Les sociétés à travers le monde sont confrontées aux crises liées à la pandémie de Covid-19 : crise sanitaire, économique, social, politique et démocratique. Maurice n’y échappe pas. Si certaines sont guidées par leurs visières partisanes, d’autres ont choisi le rassemblement.
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À Maurice, le salut réside dans un rassemblement national le plus large possible comprenant les partis politiques, les acteurs du développement, les partenaires sociaux, le monde associatif et la société civile. Dans le volet III de cette série - Pour un miracle sociétal -, nous avons en conclusion parlé des blocages existants, dont celui de la pathologie politique et de ceux, sociaux, qui sont des obstacles à surmonter pour réunir les conditions de ce rassemblement tant nécessaire.
Encore à ce jour, le Premier ministre a voulu que le gouvernement gère seul la crise sanitaire. Le déconfinement qui est à l’ordre du jour sera bien plus compliqué que la mise en confinement. Il exige une stratégie minutieusement préparée car il touche tout le monde sur des questions fondamentales – libertés, droits humains et vie quotidienne.
Crise économique et casse sociale
Le temps est à la gestion de la « catastrophe économique ». Le plan de relance annoncé par le ministre des Finances commence à devenir une urgence. Ce plan, qu’il serait plus apte de nommer plan de relance-sauvetage, demande le soutien du plus grand nombre possible pour notamment limiter la grave casse sociale qui se dessine. La crise sociale est déjà là et après le confinement, elle va prendre d’autres dimensions. Les inquiétudes et angoisses montent chez les Mauriciens, qui s’interrogent sur leur avenir.
Le plan de relance-sauvetage et le Budget vont impacter sur toutes les couches de la population. Il appartient à l’Etat et à ceux qui sont aux commandes d’avoir l’approche qui convient à cette situation. Autrement, l’ampleur de la crise qui objectivement constitue un véritablement traumatisme peut vite déraper en implosion ; voire en une insécurité rampante grandissante et en des révoltes et émeutes.
A situation inédite il faut imaginer une démarche inédite. Les solutions classiques et les postures classiques ne correspondent pas à la nature inédite de la crise économique et sociale. Elles demandent de tous les acteurs du développement, des acteurs sociaux des gestes forts à la hauteur de la situation en termes d’efforts et de contribution. Sinon, notre société va devenir ingouvernable. Le temps presse. Mais ne confondons pas vitesse et précipitation.
Les acteurs politiques
Le Covid-19 a frappé un pays dont l’écosystème politique et sociétal était déjà problématique. Notre système politique demande à être refondée pour la vacciner contre la pathologie qui la ronge depuis des années. L’alliance au pouvoir depuis novembre 2019 a choisi la continuité avec un discours programme dont le mantra est de faire de Maurice une « high income economy». Sur le plan démocratique et de la gouvernance, c’est aussi la continuité en termes d’abus, de manquements d’une majorité parlementaire qui ne correspond pas à une majorité électorale.
L’échiquier politique était déjà tendu, et la pandémie l’a rendu plus tendu encore avec d’un côté le gouvernement et de l’autre tous les partis d’opposition très critiques sur la façon dont les différents volets de la crise sont gérés.Le leader du Parti travailliste précise sa position sur le plan économique. ll ne faut pas tout mettre sur le dos du coronavirus car la situation économique était déjà catastrophique, dit-il. En ligne avec son programme de démocratisation de l’économie, il insiste que le soutien de l’Etat à certaines entreprises devrait avoir comme contrepartie la participation de l’tat dans leurs actionnariats. La mise en administration volontaire d’Air Mauritius est venue mettre le feu aux poudres avec une polémique qui place « Lakwizinn » au cœur de plusieurs aspects de cette décision du conseil d’administration d’Air Mauritius.
Resistans ek Alternativ, qui a un important bras syndical, s’insurge que le secteur privé reçoit de l’aide et ne met pas la main à la poche. C’est l’argent du peuple qui est utilisé pour financer les entreprises du gros capital dit ce parti. Il faut s’attendre à ce que les autres partis précisent leurs positions concernant le plan de relance et le budget. Déjà, ils demandent de geler les gros projets et de réduire le train de vie de l’Etat. 100 % Citoyen se fait le défenseur des PME et est très vigilant sur le front des libertés fondamentales pendant le confinement.
