Intransigeance. C’est la posture qu’adopte le ministre des Infrastructures publiques et du Développement communautaire, Bobby Hurreeram, à l’égard des compagnies qui obtiennent les contrats de la National Development Unit. Le système d’allocation des contrats, qui favorise les grandes compagnies, sera modifié pour ouvrir l’accès aux petites également.
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Chaque grosse averse provoque des inondations localisées. Le pays fait-il face à un gros problème d’infrastructures ?
On ne peut pas généraliser. Il faut d’abord faire la différence entre les grosses averses qui provoquent, certes, des accumulations d’eau sans grande conséquence, et des flashfloods qui occasionnent des inondations et des dégâts matériaux. Je n’irais pas jusqu'à dire qu’il y a un problème d’infrastructures. Il y a eu un laisser-aller auparavant, avec des constructions qui ont été érigées un peu partout et qui sont aujourd’hui un problème. Celui-ci, à mon avis, n’est pas insurmontable. Le défi réel est de nous adapter au changement climatique et de construire de façon intelligente et durable.
Vous parlez de laisser-aller. La population ne paie-t-elle pas très cher aujourd’hui l’inaction des autorités face aux constructions illégales ?
L’inaction des gouvernements précédents, oui ! Cependant, il a fallu un gouvernement dirigé par Pravind Jugnauth pour remettre les pendules à l’heure. D’ailleurs, l’année dernière, nous avons légiféré et 100 inspecteurs additionnels ont été recrutés. Toutefois, il y a un gros retard à rattraper. Nous avons également communiqué à ce sujet et averti le public des dangers de construire sur des drains et sur des zones marécageuses (wetlands). Il y a aussi l’incivisme de certains Mauriciens qui se débarrassent de leurs déchets n’importe où. À chaque inondation, c’est le même constat : les drains et les cours d’eau ont été obstrués par des déchets solides.
Dimanche dernier, vos collègues ministres et députés des circonscriptions de l’Est ont arpenté les rues transformées en rivières pour compatir sans difficulté avec leurs mandants. L’accueil risque d’être houleux si cette situation perdure. N’est-ce pas ?
Au sein de ce gouvernement, nous sommes des élus qui croyons dans l’action plutôt que dans les belles paroles et la population peut en témoigner. À chaque problème, nous sommes déjà là pour trouver des solutions. Nous sommes à l’écoute et nous occupons chaque pied carré de terrain, élection ou pas. Je salue le courage de mes camarades qui n’ont pas hésité une seule seconde à se rendre sur place afin de s’enquérir de la situation. Ces habitants sont conscients qu’un travail assidu a déjà commencé dans plusieurs régions de l’ile pour atténuer les effets du changement climatique. Faites vous-même un constat à Fond-du-Sac, Cottage et L’Amitié dans le Nord, mais aussi dans la capitale. Nous sommes au beau milieu de la saison pluvieuse et j’éprouve un profond respect pour ces Mauriciens qui nous donnent un coup de main et savent qu’il faut se serrer les coudes.
Un drain ne se construit pas en un jour. Nous entreprenons des projets d'envergure.»
Ce n’est pas une mince affaire pour une famille d’encourir de grosses pertes en l’espace de quelques heures. Une telle situation engendre la colère des victimes. L’ancien ministre Ashit Gungah en avait fait les frais l’année dernière. En tant que ministre responsable de la National Development Unit (NDU), vous avez donc un gros défi à relever. Comment comptez-vous vous y prendre ?
C’est douloureux pour une famille de perdre ses biens dans de telles circonstances. Une maison et ce qu’elle contient représentent les économies de toute une vie. Cependant, avec le changement climatique, nous devons nous adapter et construire de nouvelles infrastructures et améliorer celles existantes.
Toutefois, il faut dire qu’Ashit Gungah a fait les frais des inondations de 2018. Il en faut beaucoup plus pour faire tomber un Ashit Gungah, qui s’est imposé comme un véritable bulldozer dans le Nord au fil des années ! C’est un concours de circonstances qui a abouti à ce qu’il ne s’est pas fait élire aux dernières législatives aux côtés du Dr Ramdhany et du ministre Teeluck, car il aurait dû y avoir un trois zéro au numéro 6 comme un peu partout dans les autres circonscriptions. Pour sa part, l’opposition n’a pas trouvé mieux que de contester ces élections.
Je le répète : des projets de drains majeurs sont en cours à travers l’ile et sur certains sites, comme à Fond-du-Sac et les résultats sont déjà visibles. Je tiens ici à saluer les initiatives prises par Ashit Gungah à l’époque des inondations et aujourd’hui nous avons pu remédier à la situation. Malheureusement, l’opposition lui a fait porter le chapeau alors qu’il est la cheville ouvrière des développements d’infrastructures à Fond-du-Sac.
Comment expliquez-vous que malgré le fait que des milliards de roupies ont été injectées, il y a toujours une trentaine de zones inondables à haut risque ?
La réponse est simple : cette liste de zones à haut risque est une liste dynamique et elle va continuer d’évoluer au fil des années. Aujourd’hui, une région peut se trouver sur cette liste et n’y figure plus après les travaux. Il en va de même pour une région qui n’a jamais été inquiétée, mais devient tout d’un coup la proie des eaux, nécessitant des travaux immédiats. La Land Drainage Authority veille au grain et les ingénieurs de la National Development Unit sont au four et au moulin pour mener à bien nos projets de drains.
La NDU en a pris pour son grade dans le rapport de l’audit, surtout à cause des retards dans la concrétisation des projets. Comment comptez-vous prendre le taureau par les cornes ?
