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[Blog] Reconstruction Nationale Post-Covid-19 (iii) : pour un miracle sociétal

Nous sommes un peuple avec beaucoup de qualités. Oui, nous l’oublions trop souvent. Les Mauriciens, dans leur grande majorité, sont intelligents, ont du coeur et sont animés par le bon sens. Pendant plus de trois siècles, les générations qui nous ont précédées ont surmonté des catastrophes naturelles, connu des crises économiques, des moments de fortes tensions sociales. Elles ont su gérer les contradictions, des divergences plus ou moins profondes, pour trouver les compromis nécessaires afin d’avancer et forger l’ADN mauricien, qui est le vivre et le construire ensemble.

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Cette histoire commune, nous pouvons en être fiers. C’est ce qui fait de nous un grand peuple. Il est aujourd’hui confronté à une crise inédite provoquée par le Covid-19, qui frappe toutes les sociétés de la planète en même temps. Elle est pénible à vivre, pleine de souffrance matérielle et psychologique. Cependant, nous avons les ingrédients nécessaires pour faire de cette crise une occasion en or pour construire ensemble un miracle sociétal porteur, à terme, d’un développement vert, humain et moderne. À chacun d’entre nous et à nous tous de mettre la main à la pâte.

Qualités et atouts 

Depuis bientôt deux mois maintenant, la crise nous fait (re)découvrir les qualités de notre société, les valeurs profondes qui l’animent et qui constituent les bases à être consolidées pour affronter les deux-trois prochaines années extrêmement difficiles qui nous attendent. Cela dépend de nous pour qu’il soit meilleur ou pire, car n’oublions pas que ce sont les hommes et les femmes qui font l’histoire. Certes, il y a des paramètres qui sont en-dehors de notre contrôle, notamment dans le domaine économique, mais il y en a d’autres que nous pouvons maîtriser au service d’un véritable projet de société concret. Le temps est à la (re)construction concrète, avec tout le sérieux que cela implique et non à la légèreté sous toutes ses formes et déclinaisons.

Nous avons, ces derniers deux mois, vu une grande partie de la société civile, tranquille en temps normal, animée d’un sens de solidarité exemplaire pour se démener afin de pallier les insuffisances de l’appareil administratif de l’État. La crise nous révèle et nous permet de prendre conscience des vraies valeurs qu’on dit souvent disparues, mais qui sont encore bien enracinées. Nous avons témoigné d’une société capable d’imagination, d’organisation, d’innovation, d’adaptation pour trouver des solutions rapides et efficaces, et qu’il faudra consolider après le confinement.

Nous avons vu le dévouement et la conscience professionnelle de nos frontliners, qui assurent les services essentiels. Non seulement dans le service public, mais aussi du privé : personnel hospitalier, forces de l’ordre, services de voirie, le transport, les commerces, l’information, la fourniture d’électricité... pour ne mentionner que ceux-là.

Ils ont assuré et continuent d’assurer, malgré les risques sécuritaires posés par le manque d’équipements de protection et d’appui logistique.
De nombreuses entreprises assument leur responsabilité citoyenne et nationale de différentes manières et dans différents domaines. Cette solidarité concrète, précieuse demande à être démultipliée dans les semaines et mois à venir en tenant compte, bien sûr, des contraintes et difficultés qu’elles-mêmes vont connaître pour opérer.

Nous avons vu des citoyens vigilants, critiques faire preuve de courage et ne pas se laisser intimider par les tentatives de les faire taire. Nous avons vu certains hommes politiques de l’opposition, responsables, travaillant pour le bien du pays tout en exerçant leur devoir de vigilance, jouer à fond la carte de la solidarité nationale en avançant des idées et propositions valables.

Il y a eu une utilisation positive des réseaux sociaux pour informer, conscientiser les internautes, mais aussi pour divertir, partager des idées et astuces afin d’aider à gérer les multiples contraintes et émotions générées par le confinement et la crise. À souligner, les initiatives de nos artistes, jeunes et moins jeunes.

De nombreuses ONG, malgré les contraintes et les lenteurs administratives, sont mobilisées. La société civile doit continuer à se mobiliser, se structurer et s’organiser avec les plateformes existantes et d’autres restant à développer, afin de mettre à l’agenda national les problématiques du jour et à venir dans les différents domaines.

