Interview

Brinda Dabysing, de la Banque mondiale: «Le secteur des PME est mal organisé»

Brinda Dabysing
Brinda Dabysing est Senior Financial Sector Specialist Finance & Markets, Africa Region, à la Banque mondiale. Elle estime que les PME ont un rôle important pour Maurice et contribuent d’une façon significative au produit national brut et à l’emploi. Selon elle, entreprendre est un acte de foi. Que fait la Banque mondiale pour aider les PME ? La Banque mondiale est un partenaire privilégié dans plusieurs pays en matière de soutien aux PME et aux gouvernements pour développer la politique des PME. Les interventions sont axées sur le financement, la formation ou la gestion des PME, mais aussi sur la stratégie sectorielle pour faciliter la création d’emplois et accélérer la croissance. La Banque peut aussi contribuer à développer avec les décideurs économiques des mécanismes d’appui ou des lois-cadres pour créer un écosystème favorable aux PME. Il est toutefois souhaitable de prendre en compte les tailles des entreprises, c’est-à-dire microentreprises, TPE (Très petites entreprises), Petite entreprise et Moyenne entreprise. Il est aussi nécessaire de noter le cycle de vie de l’entreprise, c’est-à-dire, une start-up, une entreprise en croissance, une entreprise mature. Les problématiques et déterminants de la réussite sont différents pour chaque taille d’entreprise et dépendent aussi de son cycle de vie. Pensez-vous que les PME contribuent à l’avancement économique du pays ? Les PME ont un rôle important à jouer, car ils contribuent d’une façon significative au produit national brut et à l’emploi… Dans l’Union européenne, les PME représentent 99,8 % de toutes les entreprises, emploient 67 % de la main-d’œuvre et contribuent à hauteur de 58 % à la valeur ajoutée. À Maurice, les PME représentent 90 % de toutes les entreprises, emploient 54 % de la main-d’œuvre et contribuent à hauteur de 37 % à la valeur ajoutée. Or, si ce sont les petites entreprises qui créent le plus d’emplois, ce sont aussi elles qui en suppriment le plus. Des travaux récents, aux États-Unis, au Maroc et en Tunisie, font apparaître que si l’on tient compte de l’âge de l’entreprise, on n’observe pas de relation systématique entre sa taille et la création d’emplois. Cette dernière est le fait des entreprises nouvelles ou de création récente. Les startups et les grandes entreprises sont responsables de l’essentiel de la création d’emplois nette. Toutefois, il a aussi été démontré que l’une des raisons pour lesquelles les PME ne sont pas les principales créatrices d’emplois nettes tient à leur productivité généralement plus faible que celle des grandes entreprises. L’écart de productivité entre pays développés et pays en développement s’expliquerait ainsi en grande partie par le fait que, dans les premiers, les PME participent à l’activité économique à hauteur de 30 %, contre 60 % dans les seconds. Que pensez-vous des initiatives comme le Smart Moves for Entrepreneurs ou encore Turbine ? Smart Moves et Turbine représentent un «Paradigm Shift». Il faut cesser tout le temps  de s’apitoyer et de tout demander à l’État : le financement, le marché, l’assistance technique, la formation. Où est donc l’esprit d’entreprise si l’entrepreneur a besoin d’une nounou pour faire face à chaque défi ? Je considère que ces nouvelles initiatives E2E (entrepreneur to entrepreneur) sont le modèle de l’avenir. Elles rassemblent les personnes qui peuvent s’entre-aider, se motiver et parler d’une même voix. C’est l’économie du marché qui s’organise. Qui serait d’après vous, le mieux placé pour conseiller à un jeune comment, par exemple, se lancer sur le marché de l’exportation ? Croyez-vous que c’est un bureaucrate ? Ou plutôt quelqu’un « who been there and who has made it ? » Que pensez-vous du secteur des PME à Maurice ? Le secteur des PME est mal organisé. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur Maurice a démontré les grandes lacunes sur la collecte des données sur les PME. Un exemple : le dernier recensement a été fait en 2013 et le précédent en 2007. Qui croyez-vous peut prendre de bonnes décisions sur des informations inexistantes ou désuètes ? La réflexion sur les PME est aussi très générique et ne tient pas en compte, comme je l’ai dit auparavant, la taille de l’entreprise, son cycle de vie et sa vocation. Ce n’est que quand on a pu identifier où se situe l’entreprise, qu’on peut comprendre ses besoins. Cela nous permet ensuite d’élaborer les politiques et les mécanismes nécessaires. Le vocabulaire relatif à l’entrepreneuriat doit entrer dans notre langage de tous les jours. Ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement. Quels sont les secteurs les plus porteurs pour une personne souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ? Je ne conçois pas qu’un entrepreneur doive se lancer dans un secteur parce qu’il est prometteur. Il faut aussi un «Reality Check». Est-ce que l’entrepreneur est disposé à prendre le risque dans ce secteur ? En a-t-il la capacité ? Intellectuelle ? Financière ? Entreprendre est un acte de foi.
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