Carlo de Souza, conseiller au ministère de l’Éducation, dresse un tableau de l’Extended Programme. Celui-ci concerne les élèves ne pouvant suivre la filière éducative dite normale. Ils pourront la réintégrer après quatre ans d’études.
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Les élèves de l’Extended Programme et du « mainstream » de Grade 9 auront droit aux mêmes questionnaires aux examens de Grade 9. Est-ce réalisable pour les élèves de l’Extended Programme ? Si oui, pourquoi ?
Avant de parler de questionnaires, précisons que la présente réforme éducative vise à donner à tous les enfants mauriciens la même éducation de base ainsi que les moyens d’accéder à des études plus poussées. L’évaluation se veut donc la même pour tous les enfants. Deux choses bien distinctes devront être vérifiées.
Premièrement, il s’agira de déterminer si les notions de base auront été maîtrisées (par exemple, les opérations de calcul ou de géométrie élémentaire, les langues, l’histoire/géo) de même de ce qu’on appelle les Life Skills – ces compétences moins académiques qui touchent les domaines de la santé, des valeurs humaines et de l’environnement. Autant d’outils qui permettront aux enfants de fonctionner convenablement en tant que citoyens dans une société démocratique et progressiste.
La deuxième partie doit permettre d’évaluer les niveaux de celles et ceux qui sont plus performants et capables d’aller plus loin. Ils pourront sur ces questions plus complexes démontrer leurs pleines capacités académiques. Tout est fait pour que ceux et celles de l’Extended Programme qui auront rattrapé leur retard aient aussi cette capacité et puissent, s’ils le désirent, poursuivre leur carrière académique comme les autres.
Les enseignants travaillant avec les élèves admis à l’Extended Programme (Grade 7), affirment que beaucoup n’ont pas une bonne base et qu’il faut tout revoir. À qui la faute selon vous ?
Affirmer que ces élèves n’ont pas une bonne base est un euphémisme ! La grande majorité doit être réconciliée avec l’école et les études. Si ce n’est avec eux-mêmes et avec la société qui les entoure. Autant dans notre Histoire mauricienne l’éducation nationale a été une planche de salut pour bon nombre, autant elle est devenue, au fil des années voire des décennies, affreusement élitiste et livresque, se réduisant à une sorte de névrose « examinationiste » qui a peu à voir avec le développement intégral de la personne humaine. C’est une sorte de faute collective. Il me semble, à en croire les médias, que notre pays n’est pas le seul affecté. Un des objectifs de la réforme en cours est justement de pallier cet état de choses. Il nous faut une prise de conscience générale pour recouvrer ce sens de l’éducation.
L’Extended Programme ne fait pas beaucoup de place au côté vocationnel. Cet aspect n’aurait-il pas dû être mieux traité pour ces élèves, selon vous ?
L’Extended Programme est différent du Prévocationnel (Prevoc ; NdlR) auquel j’ai personnellement contribué à ses débuts il y a une vingtaine d’années et qui a fait ses preuves. J’ai vu émerger d’un collège que je dirigeais de véritables compétences qui, par la suite, ont trouvé un emploi. Le projet actuel est sensiblement différent. Il a été dit à l’époque que le technique (ou comme son nom l’indique le prévocationnel) n’était bon que pour ceux qui échouaient au CPE – autrement dit, que le technique est « la poubelle de l’académique ». La réforme actuelle veut s’assurer que tous les enfants aient une éducation de base avant que l’orientation professionnelle soit envisagée. À commencer par les principaux concernés, c’est-à-dire les élèves eux-mêmes. Il n’empêche que les textes et les projets pourraient, du Grade 7 au Grade 9+, déjà explorer les métiers sans pour cela être absolument directifs.
Les enseignants apprennent à fonctionner davantage avec d’autres outils d’évaluation que les examens formels.»
Croyez-vous que l’Extended Programme sera vraiment une solution pour aider ces enfants à trouver un emploi par la suite ?
Vous avez raison d’employer le mot « enfants » car c’est ce qu’ils sont encore. Redonnons-leur l’enfance, le goût de l’étude et la joie d’apprendre. Il ne s’agit pas encore d’emploi. Pas immédiatement. Ce n’est pas le but. L’orientation professionnelle viendra plus tard où en tant qu’ados dûment avertis et outillés, ils pourront vraiment être en position de choisir. Le ministère travaille en ce moment sur un projet d’information sur le secteur TVET. Ce projet contient de belles orientations qui pourraient intéresser encore plus de jeunes Mauriciens, dont ces enfants.
Y a-t-il un suivi avec les élèves après les heures de classe ?
Il y a des cours d’éducation sportive. Mais pour l’instant, toute l’attention se focalise sur l’utilisation optimale des heures de classe : l’intégration des enfants dans la structure scolaire, leur découverte (ou plutôt redécouverte) des matières et un apprentissage de la discipline (ou des disciplines). Il va de soi que le temps disponible après les heures de classe devrait être davantage utilisé dans le futur.
Décrivez-nous les possibilités d’études pour un élève suivant l’Extended Programme ?
Un manuel a été produit l’année dernière pour décrire les trois filières possibles au bout des neuf années d’éducation de base (dix pour l’Extended Programme). Il s’agira de poursuivre les études dans le même collège ou d’aller vers le technique ou encore de rejoindre une académie si le niveau de l’élève le permet.
Qu’en est-il de la formation des enseignants ? Cela se fait-elle sur une base régulière ?
C’est une de nos grandes satisfactions. Je pense que l’Extended Programme pourrait inspirer les autres de ce point de vue. Comme dans tous les domaines difficiles, la santé par exemple, les soins aux plus affectés peuvent éventuellement inspirer les biens portants. Un « facilitateur » a été désigné pour prendre en charge l’enfant en difficulté et l’aider dans la poursuite de ses études. Cette personne coordonne le travail dans le collège que supervise étroitement la direction (recteur ou Deputy Rector) en concertation avec le ministère et le Mauritius Institute of Education.
Aujourd’hui, le Mauritius Examinations Syndicate (MES) vient compléter cette collaboration. Il faut dire que cette année charnière qu’a été 2018 nous a permis de constater de visu le progrès accompli par tous : élèves mais aussi enseignants, dirigeants et formateurs. Dans cette jungle que représente cet échec pérenne de notre système (3 000 élèves par an pour diverses raisons), la réintégration de nos enfants dans le cursus s’effectue de mieux en mieux.
De nombreux exemples de réussite, tant dans les collèges d’État que dans les établissements privés, nous démontrent que les éducateurs mauriciens sont capables de sortir des sentiers battus pour venir en aide aux enfants et trouver par eux-mêmes des solutions qu’ils partageront ensuite à travers ses « Communautés de Pratique » qui se réunissent chaque trimestre sur une base régionale. Les enseignants apprennent à fonctionner davantage avec d’autres outils d’évaluation que les examens formels et beaucoup plus précis (le Secondary School Readiness ainsi qu’un Progress Report basé sur des compétences précises et individuelles par exemple).
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