Vouée à la disparation en 2002, la biscuiterie Subana a pu survivre grâce à sa reprise par la compagnie Freelance Distributors en 2011. Aujourd’hui, celle-ci compte relancer la production locale, avec le projet ferme d’exploiter le marché africain.
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À Bell-Village, ce qui restait de l’ancienne biscuiterie fondée dans les années soixante par les familles Sukai, Baichoo et Nandlall, est aujourd’hui est un vaste bâtiment aux volets clos. Mais pas pour longtemps, assure Yashveer Takoordyal, responsable marketing de Freelance Distributors dont la famille a repris l’entreprise en 2002 au terme d’une série de tractations entre, d’une part, les actionnaires historiques et les banques et, d’autre part, le syndicat, qui pensait pouvoir sauver les emplois.
« Les ennuis de l’entreprise, selon Yashveer Takoordyal, tiennent à deux facteurs : d’abord les gros actionnaires, qui sont apparentés, et les petits actionnaires, ont tous voulu que des membres de leurs familles soient embauchés. Ensuite, ils n’ont pas su s’adapter et innover lorsque les hypermarchés sont apparus. » Mais, c’est surtout dans la décision du gouvernement en 1995 et en conformité avec son adhésion aux accords de l’Organisation mondiale du Commerce, qu’il faut trouver les déboires financiers de la biscuiterie, lorsque la taxe de 40 % sur l’importation des biscuits étrangères est retirée. « Ça a été un rude coup », explique Yashveer Takoordyal. Au plus fort de son succès, lorsque Subana a acquis une dimension nationale, les actionnaires ouvriront une deuxième succursale à Pailles, mais qui sera détruite dans un incendie.
C’est durant les négociations pour le rachat de la biscuiterie, des années plus tard, que la famille Takoordyal se rendra compte de l’ampleur de la mauvaise gestion qui conduira l’entreprise à déposer le bilan. « À un moment donné, on comptait quelque 221 actionnaires au sein de la compagnie », explique Yashveer Takoordyal. Selon ce dernier, les tiraillements entre les trois familles n’ont fait que précipiter la chute de l’entreprise, qui était déjà dans une situation financière devenue ingérable. « Une 4e famille est même venue s’ajouter à la liste des actionnaires et, à ce moment, s’est posée la question de prise de décisions. Ça été le statu quo, car personne n’était capable de diriger la boîte. À cette situation est venu s’ajouter le lancement de produits inappropriés pour le marché mauricien. Ils ont résisté jusqu’au moment où il y a eu un problème de liquidités. »
Un énorme trou
Mais face à cette situation, les actionnaires recourront aux derniers moyens à leur disposition, dont l’hypothèque de certains de leurs biens immobiliers. En 1998, ils décident de partir à Hyderabad, en Inde, pour confier à une biscuiterie de fabriquer leurs produits. « Les produits indiens étaient de bonne qualité et ont bien marché à Maurice, mais cette décision les a obligés à verser des compensations au personnel mauricien et, du coup, ça a laissé un énorme trou dans leurs caisses ». Croyant au miracle de l’outsourcing, les actionnaires veulent alors diversifier leur offre en y ajoutant des snacks fabriqués en Chine, mais certains de ces produits auront un goût de rance lorsqu’ils seront distribués sur le marché local.
En 2011, la biscuiterie, incapable d’honorer ses engagements financiers, avec des dettes de Rs 18 millions, est mise sous administration judiciaire. Le syndicat se met de la partie et le bras de fer est engagé entre la soixantaine de salariés et la direction. Les machines sont en arrêt et un stock de Rs 1,5 million de produits invendus gît dans l’entrepôt. Mais au terme d’un accord entre les actionnaires et la famille Takoordyal, un Memorandum of Standing (MoU) intervient pour permettre à la biscuiterie de fonctionner à nouveau.
« Lorsque ma famille a repris l’entreprise, on a refait tourner les machines et vendu ce stock pour payer les salaires. Mais un beau matin, on s’est retrouvé devant le portail de l’usine fermé, on a pensé que c’était l’œuvre de certains actionnaires en collaboration avec le syndicat et quelques salariés ». L’un de ses actionnaires saisira la Cour suprême contre le MoU, contraignant la banque à nommer un administrateur judiciaire. « Devant cette situation, on s’est retiré de la biscuiterie », explique Yashveer Takoordyal.
Les engagements promis par la nouvelle direction ne sont pas concrétisés, les machines ayant été fourguées à une fonderie. « La nouvelle direction n’avait ni argent ni un ‘business plan’, et en juin 2013, la banque a désigné un nouvel administrateur judiciaire », explique Yashveer Takoordyal. En 2015, à la faveur d’un appel d’offres, la compagnie Freelance Distributors reprendra l’usine et ses marques.
« Comme tous les anciens employés de Subana étaient déjà partis à la retraite, on est venu avec nos salariés, il nous a fallu presque six mois pour rétablir l’eau et l’électricité et les autres aménités. » Puis, la société s’est remise en contact avec les fabricants indiens, mais cette fois, elle a renégocié pour obtenir un produit de qualité supérieure à celle qu’elle livrait à Subana en 1998. « Au départ, les Indiens étaient sceptiques, mais ils ont reconnu que c’est grâce aux commandes mauriciennes qu’ils ont pu partir à l’international, car Subana a été leur premier client hors de l’Inde. Pour nous, le produit nous coûtait plus cher, mais nous avons réussi à amortir les frais grâce à nos propres moyens de distribution ».
Nouvelle phase d’investissement
Cette reprise apportera un coup de neuf à l’entreprise. En 2016, aux quatre nouvelles références, Marie, Kris, Petit Beurre et Morning Tea, s’ajoute le relooking des biscuits Subana qui deviendront un produit végétarien. Au fil des mois, l’offre est passée à 6 et à fin 2016, une nouvelle référence viendra s’y ajouter pour enrichir la palette à 13 références. Mais le véritable développement de l’entreprise interviendra en 2017 lorsque la nouvelle direction relancera la production mauricienne. «Nous allons passer par une nouvelle phase d’investissement, il faudra embaucher. À long terme nous visons le marché africain et en même temps, nous souhaitons diversifier nos productions à l’étranger. Nous réfléchissons à un pays européen, quitte à ce que le produit soit un peu plus cher à Maurice, mais nous gagnerons en qualité», promet Yashveer Takoordyal.
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