouvel An chinois.
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Quel est le rôle de la Fédération des sociétés chinoises ?
La fédération a été fondée en 1988 et regroupe toutes les sociétés chinoises de l’île. Notre objectif principal est de préserver et de propager la culture et la tradition chinoises. Nous organisons plusieurs activités dont la célébration de cette fête avec l’aide de l’ambassade de Chine, le ministère des Arts et de la Culture et la municipalité de Port-Louis.
Que représente cette célébration pour la communauté ?
C’est une façon de démontrer notre attachement à notre culture et à nos traditions. Nos ancêtres sont venus ici à une période donnée pour des raisons économiques. Nous ne pouvons renier nos racines. La culture chinoise est non seulement vaste mais aussi variée. Nous ne pouvons l’ignorer ni la négliger.
[blockquote]« Les Mauriciens d’origine chinoise sont très peu représentés dans la fonction publique, car ils ne s’y s’intéressent pas »
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Une grande majorité des Mauriciens d’origine chinoise sont aussi catholiques. Est-ce que les deux sont compatibles ?
On peut être de la communauté chinoise et catholique à la fois. Tout comme il y a des Chinois bouddhistes ou anglicans. Le fait est qu’un membre de la communauté reste avant tout Chinois. Il devient catholique ou autre après.
Quelle était la nécessité pour le Mauricien d’origine chinoise d’embrasser une autre religion ?
Il faut comprendre le contexte. Nos ancêtres venus de Chine n’étaient pas catholiques. À l’époque, embrasser le catholicisme ouvrait la porte à certains avantages et facilités pour la communauté chinoise. C’était un choix économique. Mais cela ne veut pas dire que ceux qui l’ont fait ont renié leurs racines. Bien au contraire. On reste Chinois dans son âme, dans sa tête, dans son cœur.
Peut-on alors parler d’une identité culturelle chinoise ?
Bien sûr. Le Mauricien d’origine chinoise a son identité propre. Mais il est aussi Mauricien. Il apporte ses traditions culturelles à la nation. La culture chinoise complète l’identité mauricienne. On ne peut occulter l’importance des Mauriciens d’origine chinoise dans la construction de la nation mauricienne.
Un jeune d’origine chinoise est-il conscient des traditions et de la culture de ses ancêtres ?
Oui et non. Je prends l’exemple de ma propre famille. J’insiste pour la préservation des valeurs et de la culture chinoises auprès de mes enfants mais je sais aussi qu’ils ont d’autres champs d’intérêt. Le jeune d’origine chinoise est avant tout un jeune mauricien. Il a une vie sociale, va dans les boîtes de nuit, fréquentent des amis issus d’autres communautés. Mais quand il le faut, il fréquente la pagode et participe aux fêtes chinoises. Mais il n’y a pas de constance. Il y a certes une différence entre l’ancienne et la nouvelle génération. Il est difficile pour nous d’imposer certains choix.
Est-ce à dire qu’il renie sa culture d’origine ?
Non. C’est l’évolution qui ne lui permet pas de pratiquer sa culture et de s’y impliquer comme on le souhaiterait.
Pourtant il va à la messe plus régulièrement qu’il ne se rend à la pagode...
Oui, il arrive que le jeune soit plus souvent à l’église qu’à la pagode.
Les sociétés chinoises sensibilisent-elles les jeunes par rapport à leur culture ancestrale ?
La fédération a un grand rôle à jouer pour que les jeunes ne s’éloignent de leur culture. Il y a la Chinese Middle School qui enseigne le mandarin. Nous admettons les enfants à partir de trois ans. Cette école n’est pas réservée uniquement aux membres de la communauté chinoise. Tous ceux intéressés sont les bienvenus. À notre époque, les parents nous parlaient en hakka. Mais ce n’est plus le cas maintenant. Nous avons notre centre pour la promotion, la préservation et la propagation de la culture et de la langue chinoises à Baie-du-Tombeau. Plusieurs activités sont organisées régulièrement. Nous initions les jeunes à la danse du dragon et aux instruments de musique traditionnels.
Il y a de plus en plus d’investisseurs chinois qui choisissent Maurice pour faire des affaires. Qu’est-ce qui explique cet engouement ?
La Fédération est avant tout là pour promouvoir la culture. Personnellement, j’accueille favorablement de tels investissements même si nous ne sommes pas directement concernés. Maurice est bien positionnée pour servir de plateforme commerciale. Si les affaires marchent, c’est le pays qui sort gagnant. Le gouvernement ne s’épargne aucun effort pour attirer des investissements étrangers et la Chine a bien compris les avantages qu’elle peut tirer de cette situation. Les échanges commerciaux entre nos deux pays ne peuvent qu’être bénéfiques aux deux pays. En tout cas, il y a un grand potentiel.
Est-ce que la communauté sino-mauricienne a eu sa part du gâteau national ?
Oui, dans un certain sens.
Pourquoi, dans un certain sens ?
Prenons le cas de la fonction publique.
Les Mauriciens d’origine chinoise sont très peu représentés dans la fonction publique, car ils ne s’y s’intéressent pas. Donc, on ne peut se plaindre de ne pas avoir des représentants de la communauté occupant de hautes fonctions dans des ministères.
C’est par choix que les Mauriciens d’origine chinoise n’intègrent pas la fonction publique…
Effectivement. Nous sommes plutôt dans le commerce et les professions libérales. Le Mauricien d’origine chinoise a tout le temps su se débrouiller. Le succès nous vient par la force de notre travail. Ceci dit, nous travaillons et collaborons avec tous les gouvernements. Si le pays devient prospère, tout le monde en profite. Et chacun reçoit sa part du gâteau national. Donc dans ce sens, oui, la communauté d’origine chinoise a eu sa part du gâteau.
Et quel est l’intérêt de la communauté pour la chose politique ?
Pour avoir été candidat aux élections générales de 1987, je peux vous dire que les membres de la communauté chinoise sont maintenant très intéressés par la politique. C’est un bon signe. Bien sûr chaque parti a son propre agenda. Mais nous sommes contents qu’il y ait tout le temps un représentant de la communauté d’origine chinoise au gouvernement.
Langues, culture et arts martiaux
Président de la Fédération des sociétés chinoises, Mario Hung Wai Wing est aussi le président de la Chinese Speaking Union ; secrétaire du Sino-News, un quotidien en mandarin ; secrétaire général de l’Amicale Maurice-Chine et vice-président de la Chinese Middle School. Il siège aussi au sein du comité de gestion de la pagode Kwan Tee. Agé de 64 ans, Mario Hung Wai Wing est aussi chef instructeur depuis 1973 de Tae Kwon Do, une discipline olympique. Il a formé quelque 20 000 jeunes, dont 2 000 policiers et plusieurs centaines de collégiennes. <Publicité
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