Budget

Budget 2017-18 : les 5 grandes priorités

Relancer la machinerie économique, créer des emplois, gérer sainement les dépenses… le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, devra prendre en considération tous ces paramètres quand il présentera le Budget ce jeudi 8 juin.

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Beaucoup d’attentes pour la relance de l’économie

D’importantes révisions doivent être apportées au niveau législatif afin de relancer l’économie à un rythme satisfaisant. Selon des économistes interrogés, plusieurs secteurs méritent l’attention du Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth.

D’emblée, ils estiment nécessaires des mesures fermes dans la formation, le secteur public, le port et l’énergie. Plusieurs annonces dans le précédent Budget n’ont pas été réalisées, dont la National Scheme Development Agency pour la formation technique.

« Il y a, à l’évidence, un manque accru de formation plus technique afin que les jeunes puissent trouver des débouchés dans des filières spécifiques », confie un opérateur.

Cependant, les recomman-dations du comité d'étude sur des projets d’une valeur de Rs 6,4 milliards sont bien accueillies. « Ces projets d’amélioration des routes, du système de tout-à-l'égout, entre autres, redonneront un nouvel élan au secteur de la construction et du génie civil. D’ailleurs, le plan de développement 2017-2020 visant à stimuler la croissance, sera sans doute aussi évoqué dans le prochain Budget », souligne un économiste.

Au cours des dernières années, le pays a connu des défis importants pour assurer le développement socio-économique avec, cependant, un potentiel en déclin. La capacité de résistance de l’économie face aux pressions externes a également réduit la croissance à des niveaux en dessous du potentiel du pays. « Nous nous attendons à ce que les mesures annoncées soient exécutées au plus vite, notamment en termes de projets d’infrastructure pour combattre les autres contraintes qui entravent la croissance », fait-il ressortir.

Il note aussi que plusieurs projets dans le domaine de l’énergie n’ont pas encore été mis en œuvre. Il cite les turbines du Saint Louis Power Plant et celles à gaz de Fort-George, des millions de roupies consacrées au développement de l’énergie renouvelable dont un second parc éolien à Plaine-Sophie.

En fait, les dépenses dans les infrastructures ont été en déclin lorsqu’on prend en considération les investissements du secteur public. Elles ont connu une décroissance de 0,4 % au cours de ces dernières années avec une chute importante l’année dernière. « En somme, les investissements publics ont été très peu malgré des annonces de grands projets qui ne se sont pas, pour la plupart, matérialisés », dit-il.

En ce qui concerne le secteur du Bunkering et des logistiques, les experts sont peu optimistes quant au développement attendu. « Maurice a une défaillance grave au niveau des infrastructures pour encourager les jeunes à se former. Le port franc est également en perte de vitesse. Certaines décisions prises notamment par la State Trading Corporation défavorisent les opérateurs locaux. On ne voit toujours pas venir un partenaire stratégique pour le port », souligne un opérateur de ce secteur.

Chômage et création d'emploi : patronat et syndicats s’accordent sur la forme

Si la situation du chômage demeure une des questions dont syndicats et patronat souhaitent que le gouvernement fasse sa priorité, il n’en reste pas moins qu’ils restent fondamentalement divisés sur les solutions à y être apportées.

Commentant le chiffre de 7,6 %, représentant le taux du chômage à Maurice selon le Bureau des Statistiques,  Pradeep Dursun, CEO de Business Mauritius fait valoir que ce pourcentage fait partie d’une méthodologie dont il reste à décortiquer, en faisant valoir qu’elle ne tient pas compte des chômeurs qui obtiennent un emploi sans en informer le Bureau de l’Emploi. « Le chiffre des Statistiques ne reflète pas la réalité. Mais si nous arrivons à 4 % de chômage à Maurice et réussissons à le maintenir, nous serons dans une marge tolérable, le 0 % de chômage n’existant pas ».

Comment, en présence d’une situation bien réelle, celle des gradués-chômeurs, Maurice parviendra-t-elle à inverser la tendance ? Pradeep Dursun explique que deux actions doivent être menées de paire : la refonte du Bureau de l’Emploi, « qui a démontré ses limites » et la mise sur pied d’un Guidance Service, constitué de conseillers en matière des choix de carrière. « Il est grand temps d’effectuer un profilage des jeunes en quête d’un emploi afin de les orienter vers des emplois qui correspondent à leurs compétences. Il faudrait une réelle synergie entre le secteur privé et l’État, qui seraient représentés au sein du 'Guidance Service' pour identifier les compétences des demandeurs d’emplois. »

Dans le même souffle, il explique que l’Université de Maurice, ainsi que les autres institutions supérieures publiques devraient approfondir leurs offres d’études, afin de favoriser l’employabilité de leurs étudiants. « Je note aussi que le secteur de la formation professionnelle reste encore le parent pauvre de notre système éducatif », fait-il observer.

