« La liberté d’expression s’arrête où commence la censure de sa propre pensée ». Marie-France Ochsenbein.
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À quelque chose, malheur est bon. Ce proverbe sied bien à la présente conjoncture. À travers des amendements à l’IBA Act, le gouvernement a voulu mettre les radios privées « en liberté surveillée », pour reprendre les propos de Lindsay Rivière. Par ricochet, restreindre la liberté de la parole des citoyens qui voient dans les radios privées la seule plateforme crédible pour exprimer librement leurs opinions – sans censure ni manipulation.
Plus d’un s’interrogeaient sur le timing du gouvernement de venir de l’avant précipitamment avec ces amendements. Tout porte à croire qu’il s’est inspiré des gouvernements autocratiques qui ont pris un malin plaisir à raboter la liberté d’expression en profitant pleinement des restrictions de mouvement liées à la pandémie. À titre d’exemple, au Nigéria, Twitter a été bloqué. En Ouganda, 54 organisations des Droits de l’homme ont été suspendues. La liste des pays où l’on impose le silence est tellement longue que l’année dernière, le Democracy Index de l’Economist Intelligence Unit a chuté à son point le plus bas, plus précisément 5,37 sur 10. Cette année pourrait être pire.
En portant atteinte à la liberté d’expression des citoyens, le gouvernement avait cru que les mesures de restriction de mouvement imposées en raison de la pandémie allaient anesthésier les citoyens et consumer la flamme des acteurs de la société civile. L’effet boomerang ne s’est pas fait attendre. La forte mobilisation des citoyens lors du défilé de la Plateforme pour la liberté d’expression tenu dans les rues de la capitale, samedi, vient donner un nouveau souffle au combat pour préserver nos valeurs démocratiques. La resistance menée par Dev Sunnassy, Rajen Narsinghen et Rama Valayden entre autres rejoint une observation de Michelle Bachelet, United Nations High Commissioner for Human Rights : « From Belarus to Bolivia, and even in the United Kingdom and the United States, civil-society leaders and organizations are heading bold movements to resist structural oppression, authoritarianism, and injustice ».
Le mouvement du samedi 11 décembre marque un premier pas dans la collaboration active entre les médias et les acteurs de la société civile pour préserver ce qui fait l’essence même de notre vie démocratique : la liberté d’expression. Et pour sauvegarder la capacité des citoyens à se forger une opinion de manière autonome. Que les hommes au pouvoir reconnaissent que l’information et la démocratie sont étroitement liées. L’une ne peut exister sans l’autre.
Dans une interview accordée à Le Défi-Plus, samedi, Ehshan Kodarbux, l’Executive Chairman de Radio Plus et CEO du Défi Media Group prévient contre un danger lié au rapport cause à effet : « Ce que je crains le plus, c’est que si les gens ont l’impression de ne plus pouvoir parler librement ou se confier à la radio, c’est-à-dire exercer leur droit d’information et de parole dans un cadre institutionnel, ils vont le faire de manière anonyme et débridée ailleurs, en particulier sur le Net. Alors là, bonjour les dégâts qu’on voudrait limiter ! »
Les organisateurs de ce défilé ont annoncé que la pression sera maintenue sur le gouvernement jusqu’à ce qu’il abroge ces amendements qualifiés d’anticonstitutionnels. Franchement, ce n’est pas peine perdue, car selon les observations de Michelle Bachelet « engaged citizenship can be transformative. » Elle cite le cas de la Moldavie et de la Malaisie où « civil-society organizations helped to overturn repressive “state of emergency” laws this year, preventing the dangerous erosion of democratic institutions. »
Avec la détermination de fer et infatigable de la Plateforme pour la liberté d’expression de ne pas lâcher prise, on a l’impression qu’un déclic a été enclenché. Devant les limites des acteurs traditionnels et institutionnels, politiques et médias compris, l’explosive rencontre entre société civile et réseaux sociaux pourrait déboucher sur l’inattendu. L’avenir nous le dira.
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