Pendant combien de temps encore le centre de Port-Louis se transformera-t-il en une rivière déchaînée à chaque averse, emportant avec elle des véhicules ? La Nationale à hauteur de Cassis deviendra-t-elle régulièrement un bassin où flottent des voitures, comme cela s'est malheureusement produit le triste lundi 15 janvier ? Les gens auront-ils une peur bleue de descendre à Port-Louis pour travailler ou pour affaires, craignant pour leur vie ? Les défunts du cimetière St-Jean vacilleront-ils dans leur tombe au gré de la montée des eaux ? Les habitants des zones à risques continueront-ils à subir d'énormes pertes ?
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Est-ce qu'il faudra attendre des dizaines de morts pour que les autorités réagissent ? Ce n'est ni une spéculation ni une fiction. Notre pays pourrait bien être confronté à cette sinistre situation en cas de double intempérie sur la capitale. D'un côté, un déferlement d'eau des montagnes du Pouce et des Signaux à la suite de fortes averses, et de l'autre, une brutale montée des eaux. Ou encore lorsqu'un tsunami frappera nos côtes.
Ce qui s'est déroulé le lundi 15 janvier aurait pu être évité si les priorités des projets gouvernementaux n'avaient pas été renversées. Le gouvernement s'est focalisé sur « la transformation du pays », comme l'a annoncé le Premier ministre, Pravind Jugnauth, dans son Discours-Programme après sa victoire électorale en novembre 2019. Il est évident que les dizaines de milliards de roupies investies dans de nouvelles autoroutes, un pont majestueux et des voies express (Bypass) visant à réduire les temps de trajet symbolisent une nation en mouvement. Certes, ce sont des initiatives très louables.
Cependant, l'ampleur de ces projets est éclipsée par des priorités inversées. Derrière cette façade de progrès persiste un problème préoccupant : des inondations récurrentes compromettent la sécurité et le bien-être des citoyens. Les systèmes de drainage obsolètes et les canalisations inadéquates figurent parmi les principaux facteurs des inondations. Il ne faut pas tout attribuer au seul changement climatique. C'est une vérité amère que le gouvernement, en particulier le ministère des Infrastructures nationales et du Développement communautaire, doit reconnaître.
Chaque fin d'année, le ministre Bobby Hurreeram met en avant les projets réalisés, mais il se fait discret lors des averses dévastatrices. Est-ce parce que son ministère n'a pas mis en œuvre « de nouvelles initiatives pour minimiser l'impact des inondations sur la population, les biens fonciers et l'agriculture », comme annoncé dans le Discours-Programme ?
Indépendamment de toute opinion contraire, ne serait-il pas bénéfique de procéder à un audit des contrats de drainage attribués par le gouvernement, en particulier ceux de la Land Drainage Authority (LDA) ? La gestion des eaux pluviales présente encore des lacunes, notamment au centre de Port-Louis et sur la Nationale, entre autres.
Un audit, idéalement réalisé par une équipe étrangère, serait bénéfique vu que la plupart des sociétés de consultants mauriciennes ont des liens avec le gouvernement à travers des contrats obtenus. Cet audit devrait évaluer la pertinence de chaque contrat, la qualité des travaux effectués, et examiner les raisons pour lesquelles des problèmes urgents et récurrents n'ont pas été résolus.
Par ailleurs, il est essentiel de comprendre pourquoi l'ancien Permanent Secretary (PS) du ministère des Infrastructures nationales et du Développement communautaire, transféré à un autre ministère depuis trois ans, occupe toujours le poste de Chairman de la LDA. Cette situation jugée « injuste » soulève de nombreuses questions parmi les hauts fonctionnaires. Est-il un élément-clé d’une quelconque équation au sein de ce ministère ?
La priorité du gouvernement devrait être réorientée afin de résoudre les problèmes urgents auxquels les citoyens sont confrontés depuis longtemps. La réhabilitation des routes existantes, accompagnée d'une gestion intégrée des eaux pluviales, devrait être au cœur de cette nouvelle vision, assurant ainsi une sécurité routière durable et la protection du public.
Certes, ce triste 15 janvier donne du poids aux arguments de l'opposition, qui réclame la démission du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et du ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo, tout en appelant à des élections anticipées. L'opposition espère affaiblir le MSM. C'est une tactique de la politique, car après les inondations de mars 2013, l'opposition avait demandé des démissions au sein du gouvernement travailliste dirigé par Navin Ramgoolam, ainsi qu'un rappel urgent des électeurs aux urnes.
Parmi les similitudes dans la gestion des inondations de mars 2013 et de janvier 2024, on peut noter le sort des directeurs de Météo Maurice en période de crise, eux étant les premières victimes collatérales. C'est pourquoi certains expriment des doutes lorsque le leader du PTr et de l'alliance de l'opposition parlementaire, Navin Ramgoolam, déplore que Ram Dhurmea aurait été utilisé comme bouc émissaire. Ils se demandent si cela n'était pas également le cas pour Balraj Dunputh en 2013 lorsqu'il était Premier ministre. Selon des informations concordantes, Ram Dhurmea a eu plus de chance que Balraj Dunputh. Il n'a pas été renvoyé ou contraint de quitter ses fonctions. Dans l'après-midi du lundi, le Chef du Cabinet lui a transmis le souhait du gouvernement qu'il « step down » en tant que directeur pour retrouver son poste de « Deputy Director ».
Cependant, la situation a été inversée lorsque sa lettre adressée au Chef du Cabinet a atterri au PTr. Immédiatement, le couperet est tombé. Il a été suspendu et fera l'objet d'une action disciplinaire, avec le risque de tout perdre.
Le gouvernement n'a pas l'intention de lâcher prise et cherche surtout à prouver que son sort ne relève pas d'une manœuvre. On tente de le discréditer à travers une vidéo qualifiée de « damning » contre lui. En réalité, lors de la réunion du National Disaster Risk Reduction and Management Centre, Ram Dhurmea a bel et bien indiqué que Météo Maurice envisageait de lever l'alerte 1 le lundi matin.
Au-delà de toutes les conséquences de ce sombre lundi 15 janvier, il est essentiel que chaque parti ou alliance présente un programme distinct du programme électoral traditionnel, détaillant de manière approfondie les actions qu'ils prévoient de prendre pour résoudre le problème d'évacuation d'eau lors des averses, en commençant par Port-Louis. Ils doivent s'engager à mettre en œuvre ces mesures de manière irréprochable.
Il est légitime de se questionner sur l'utilité d'annoncer de grands projets dans les manifestes électoraux lorsque la sécurité de la population n'est pas garantie pendant les averses.
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