Notre pays vit très mal le post-Covid 19 sur le plan économique, sociétal, démocratique et idéologique. La nature et le rôle de l’État posent une nouvelle et réelle problématique dans tout ce qu’elle signifie en termes de dérives dangereuses - voire mortifères - pour notre démocratie. La voie choisie par le Premier ministre – « seul contre tous » – n’est pas porteuse d’une sortie de crise qui soit dans l’intérêt général. Le salut de notre société n’est pas dans le culte de la personnalité du « Petit Père » nourri par l’idéologie de la com.
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« Seul contre tous » ...le pays coule
La voie choisie par le gouvernement pour gérer le post-Covid 19 s’inscrit dans une politique de continuité datant d’avant les élections générales et qui s’est amplifiée pendant ces huit mois où l’Alliance Morisien est aux commandes. Dans la gestion de la crise sanitaire, le gouvernement a opté pour la posture « seul contre tous » en faisant la sourde oreille à toutes les propositions/suggestions venant d’autres acteurs – partis politiques, organisations et la société civile. Le scandale de l’achat d’équipements et de médicaments pendant le confinement qui défraie l’actualité ces temps-ci et les révélations d’Axcel Chenney dans Menteur Menteur sur la date de la fermeture des frontières sont quelques-uns des graves manquements dans la gestion sanitaire qui ont mis à risque toute la population. Après environ 340 cas et dix décès, Maurice est maintenant COVID-safe même si la vigilance reste de mise pour faire face à une éventuelle deuxième vague.
Concernant le volet socio-économique, nous avons eu droit à un budget 2020/2021 Business as usual alors que le simple bon sens plaidait pour une sérieuse réorientation de notre stratégie et modèle de développement. Pour sauver et relancer l’économie – les emplois et les entreprises -, le gouvernement a choisi un mécanisme très problématique puisant l’argent (réserve) de la Banque de Maurice et la mise sur pied d’un organisme (Mauritius Investment Corporation) tout aussi problématique. Tant sur le volet sanitaire que socio-économique, c’est l’opacité la plus totale. Inacceptable étant donné la gravité des enjeux qui concernent toute la population !
L’État MSM
La mise en place et la mise en œuvre du plan de sauvetage et de relance économique se font sur une toile de fond qui bafoue les principes élémentaires de la bonne gouvernance. Le clientélisme et le népotisme n’ont jamais autant fleuri, entre autres avec la nomination de proches à des postes clefs pour assurer le contrôle et la mainmise sur les institutions stratégiques. Cela semble être la nouvelle normalité à la mauricienne ! Comme si le Covid Act ne suffisait pas, le gouvernement vient maintenant avec le Criminal Code Amendment Bill pour bâillonner la population. La « dictature du nombre » fait de la démocratie parlementaire une farce quand elle nie à l’opposition de jouer son rôle légitime.
Certains parlementaires pour contrer l’opposition sur plusieurs dossiers n’ont d’autre argument que le classique «hindu bashing» avec dans l’ombre le RSS et ses partisans très actifs à Maurice lors des dernières élections générales déjà. La référence au Code Noir du ministre Balgobin lors des débats sur la motion de blâme contre le Speaker vient confirmer la nature de l’arme de guerre idéologique sur laquelle s’appuie et compte s’appuyer le gouvernement. C’est de la pyromanie dans un contexte où Affirmative Action met à l’agenda, avec raison, les discriminations dont souffre une partie/composante de la population ! Et pour corser le tout, face aux accusations de dilapidation sans aucune pudeur de fonds publics qui alimentent une perception grandissante dans l’opinion que l’argent diable est omniprésent, le Premier ministre refuse une commission d’enquête pour faire la lumière sur les allégations mais annonce plutôt que lui saisira la cour dans un cas le concernant directement. Aujourd’hui, les principes et valeurs dont il se gargarise sont solubles dans une gestion s’appuyant sur une partisannerie aveugle, avec comme seule finalité le maintien et la consolidation de son pouvoir.