S’il épouse l’idée de la mise sur pied d’un organisme chargé de l’orientation professionnelle, Radhakrishna Sadien n’en demeure pas moins sceptique quant aux propositions du secteur privé. « Nous avons bien une problématique concernant le sort des gradués-chômeurs, mais il ne s’agit pas que de chômage, il faut aussi revoir la formule du Youth Employment Programme, qui a failli à ses objectifs, ainsi que la politique salariale et le recrutement sélectif pratiqué dans certaines entreprises du secteur privé », fait valoir le président de la State Employer’s Federation et de la Confederation of Free Trade Union.

L’ex-président du defunt National Economic and Social Council (NESC) pense qu’il appartient au gouvernement de definir une stratégie cohérente en matière d’orientation professionnelle. « Il faut que dès la Form 111, on arrive à déterminer et évaluer les potentiels d’un élève, afin qu’il puisse donner le meilleur de lui  même et réussir à ses examens avec des choix de matières précis. À la NESC, nous avions soumis la proposition pour la mise sur pied d’une National Employment Agency, avec des compétences nécessaires et une base de données disponibles aux entreprises et aux chômeurs. Il faut, dans le même temps, faire le ménage parmi les institutions supérieures privées qui, souvent, ne tiennent pas compte des tendances sur le marché de l’emploi et délivrent des certificats qui ne mènent à rien ».

Projets d’infrastructure : les grands chantiers démarrent

Après une longue période de ralentissement, le secteur de la construction connaîtra un nouvel essor avec la mise en chantiers des projets de développement.

Les infrastructures publiques accueilleront de nouveaux chantiers pendant la prochaine année financière, à commencer par le Metro Express. Toutefois, même si le gouvernement se dit déterminé à aller de l’avant avec ce projet suscitant la controverse, il n’est pas à écarter que le Metro Express subisse les soubresauts des opposants. Parmi, Jayen Chellum, le secrétaire général de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM), qui en a fait son cheval de bataille. Jayen Chellum, qui ne lâche pas prise, se dit convaincu que ce projet sera néfaste pour notre économie, et par ricochet, les consommateurs. De l’autre coté, l’ancien ministre Roshi Badhain et leader du Reform Party menace de démissionner du parlement sur la question du métro léger. Cela risquera de prolonger le débat sur ce projet au niveau national.

Par ailleurs, le Public Sector Investment Programme (PSIP) fait état de divers projets de tout-à-l’égout, à Pailles, Grand-Baie, Tranquebar, Vallée-des-Prêtres et Plaines Wilhems. Les investissements dans la distribution d’eau et de l’énergie se poursuivront. Des projets d’un montant de Rs 1,3 milliard seront réalisés sous le Road Decongestion Programme alors que la construction de drains se poursuivra sous le Land Drainage Programme avec un budget de Rs 400 millions.

Parmi les projets routiers, on note la jonction de De Caen à Caudan, le St Julien Bypass, le Sorèze-Coromandel Link Road, la route reliant Fort William au port. La construction du nouvel immeuble de la Cour suprême débutera sous peu, de même que le nouvel hôpital ENT à Vacoas. À ne pas oublier le projet de transformer les gares routières. Dans le secteur agricole, il y a la construction du ‘National Vegetable Wholesale Market’, du laboratoire Food Tech, d’un projet bio ferme à Britannia et d’un centre d’élevage à Melrose.

Le tout dernier geste généreux de la grande péninsule envers Maurice donnera encore un boost aux projets d’infrastructure. En effet, la majeure partie de la somme de Rs 17 milliards allouée à Maurice financera des projets d’envergure, à Maurice comme à Rodrigues ou Agaléga.  Par ailleurs, le ministre des Infrastructures publiques vient d’annoncer le démarrage d’un vaste programme d’asphaltage des routes.

Au niveau du secteur privé, les principaux projets qui retiennent l’attention demeurent toujours les ‘Smart Cities’ et les projets sous le ‘Property Development Scheme’. D’autres projets, à l’instar de l’hôtel de La Cambuse, connaissent un retard à cause de batailles légales.

Assainir les dépenses : du pain sur la planche pour le Grand argentier

C’est un véritable numéro d’acrobatie qui attend le ministre des Finances le 8 juin. L’un des objectifs de l’exercice budgétaire est de mieux gérer les finances publiques.

