Cette reconstruction nationale aura plusieurs volets – économique, social politique et culturel. L’analyse-réflexion d’aujourd’hui pose la problématique de manière globale. Il y aura un après-Covid19 et demain ne sera pas comme hier. Intégrons cette donnée fondamentale dans toute réflexion sur la reconstruction.
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Sociétale
L’après-Covid-19 va être très difficile, long et complexe. Le défi sera d’abord sociétal. Ce virus est venu frapper une société mauricienne travaillée par des dynamiques latentes et manifestes inquiétantes. Il nous faut réunir les conditions socio-politiques pour soutenir une union nationale qui va nous permettre de nous en sortir. Si sur le front sanitaire nous avons un ennemi commun invisible, sur le front socio-politique il faut compter sur une société fragmentée avec ses nombreuses qualités mais aussi des déficits – d’écoute, de cœur, d’intelligence – surtout chez ses « élites ». Ces qualités et déficits d’une société aujourd’hui animée par la peur se révèlent au grand jour tant sur le terrain que sur les réseaux. Il y a des raisons d’espérer avec une île Maurice de l’espoir animée par une solidarité exemplaire qui est à la manœuvre ces jours-ci.
Le salut réside dans cette majorité tranquille, transversale, intelligente, pleine de bons sens et qui a du cœur. Il faut se battre avec force contre une minorité agissante porteuse de toutes les dérives possibles et contre lesquelles notre pays n’est pas immunisé. Tel que certains ont cru que nous l’étions contre le Covid-19.
Pandémie et économie
La pandémie a mis l’économie à l’arrêt. Toutes les régions du monde sont affectées – la Chine, l’Europe, les Etats Unis, l’Inde et l’Afrique pour ne mentionner que nos plus importants partenaires économiques. Il est très difficile à ce jour de mesurer l’impact sanitaire, économique et politique de l’épidémie ici. Et c’est dans un monde avec ses contradictions - certaines aiguisées par la crise du coronavirus - que notre pays doit repenser demain et après-demain. Pouvons-nous dégager l’intelligence collective tant nécessaire pour cela ?
Avant le Covid-19, l’économie nationale était déjà mal en point avec un endettement – public, des entreprises et des ménages – très problématique ; des principaux piliers de l’économie traversés par de graves problèmes structurels ; et un secteur PME laissé à lui-même. Notre économie ouverte repose sur les exportations et les importations, donc de pays/zones clients et fournisseurs. Nous ne savons pas quand ces pays/zones vont se remettre de la crise provoquée par le coronavirus. Notre économie est déjà à genoux et le plus dur reste à venir. Prenons le cas du secteur du tourisme qui emploie près de 100 000 personnes directement et indirectement. Il est aujourd’hui complétement à l’arrêt. Raisonnablement, on ne pourra s’attendre à un redémarrage avant au moins neuf mois.
Entretemps, il y aura des licenciements et des milliers de personnes vont se retrouver au chômage. Il en sera de même pour les autres secteurs. Il faudrait pour éviter ou limiter la casse sociale que le gouvernement travaille sur un plan d’accompagnement.
Impact économique en trois temps
Les autorités, les institutions et les entreprises ont pris des dispositions pour assurer les salaires dans le secteur formel, a initié un schéma pour le secteur informel et pris des mesures pour les précaires et les vulnérables. Il avait fallu parer au plus pressé suite à la décision du confinement. La prochaine échéance sera la fin du mois d’avril avec des problèmes de cashflow pour maintenir les entreprises en vie. Il faut avoir des réponses concrètes et rapides en attendant le budget 2020/2021. Le discours programme et sa rhétorique n’est plus d’actualité.
Démarrons au plus vite les consultations pré-budgétaires pour dégager des mesures concrètes pour l’immédiat mais aussi des mesures pour le court et moyen termes. Le prochain budget devra être un budget stratégique pour jeter les bases d’une reprise de l’économie et repenser les orientations à la lumière des leçons du Covid-19. Il faut, entre autres, promouvoir activement l’économie solidaire, et la résilience sociale, économique et écologique dans l’architecture d’un modèle de développement à repenser. Nous y reviendrons.
Politique
Cette crise est venue confirmer l’existence d’une crise du politique. Retrouvons au plus vite l’équilibre entre les deux dimensions de la politique : celle de la gestion de la cité dans l’intérêt général et celle de la conquête et du maintien au pouvoir pour des intérêts partisans. La gestion politique de la crise actuelle a révélé, pêle-mêle, le non-respect des principes fondamentaux d’une démocratie et ses dysfonctionnements en raison de la mainmise de l’alliance au pouvoir sur des instituions stratégiques : une démission de l’Etat dans ses rapports avec les forces du marché ; un abus d’une majorité parlementaire pour imposer la dictature du nombre ; un aveuglement partisan prêt à cautionner toutes les dérives, y compris les plus dangereuses. Par ailleurs, nous sommes témoins qu’une bonne partie de la classe politique est dépassée ; heureusement pour ces exceptions qui sont à la hauteur. Nous reviendrons plus longuement sur la nécessite de refonder la politique.
La révolution culturelle
Nous n’arrêtons pas depuis quelques années de dire qu’il faut un changement de mentalités, d’attitudes et de comportements. Ce changement touche à tous les aspects de la vie individuelle et collective. L’avoir a pris le dessus sur l’être avec la société du spectacle et de la consommation. Notre société est polluée par des roder bout à la recherche de faveurs, de passe-droits avec tout ce que cela engendre comme frustrations pour ceux qui ne sont pas bien connectés politiquement. Une rupture avec ces pratiques s’impose pour retrouver le sens de la vie en société, où la solidarité est un pont entre la liberté et l’égalité. Nous reviendrons plus longuement sur cette révolution culturelle.
Conclusion
La reconstruction nationale post-Covid-19 sera un chantier colossal en raison d’une économie complètement à genoux et une société traumatisée par le confinement et ce qu’il a engendré. Il nous faudra une intelligence de situation, du professionnalisme, de la méthode et du cœur. L'exercice d'écoute active des acteurs du développement et des acteurs sociaux doit commencer dans les meilleurs délais pour assurer une mise en place qui intègre toutes les implications des options, orientations, choix, mesures et autres initiatives. Il faut un «process» et ne pas céder à la panique, à la va-vite ou du grossier bricolage. L'enjeu c'est de réunir les conditions pour une mobilisation nationale par l’adhésion du plus grand nombre. On ne mobilise pas par la contrainte et la force.
Malenn Oodiah
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