Interview

Blanchiment d’argent - Me Penny Hack : «Ce délit peut toucher divers secteurs de notre économie»

Penny Hack

L’avocat Penny Hack indique que le blanchiment touche divers secteurs de notre économie. Les causes de ce mal peuvent être liées à la corruption, à l’ingérence politique, aux abus, à la complicité de certaines multinationales et à une défiance dans les institutions régulatrices. Toutefois, le délit est difficile à établir s’il intervient au niveau international. Explications.

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Le blanchiment d’argent est un fléau qui prend de l’ampleur, d’autant qu’il touche les secteurs offshore et immobilier. Comment combattre ce fléau ?
Certes, il y a eu des cas alarmants de blanchiment dans les secteurs financier et immobilier, mais on ne peut parler de fléau. Le blanchiment d’argent touche aussi d’autres secteurs économiques : le tourisme, la bourse, le secteur bancaire, l’import et l’export, tous les secteurs où il y a des entrées et sorties régulières de capitaux.

Nos secteurs offshore et immobilier sont a priori bien gérés. Le vrai problème et les causes se posent à trois niveaux : d’abord la corruption et l’ingérence politique. Ensuite, l’abus et la complicité de certaines multinationales. Enfin, les deux premières causes engendrent une défiance envers certaines institutions régulatrices.

Cette défiance est devenue endémique en raison du népotisme, des abus de pouvoir, des passe-droits, de l’incompétence et de la corruption dans nos institutions. C’est là que l’on peut parler de « fléau qui prend de l’ampleur ».

Quels éléments la poursuite doit-elle établir pour prouver le délit de blanchiment d’argent ?
La poursuite doit établir que l’accusé (a) a participé à une transaction impliquant un bien ou de l’argent, résultant en totalité ou en partie, directement ou indirectement d’un délit; ou (b) que cette personne ait reçu, dissimulé, transféré, converti, disposé, d’un bien ou de l’argent, résultant en totalité ou en partie, directement ou indirectement d’un délit.

Ensuite, la poursuite doit prouver que la personne (a) a agi en connaissance de cause ou (b) a eu des soupçons « raisonnables » que le bien ou l’argent était le produit, en totalité ou en partie, directement ou indirectement, d’un délit.

La loi ne précise pas la peine que risque une société jugée coupable.

Le délit est-il facile à établir ?
La difficulté résulte du fait qu’il y a plusieurs niveaux à franchir : qu’il y a eu un délit, que l’argent provient d’un délit et que cet argent a été utilisé et blanchi d’une manière ou d’une autre. La difficulté croît s’il a franchi un niveau international ou si le délit a eu lieu dans un « pays X » et que l’argent provient d’un « pays Y ».

Le temps et les ressources sont aussi des facteurs à considérer. Voyez le cas Robert Lesage et la MCB.

Comment une compagnie peut-elle savoir que l’argent qu’elle a reçu provient d’une activité illicite ? Que dit la loi à ce sujet ?
Il y a des signes. Cela commence par un placement d’argent sur un compte bancaire en masquant son origine, puis la dispersion, ce qui consiste à brouiller les pistes en utilisant des transactions financières complexes pour légitimiser la possession de cet argent.

Toute personne, après avoir vérifié la provenance de l’argent et les circonstances de l’investissement, doit pouvoir se dire « qu’il n’y a aucun soupçon raisonnable que le bien ou l’argent était le produit, en totalité ou en partie, directement ou indirectement, d’un délit ». Chaque secteur peut établir ses règles de conduite.

Une institution bancaire ou financière qui gère de l’argent blanchi peut-elle être poursuivie au pénal ? Que risque-t-elle ou qu'encourt une personne jugée coupable de blanchiment d'argent ?
Une banque, une institution financière, un courtier ou un membre d'une profession qui omet de prendre les mesures raisonnables pour garantir que ni elle, ni aucun service qu’elle offre ne soit utilisé pour faciliter le blanchiment d'argent commet une infraction.

La loi ne précise pas la peine que risque une société jugée coupable. On peut cependant dire que toute personne qui, au moment de la commission de l'infraction, était préoccupée par la gestion de la société commet l'infraction, sauf si elle prouve que cette infraction a été commise à son insu ou sans son consentement et qu'elle a pris toutes les mesures raisonnables pour empêcher la perpétration de cette infraction.

Toute personne reconnue coupable de blanchiment est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 2 millions et d'une peine de prison n'excédant pas 10 ans.

Tout bien appartenant ou se trouvant en possession ou sous le contrôle de cette personne sera présumé être le produit d’un délit. La Cour pourra alors ordonner la confiscation du bien à moins de prouver le contraire.

Les dons faits à des tierces personnes peuvent-ils causer des infractions ?
Bien sûr. Selon le même principe, un don peut être l’objet d’une infraction s’il est prouvé que le don est le produit, en totalité ou en partie, directement ou indirectement, d’un délit et si la donation consiste en un don en liquide excédant Rs 500 000.

 

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