Depuis mon arrivée à ce ministère, je me permets de mettre beaucoup de pression sur les ingénieurs pour un suivi constant et permanent de l’avancement des travaux, mais les contraintes sont multiples. Comme les procédures d’acquisition des terres où parfois certains propriétaires ne jouent pas le jeu. Ainsi, je lance un appel au secteur privé et le public en général : des vies sont en jeu. Collaborez avec les autorités.
Il y a aussi certaines compagnies de construction qui négligent nos projets. J’ai demandé à ce que nous soyons intransigeants et que nous terminions tous nos projets en cours avant d'en démarrer de nouveaux. Malgré ces contraintes, nos projets sont en passe d’être complétés, comme à Cottage et L’Amitié. À Fond-du-Sac, les travaux d’excavation ont été complétés à 100 % depuis janvier, ce qui a grandement soulagé ses habitants. La construction des drains est à 45 % à l’heure où je vous parle et sera terminée en novembre comme prévu. Il faut faire ressortir qu’un drain ne se construit pas en un jour. Ce sont des projets d’envergure que nous sommes en train d’entreprendre et avec un peu de patience, vous verrez les résultats.
J’ai demandé à mes ingénieurs de ne pas hésiter à annuler des contrats où les sous-traitants jouent aux abonnés absents.»
Quelles sont les sanctions qui ont été prises contre les compagnies qui n’arrivent pas à respecter le délai et quelles sont les autres conditions de leur contrat ?
J’avais demandé une réunion avec des représentants de la Public Procurement Office et du State Law Office et ces derniers nous ont fait comprendre qu’il existe des clauses qui nous permettent d’appliquer des sanctions financières pour retard et non-respect des conditions d’un contrat. J’ai aussi demandé à mes officiers d’ajouter de nouvelles clauses dans les contrats afin de décourager les retards dans les travaux. Depuis quelques mois déjà, ces mesures sont appliquées.
Est-ce que votre ministère a déjà fait la demande pour empêcher une de ces compagnies de participer aux exercices d’appel d’offres ?
Nous ne sommes pas encore arrivés à ce point, mais je n’hésiterais pas à enclencher les procédures pour qu’une telle sanction soit prise, et d’après le PPO, nous pouvons le faire. D’ailleurs, j’ai demandé à mes ingénieurs de ne pas hésiter à annuler des contrats où les sous-traitants jouent aux abonnés absents. Le couperet est tombé à quelques reprises et nous avons envoyé un signal fort. Je ne plaisante pas. Si le travail est mal fait ou accuse du retard, nous serons intraitables.
Partagez-vous l’opinion de ceux qui pensent qu’il y a une concentration des contrats autour d’une poignée de compagnies, voire une sorte de cartel ?
Le mot 'cartel' est un peu fort. Disons que le système d’avant favorisait les grosses compagnies au détriment des petites, qui se contentaient des miettes. Depuis mon arrivée, nous avons eu des réunions avec le SLO et le PPO afin de modifier le système d’allocation de contrats pour donner la chance aux petites compagnies qui sont éligibles. Ainsi les grosses compagnies pourront se concentrer sur les travaux d’envergure, comme les drains, qui nécessitent une attention particulière et immédiate.
Certains travaux de réasphaltage des routes entrepris par la NDU et la RDA laissent à désirer. N’est-ce pas une perte d’argent des contribuables ?
J’ai fait le même constat dans ma circonscription. Il y a un tronçon de route à Plaine-Magnien qui a été asphalté à deux reprises, mais le travail n’a pas été exécuté comme il se devait. Dans ce cas précis, c’est une grosse compagnie de construction, dont les services ont été retenus par un corps paraétatique, qui avait entrepris des travaux sur place. Parfois, ce sont des travaux entrepris par des compagnies suite à des appels d’offres lancés par les collectivités locales et le public a parfois raison de nous faire part de ses doléances. Je le comprends, mais il faut que vous sachiez que toutes les routes ne tombent pas sous notre juridiction. Je dois dire que, jusqu’ici, je suis très satisfait des routes construites par la NDU et la RDA.
Ne faut-il pas mettre sur pied un département indépendant d’audit technique pour superviser les travaux ?
Je l’ai annoncé dans mon allocution à l’Assemblé nationale, dans le cadre du discours-programme. J’ai l’intention de mettre sur pied une équipe qui aura pour tâche de veiller à la bonne gestion de tous nos projets. Cette unité va enlever tous les obstacles qui ralentissent la réalisation d’un projet et assurer que les travaux soient complétés dans les délais prescrits.
Vous rendez-vous compte que vous marchez sur un fil de rasoir, car les victimes des intempéries vont taper fort sur la NDU et votre ministère, d’autant plus que vous êtes très souvent dans les médias à défendre le gouvernement ?
Sur le champ de bataille, j’ai toujours été en première ligne. Cela ne me fait pas peur. J’aime les défis. Si le Premier ministre m’a confié cette responsabilité, c’est qu’il sait que je peux l’assumer. Chaque portefeuille ministériel comporte des attentes, toutes importantes. Je suis conscient que c’est un dossier sensible, mais tout est une question de bonne gestion et de bonne volonté. Pour vous répondre, non je n’ai pas l’impression de marcher sur un fil de rasoir parce que j’ai le soutien indéfectible du Premier ministre et du Cabinet. Je suis épaulé dans ma tâche par d’excellents PS, des ingénieurs dévoués et un staff fantastique. Il y a un travail à faire et je vais m’assurer qu’il soit complété à temps. C’est l’intérêt du public qui doit primer.
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