L’État MSM revoit aussi ces temps-ci le modus operandi axé sur la concertation avec le secteur privé (englobant le segment gros capital). Dorénavant l’État impose ! Au sein du secteur privé, il y a ceux qui sont conscients des dangers de ces dérives de l’État car ils sont soucieux de l’avancement du pays dans le respect des principes fondamentaux d’une société démocratique. Il y a aussi un courant qui, fort de sa traditionnelle puissance historique, se trouve maintenant à l’écart ?). Il n’avait jamais eu besoin d’alliés pour avancer son agenda de ses seuls intérêts économiques. Les tenants du pouvoir politique lui suffisaient, quitte à être complice en cautionnant des décisions contraires à la bonne gouvernance - dans un passé récent il y a eu le cas du limogeage de Megh Pillay d’Air Mauritius dans les conditions que l’on sait. Or, dans ce champ socio-économique, une mutation structurelle est en cours !
Résistance, contestation et opposition
L’Alliance Morisien - le MSM en somme - avait capitalisé sur l’incapacité de l’opposition politique de s’unir, sur la division du monde syndical et sur une résistance « confetti » de la société civile. Partant de là, le Premier ministre pensait pouvoir tout faire et tout dire. Il continue d’expliquer qu’il gère très bien la situation. Pour lui, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Or, une bonne partie de la population ne l’entend pas ainsi et pense que sa gestion vise uniquement à consolider son pouvoir et celui de son parti. Et la résistance se développe sur plusieurs fronts - syndical, société civile et politique.
La marche du 11 juillet a vu une belle mobilisation. Des milliers de citoyens ont défilé pacifiquement dans les rues de Port-Louis pour dire non à la façon dont le pays est gouverné et géré. Le Kolektif Konversation Solider, dont le slogan est Vie, Solidarité et liberté, a envoyé une lettre au chef du gouvernement pour exposer ses doléances et revendications. C’est le point de départ d’une plateforme minimaliste pour sauver le pays. Maintenant, le défi du Kolektif consiste à développer et amplifier cette dynamique avec des citoyens qui n’ont plus peur.
Sur le front politique, l’unité se dessine entre les partis politiques de l’opposition (dont le Reform Party ?). Pour cette plateforme, l’Alliance Morisien est en train de ruiner le pays avec sa politique économique, ses atteintes à la démocratie, aux droits et libertés fondamentales, ses manquements à la bonne gouvernance, son népotisme et son incompétence. La rencontre des trois leaders – N. Ramgoolam, P. Bérenger et X-L Duval – de ce samedi 25 juillet a pour but d’officialiser une plateforme commune et l’annonce de la marche à suivre.
C’est sur ce fond d’un champ politique infecté et très tendu que le pays entre dans une phase cruciale de redémarrage de l’économie avec l’étape délicate de l’ouverture des frontières. Tout semble indiquer que la crise sociale ira en s’intensifiant avec l’aggravation du chômage et la sérieuse baisse du pouvoir d’achat. Dans la population c’est l’angoisse, la souffrance et l’inquiétude en raison d’un manque de visibilité pour les semaines et mois à venir.
Projet de sauvetage sociétal
Sauver les emplois, les entreprises et relancer de l’économie, aussi vital que cela soit ne va pas suffire pour que notre société prenne la voie d’un développement durable et trouve sa place dans le nouvel ordre mondial. Déjà avant la Covid 19, il y avait une urgente nécessité de repenser notre philosophie du développement dans ses déclinaisons thématiques – vivre-ensemble, éducation, égalité citoyenne, jeunes, inégalités et pauvreté, aménagement du territoire, environnement, notre place dans le monde. Une phase transitoire qui intègre les contraintes est nécessaire certes, mais elle devrait parier sur toutes les opportunités et tous les potentiels en créant les espaces nécessaires à la libération des énergies créatrices des Mauriciens.
Ce qui est en jeu est un projet de sauvetage pour asseoir un projet de société. Projets qui ne peuvent faire l’impasse sur le dialogue social dans sa signification profonde afin d’amener la collaboration et la participation de tous les acteurs du développement. Dans la deuxième partie de la présente analyse réflexion nous reviendrons sur ce plan de sauvetage sociétal.
Par Malenn Oodiah
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