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Basso Guzadhur, centenaire de Chamouny : «Mon époque était dure mais les gens étaient heureux et bons»

Trois générations séparent Basso Guzadhur la centenaire et son arrière-petite-fille, Yiana, 4 mois, fille de son petit-fils Kunal.

Elle est la fierté de Chamouny. Elle c’est Basso Guzadhur, qui a fêté ses 100 ans le 19 janvier 2020 entourée de toute sa famille. L’événement a été célébré en présence d’environ un millier de personnes - parmi les 42 enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Une alimentation équilibrée, un peu de marche et une famille aimante. Tel est le secret de la longévité de Basso Guzadhur.

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Dans la cour familiale, Basso Guzadhur ne manque de rien : deux générations veillent sur elle, et elle-même n’hésite pas à prendre dans ses bras la petite Yiana, 4 mois, fille de son petit-fils Kunal, lorsque celle-ci pique une méchante crise. Depuis plus d’une trentaine d’années, c’est une de ses belles-filles, Sarita, qui l’a prise à sa charge, mais ses repas sont apportés par sa fille Priya, qui veille scrupuleusement à satisfaire ses choix. « Elle a toujours préféré les légumes, les fruits et le Weetabix à la chair, même si le médecin a dit qu’elle peut tout manger », explique Sarita, affectueuse à souhait et sans doute la seule à la connaître plus que personne. Mais, la cuisine n’est pas le seul secret de cette longévité, qui fait pâlir d’envie des jeunes et moins jeunes parfois accrochés aux médicaments les plus divers et couteux. « Elle aime encore marcher, explique Sarita. Même lorsque les bus ont commencé à desservir la localité, elle préférait marcher. À 85 ans, elle marchait encore, parfois seule, jusqu’à Martinière, près de Surinam. »

Chaume et bouse de vache

Née Gutteea, à Terracine, elle a 15 ans lorsqu’elle se marie à Raghoonanand, un sirdar et le suit à Chamouny. Leur maison est recouverte de chaume et de bouse de vache et le sol est en terre battue. Comme partout dans les régions rurales, les rues de la localité sont en terre, parsemées de cailloux et sans lumière. Mais rien ne décourage la jeune adolescente à exercer les petites tâches de laboureuse chez les particuliers afin de suppléer au budget familial. « C’était des temps difficiles, l’argent était juste pour des dépenses rudimentaires. On ne mangeait pas de viande, seulement du poulet qu’on élevait et c’était rare. On avait un ‘karne rasyon’ chez la boutique Longaille », se souvient-elle. Le soir, c’est à même le sol que la famille dort. 

Comme les autres femmes de la localité, elle se lève vers 4 heures, part chercher du fourrage pour les vaches, puis au retour fait cuire le farata et les légumes. Après le passage du laitier, elle prépare le petit déjeuner consistant de thé et alterne entre le manioc, les ‘batates’ et du riz blanc. Puis, elle rejoint d’autres femmes pour filer au travail. « Bien sûr que le travail était dur, mais on avait une vie tranquille, simple et fondée sur l’entraide et la fraternité avec les voisins, qui étaient plus que la famille », raconte-t-elle. Lorsque survient une petite fièvre ou d’autres maladies pas très graves, on les combat grâce aux tisanes préparées avec des plantes de la cour ou dans les champs. « Il y avait de la  menthe, des ‘feuilles tourterelles’ et du ‘yapana’ partout », raconte un de ses fils, Ramprakash.

Seules au cinéma Florida

Chose rare aujourd’hui, à l’époque les femmes allaient seules au cinéma Florida, à Souillac, payant leur ticket à 30 sous. « En ces temps-là, les routes étaient sûres et les gens étaient gentils. Aucun homme ne pensait à agresser une femme seule, car tout le monde se connaissait, souligne Ramprakash. Mêmes les filles et les garçons de l’âge de 15-16 ans jouaient ensemble et si d’aventure un garçon taquinait une fille, il se faisait rosser par son père. » 

Avec la naissance des enfants, les contraintes financières sont devenues plus lourdes, mais à aucun moment, se souvient-elle, sa famille n’a baissé les bras. « J’ai eu neuf enfants dont un est décédé, mais avec mon mari, on a fait de notre mieux pour qu’ils aient une vie décente. » Après le décès de son époux dans un accident à l’âge de 67 ans, elle a continué à exercer comme travailleur journalier dans les champs des particuliers. 

Alors que d’autres supportent mal le grand âge, Basso Guzadhur a, elle, conservé une certaine mobilité. Tous les jours, elle s’autorise une petite marche dans la cour et tous les matins, elle est sur ses pieds avant 6 heures. 

« Lorsque le portable de mon autre fils, qui est à l’Université, sonne à 4 heures, elle se réveille, confie Sarita. Elle brosse ses dents et je l’aide à prendre son bain. Puis, je fais le thé, mais c’est elle qui prépare ses céréales. » Sa seule manie, c’est de demander l’heure constamment, mais elle sait compter les heures en regardant les chiffres de l’horloge, plaisante-t-elle. Quant à sa pension, il en revient à Ramprakash d’en faire bon usage, en répartissant une partie à ses dépenses en alimentation et le reste est placé pour être partagé avec la famille, plus tard.

Comme les autres membres de la famille, Sarita ne cache pas le bonheur d’avoir encore ce ‘gran dimunn’ parmi eux. « Nous lui devons du respect parce qu’elle a été témoin des événements que nous n’avons pas connus. Elle nous transmet encore les souvenirs d’une île Maurice qui disparait petit à petit. Elle est un des derniers témoins de cette époque, de l’époque des trains jusqu’au métro, aujourd’hui », dit Sarita, qui a du mal à dissimuler ses émotions.

 

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