Dérives et blocages

La partie ne sera pas facile, car il faudra compter avec les travers et déficits de notre société, avec les dynamiques qui la travaillent et les dérives dangereuses animées par des pyromanes et fossoyeurs de la République. Qu’il faut combattre et neutraliser ! Il ne faut pas baisser les bras. Bien au contraire, il faut redoubler d’effort.

Les postures, tant sur le terrain que sur Facebook, sont venues confirmer l’existence d’une face de notre société porteuse d’aucun avenir. On y voit ceux dont la devise est de se servir et servir son clan et ses proches, au lieu de servir dans l’intérêt général, une population fragmentée gagnée par la société de consommation dans sa version bling-bling, l’aveuglement partisan, le tout-àl’ego,le règne de l’argent-diable avec la culture de rod-bout et la corruption institutionnalisée.

Demain ne sera pas comme hier. Oui, c’est l’austérité qui a être à l’ordre du jour pour les trois prochaines années.

L’État, les entreprises et les ménages vont devoir revoir leur train de vie. Pour l’État et ses institutions, de même que pour de nombreuses grandes entreprises, il leur faudra tailler dans le gras et non dans la chair. De nombreuses familles mauriciennes – surtout de la classe moyenne – vont être contraintes de revoir sérieusement leur style de vie, de choisir entre le paraître et l’être.

Crise économique et sociale, et déconfinement 

Le FMI prévoit pour 2020 une baisse du PIB de l’ordre de - 6,8 %, un taux de chômage à 17 % et une inflation de 8,5 %.

Cela donne le ton de l’ampleur de la crise économique et de la casse sociale qui se dessinent déjà, avec la fin du mois d’avril qui approche tant pour les salariés que pour les entreprises. Tous les partenaires concernés doivent se mettre à table dans les meilleurs délais pour discuter ensemble de tous les aspects de la phase décisive du déconfinement ; plus particulièrement s’agissant des services publics et des entreprises, de la protection sanitaire des employés en termes de transport, d’aménagement des lieux de travail et des droits des travailleurs.

La population doit être préparée, en intégrant la dimension psychosociologique, pour assurer le respect des consignes. Assuronsnous aussi de nous doter de tous les moyens – masques et autres équipements – pour réduire au minimum le risque d’une deuxième vague, de sap dan karay tom dan dife. 

La responsabilité de l’État et de ceux qui sont aux commandes est engagée pour limiter la catastrophe économique et la casse sociale. La réponse à la crise ne pourra se dérouler sans prendre on board tous les protagonistes : forces politiques parlementaires et extra-parlementaires, forces syndicales et patronales, et autres acteurs sociaux.

Perspectives 

Le temps n’est pas à la posture « l’enfer c’est les autres » des partenaires sociaux, qui est source de facteurs bloquants depuis quelques années. Le temps est aussi venu de sérieusement trouver un vaccin pour soigner le déséquilibre pathologique de la politique, dont les dernières élections ont encore une fois fait la démonstration. Si les mesures prises ne sont pas à la hauteur pour répondre aux défis, la casse sociale risque fort de se traduire en instabilité et en insécurité qui, à leur tour, impacteront négativement la déjà difficile reprise économique.

Gare à la tentation de mesures sécuritaires anti-démocratiques pour endiguer alors les manifestations de détresse sociale ou pour les faire taire. Dans le 4e volet consacré à cette série sur la reconstruction nationale post-coronavirus, nous reviendrons plus longuement sur cet aspect fondamental de notre vie collective politique, qui demande à être refondée.

Aujourd’hui, nous sommes à la fin d’un cycle de civilisation. C’est le cas pour la planète et pour notre pays. Antonio Gramsci écrivait : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Devant nous se dressent deux possibilités : soit une humanité retrouvée, soit une fatale descente aux enfers. À nous d’être à la hauteur de ce rendezvous historique. Nous sommes un grand peuple ! Continuons de l’être en mobilisant toutes nos énergies et intelligences, et tous nos efforts pour la mise en oeuvre d’une révolution tranquille, porteuse d’un miracle sociétal fondé sur la solidarité.

L’heure est au rassemblement !

Malenn Oodiah

18 avril 2020

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