Les dépenses publiques prennent l’ascenseur d’année en année, causant un déficit budgétaire. En plus, cela a une incidence sur le niveau de la dette publique. Le gouvernement ayant une responsabilité légale de ramener la dette publique autour de 50 pour cent du Produit intérieur brut (PIB) en 2018, la marge de manœuvre était très limitée, jusqu’à la fameuse ligne de crédit de l’Inde, qui va alléger le fardeau. Théoriquement, l’emprunt indien ne va pas empirer le niveau de la dette publique, car un mécanisme spécial a été mis sur pied, à travers la SBM pour recevoir et gérer ce fonds.

Alors comment le grand argentier pourra-t-il réduire les dépenses publiques ? Pour Gavin Ng, analyste, il n’y a pas de recette miracle pour y parvenir. Il suffit tout simplement de réduire le gaspillage. « Par exemple, le rapport de l’audit nous donne déjà une indication des dépenses à éviter. Il suffit de mieux planifier pour éviter des telles situations. » 

Un autre moyen est de revoir le fonctionnement de certaines institutions. Des réformes aideront à économiser. On peut aussi fusionner ces institutions qui font plus ou moins la même chose, cela augmentera aussi l’efficacité et la productivité. L’économiste Arvind Nilmadhub, lui, est catégorique : il faut que chaque département, chaque institution publique, chaque ministère ait toujours recours à un comité composé de professionnels des secteurs public et privé et des entrepreneurs et ce comité doit analyser toutes les dépenses et participer à toutes les décisions et délibérations, afin de mieux gérer les finances publiques dans l’intérêt de la nation. « Je l’ai dit plusieurs fois : Il faut que des économistes et des professionnels du privé aient leur mot à dire dans toute décision qui implique des dépenses publiques. On ne peut pas prendre des décisions à la légère. »

Social : plaidoyer pour une révision de la CSR

Il faut former les  jeunes pour assurer la relève dans le domaine de l’engagement social.

Les ONG, de même que des responsables de centres d’accueil pour les personnes vulnérables, plaident tous pour une augmentation des contributions du privé à la  Corporate Social Responsability (CSR), ainsi que la formation de jeunes pour assurer la relève dans le domaine de l’engagement social.

On ne les entend pas, mais ils veulent se faire entendre dans une république de Maurice en mutations, et ‘malade’, selon l’expression de Sam Lauthan, ex-PRO du Centre Idrice Goomany et ex-ministre de la Sécurité sociale. L’engagement social, dont il a fait sa vocation, ne peut se pérenniser qu’avec le rajeunissement des cadres, car le volontariat ne suffit pas.

« Les jeunes veulent s’engager dans les activités sociales, mais ils souhaitent être rémunérés, car ils ont des responsabilités : certains sont mariés, parents et les célibataires ont, eux-aussi, des dépenses. Des individus comme moi, Kadress Runghen ou encore Dany Philippe, ne pourront plus longtemps pratiquer le bénévolat, aussi est-il impératif de former et recruter des jeunes pour assurer la relève. C’est à l’État et au secteur privé, à travers une revision de la CSR de trouver le financement nécessaire pour la formation des jeunes. »

Fort de ses expériences et toujours observateur des transitions sociales, économiques et culturelles que connaît la société mauricienne, il fait valoir que si l’engagement social, aujourd’hui, passe nécessairement par les réseaux sociaux, il doit néanmoins s’appuyer sur l’expérience empirique.

Le travail de terrain est la première étape, qui consiste au recueil de données, avant qu’elles soient validées par une étude théorique. « Très souvent, ce sont ces travailleurs sociaux de terrain, qui ne possèdent pas un très haut niveau d’éducation et qui sont des bénévoles, qui apportent les informations de première main, permettant à la direction des leurs ONG et au ministère de prendre des actions », explique Sam Lauthan.

Même s’il loue le travail des ONG, ce dernier estime qu’il est grand temps de donner un « grand coup de balai » parmi celles-ci, car certaines n’accomplissent pas les engagements pour lesquels ils ont obtenu des subventions, « mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain », nuance-t-il.

À l’ashram Gayasingh, à la rue St Denis, à Port-Louis, la directrice Deoranee Boodhoo énumère un cahier de doléances qui rejoint par certains aspects celles de Sam Lauthan. Elle fait ainsi valoir la nécessite d’augmenter les dons provenant de la CSR. « Nous en avons vraiment besoin, d’abord pour nous équiper et ensuite pour embaucher des jeunes formés à travailler dans des institutions comme la nôtre », fait-elle ressortir.

À ces demandes s’ajoutent l’urgence de recruter un psychologue sur une base régulière en soutien aux personnes âgées, de même que des formateurs en études professionnelles pour aider les jeunes à trouver un emploi lorsqu’ils quitteront l’ashram.

 

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