Syndicats et société civile
Le mouvement syndical se retrouve face à une situation inédite avec la menace d’un mouvement de licenciements massifs touchant. entre autres, deux piliers de l’économie que sont le tourisme et le secteur manufacturier. Il faut s’attendre à ce qu’íl se manifestent davantage quand le plan de déconfinement et le plan de relance seront connus. Le Bureau international du travail pose ainsi le problème : « Les syndicats ont un potentiel de mobilisation énorme à travers leurs adhérents ; soit pour faire campagne pour des changements constitutionnels et législatifs en faveur des travailleurs, soit pour agir rapidement et efficacement quand une aide humanitaire est nécessaire. »
Le monde associatif et la société civile ont un rôle clef à jouer. Ils constituent un maillon essentiel dans la chaîne de reconstruction nationale. Ils vont souffrir et risquent de devenir inopérants alors qu’une période extrêmement difficile arrive pour les précaires et les vulnérables.
Le patronat et les entreprises
Le secteur privé, ou plus précisément la composante qu’on appelle le gros capital, est déjà au cœur du débat. Un courant de l’opinion dénonce son silence et sa tendance de tout attendre de l’Etat sans avancer de propositions sur comment lui pourrait apporter sa contribution à un plan de relance-sauvetage.
Que l’écosystème économique avec la concentration des richesses, les fortes inégalités socio-économiques et les profits des Top 100 entreprises soient à l’agenda est normal. Le fardeau doit surement être porté d’abord par l’Etat.
Toutefois, ceux qui ont les moyens en termes de patrimoine qui se chiffrent en milliards de roupies auraient pu et dû prendre les devants et venir avec des propositions concrètes fortes – utilisation des terres, paiements de dividendes, réduction des inégalités salariales - dans un élan de solidarité nationale pour sauver le pays.
Les biens des trois plus grands conglomérats sont estimés à Rs 150 milliards. Une étude de la MRA en septembre 2019 estime la fortune traçable des Mauriciens à l’étranger à Rs 104 milliards pour les particuliers et Rs 980 milliards d’actifs pour les entreprises.
Table ronde pour un plan de sauvetage
Idéalement, dans les circonstances actuelles, certains pensent a un gouvernement d’unité nationale pour entrainer tout le pays ,Mais on peut oublier cette option. La situation exige au minimum la tenue d’une table ronde pour dialoguer, échanger et négocier sur un plan de sauvetage. Ce plan devrait viser un consensus.
Efforçons-nous de creuser nos méninges pour faire preuve d’innovation et d’imagination afin de trouver des solutions/orientations dans l’intérêt général pour le court, moyen et long termes. Dans l’espoir qu’elles seront entendues.
L’humilité est une vertu tant nécessaire ces temps-ci. Les participants à cette table ronde devraient faire preuve d’un sens aigu de responsabilité. Ce qui exclue toute démagogie populiste, et une arrogance-suffisance. Il va sans dire que le tout-à-l’ego n’a pas sa place encore moins des visières partisanes. La crise inédite est une occasion pour débloquer et libérer notre société autour d’un plan de sauvetage. Ce plan devrait pouvoir guider une réorientation de notre stratégie et modèle de développement. Ce dont le pays a besoin ce n’est sûrement pas des mesurettes, encore moins des solutions palliatives.
L’enjeu c’est de développer notre résilience dans une solidarité juste, avec des efforts consentis par ceux qui en ont les moyens. L’exemplarité doit venir d’en haut vis-à-vis de ceux à qui seront appelés à faire des efforts et des sacrifices. La nécessaire mobilisation générale et totale doit se faire sur des bases saines pour ouvrir des perspectives, Dans le dernier volet consacré à cette série sur la reconstruction nationale, nous reviendrons sur la table ronde et le plan de sauvetage. Un chose est sûre : l’avenir n’est pas dans le «business as usual», des projets de prestige et des chantiers de béton non-productifs !
Malenn Oodiah
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