Interview

Bertrand Casteres, CEO de la Mauritius Union Assurance: « Une grande partie des morts sur nos routes due au retrait du permis à points »

Pour le ‘Chief Executive Officer’ de la Mauritius Union Assurance (MUA), le retrait du permis à points est responsable d’une grande partie des accidents et des morts sur nos routes. Bertrand Casteres s’appesantit aussi sur le secteur de l’assurance après l’affaire BAI. [blockquote]« Il faut un marché plus régulé, c’est-à-dire plus novateur afin d’encourager les Mauriciens à s’assurer davantage et à protéger leurs actifs, leur santé ainsi que leur patrimoine. »[/blockquote] La MUA a doublé ses profits en 2015, comparé à l’exercice de 2014. Comment l’expliquez-vous ? 2015 a été une bonne année pour nous, avec des améliorations dans tous les secteurs, particulièrement celui de l’assurance-vie. Nous avons aussi enregistré une progression dans nos opérations africaines. 2014 et 2015 sont deux années totalement différentes. Il n’y avait que sept mois d’activités africaines au sein du bilan 2014, alors que pour 2015, c’était 12 mois d’opération. La Prudence Mauricienne, qui est notre filiale pour l’assurance-vie, a fait une année record avec plus de Rs 100 millions de profits et une progression de 50 % dans des affaires nouvelles. Concernant l’assurance générale, c’est-à-dire non-vie, le chiffre d’affaires a progressé de 8 % par rapport à 2015. Je pense que nous allons davantage gagner des parts de marché au sein de l’assurance générale, grâce à plusieurs opérations internes et une efficience améliorée, qui se traduit par une baisse de nos coûts opérationnels. Par ailleurs, nous avons fait une excellente année dans les clusters santé, voyage, engineering… Elle a été moins bonne au niveau automobile. 2015 a été l’année durant laquelle une hausse du nombre d’accidents a été notée (15 % de plus sur toute l’année). Le secteur de l’assurance a-t-il été redéfini après la chute de la BA Insurance, un de vos compétiteurs ? Nous avons d’abord eu un chamboulement en matière de réputation du secteur global de l’assurance. Mais cela a aussi été l’occasion pour nous de communiquer davantage et d’expliquer à nos clients ce qu’est une assurance. Il faut comprendre qu’une assurance-vie est un produit long terme sur un contrat de décès ou de vie. Donc, quand vous dites que le groupe BAI est notre compétiteur, je dirais oui concernant l’assurance médicale, mais pas en ce qui concerne l’assurance-vie, parce qu’elle vendait principalement des offres comme le Super Cash Back Gold, qui sont des produits financiers sur lesquels il y avait un revenu garanti mensuel. Nous ne faisons pas cela. Est-ce que la chute du groupe BAI a terni l’image de Maurice sur le plan international ? La réponse est oui, sur le court terme. En revanche, sur le long terme, cela aura un effet bénéfique. La Banque mondiale l’a d’ailleurs souligné. Le gouvernement a su mettre le doigt sur les choses qui allaient mal. Cela a été bénéfique dans le long terme, car cela démontre la volonté du pays d’avancer. On fait tous des erreurs, mais l’important c’est d’aller de l’avant. C’est ce que nous avons démontré au marché international. La preuve est que les entreprises étrangères viennent s’installer à Maurice. Nous voyons cela dans le secteur de l’assurance, qui est toujours attractif. De nouvelles législations ont été annoncées pour le secteur. Était-il si mal régulé ? Nous avons un bon secteur et le ministère concerné fait du bon travail. Toutefois, il faut regarder devant soi. Effectivement, nous sommes meilleurs que certains pays, mais il y en a qui sont plus avancés que nous. Nous devons comparer avec le best in class. Il faut un marché plus régulé, c’est-à-dire avec de l’innovation pour encourager les Mauriciens à s’assurer davantage, à protéger leurs actifs, leur santé et leur patrimoine. Je vous donne quelques exemples : les procédures Know Your Customer ne sont  pas up to standard. Dans les marchés très sophistiqués, tout est géré depuis une base centralisée, consultable sur un réseau sécurisé. Ainsi, tous les acteurs peuvent consulter cette base et vérifier les données clientèles, ainsi que l’historique d’accidents. Cela améliore ainsi sensiblement la lutte contre la fraude. En matière d’assurance-vie, il faudrait sans doute mettre en place des incitations ou des avantages fiscaux pour encourager la population à regarder sur le long terme. Malheureusement, les Mauriciens épargnent de moins en moins. D’ailleurs, le taux d’épargne ne cesse de chuter. Les Mauriciens pensent à demain, mais pas à après-demain. Cela est dangereux avec l’allongement de la durée de vie. L’Association des assureurs travaille avec le gouvernement pour tenter de changer la tendance. Le dernier axe sur lequel nous travaillons avec le gouvernement pour légiférer, c’est la sécurité routière. Le gouvernement a pris plusieurs initiatives que nous apprécions, mais il faudrait aller encore plus loin. Pour moi, le retrait du permis à points est responsable d’une grande partie des accidents et des morts sur nos routes. Encore une fois, regardons ce qui se fait ailleurs. Il y a de nombreux marchés qui ont réussi à combattre ce fléau. Je pense à des initiatives comme le permis à points mais également au bonus-malus qui permettent de connaître qui sont les mauvais conducteurs. Le gouvernement a annoncé la création d’un Hit-and-Run Fund. Est-ce une bonne initiative ? L’Association des assureurs a déjà dit que c’est une bonne chose. Mais on s’interroge sur la façon dont le fonds opérera, notamment l’utilisation du surplus. Nous regrettons que cela ait été fait de manière aussi rapide. Il faut davantage de concertation. Mais nous allons dans la bonne direction. Le ministre Bhadain est très réactif, comme nous. Qu’en est-il de la compétition, maintenant que la BAI n’est plus ? Séparons l’assurance-vie de l’assurance générale. Le groupe BAI était le leader de l’assurance-vie avec un business model particulier. Aujourd’hui, je dirais que le marché s’est plus calmé sur ce plan. Vous avez la National Insurance Company, Anglo-Mauritius, la Prudence Mauricienne et la Sicom, qui détiennent, à eux quatre, plus de 80 % des parts du marché de l’assurance-vie. Au niveau de l’assurance générale, la compétition est plus accrue, car ce sont des assurances qui se renouvellent chaque année. Douze compagnies opèrent sur ce marché. Les quatre principales sont : Mauritius Union, Swan, Sicom et Mauritian Eagle. Elles contrôlent, au total, près de 70 % des parts du marché. Le danger de cette compétition est que le client décide par rapport au prix, alors que la valeur, dans le domaine de l’assurance, se vérifie clairement quand il fait une demande de remboursement (claim). Tout le monde est capable de promettre d’être le moins cher, mais c’est après une claim qu’on sait si on a good value for money. Nous sommes en train de nous battre pour augmenter cette notion de valeur pour le client. Le marché est-il arrivé à saturation ? Tout dépend du marché dont l’on parle. Dans l’assurance automobile, la croissance est très faible. Il ne faut pas tirer le marché par le bas. En revanche, concernant les propriétés ou en cas d’incendies, les Mauriciens sont très peu assurés. Je prends toujours l’exemple des flash floods de mars 2013, notamment à Canal Dayot. Ce fut un événement sinistre et très dur pour le pays. Pourtant, pour Rs 200 par mois, vous pouvez assurer le contenu de votre maison à hauteur de Rs 200 000. Ce qui est abordable pour chaque Mauricien. On pense à tort que l’assurance est hors de prix. Il y a forte progression uniquement concernant les risques d’incendie et en ce qui concerne les propriétés.
Publicité
Related Article
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !