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Asraf : 48 ans SDF sans mendier

Asraf

Il y en a qui se la coule douce sous la couette en ce début d’hiver. Mais, lui se contente d’un petit cagibis, pire qu’un débarras de vieilles chaussures, fait de petites planches de bois de vieux pin, situé au cœur de la capitale. Asraf traîne sa vie de SDF depuis presque un demi-siècle et s’y complaît.

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Comment devient-on SDF, est-ce par choix, par déception, par dépit ou alors parce que la vie ne lui a pas été tendre ou alors qu’il a volontairement tourné le dos à la vie ? A toutes ces questions, Asraf, 61 ans, originaire du village de l’Est Camp-de-Masque-Pavé, d’une fratrie de sept enfants, dont les parents étaient des « coupères cannes » et où régnait « la misère noire de noire ».

Bien sûr, pas question en tant qu’adolescent de continuer les classes, il fallait apporter du fric pour faire bouillir la marmite. « Bien zene, mo ti pe ale coupe cannes, mais travay la ti tro dir pou moi, mone bate baté pendant 3 ans, mais après mone arreter », soutient-il.

Presque adulte, il décide de quitter le foyer familial pour aller gagner sa vie ailleurs. « Mone ale Mahébourg, mone travay dans caro légumes, mo fine reste cote bane plantere la-bas meme, manzer, boire, mo ti pe gagne mo la vie, mo ti bien », nous dit Asraf qu’on a rencontré devant sa « demeure » au cœur même de la foire à l’arrière de La Flore tout près de la rue Desforges, là où un marchand broie de la canne à sucre pour en vendre sa liqueur la nuit tombée.

Ne rencontre-t-il plus ses proches ? « J’ai quatre sœurs, mais elles sont toutes mariées et ne s’intéressent même pas à moi. Tant pis, je ne veux pas les embêter, chacun pour soi quoi », lâche un Asraf dépité par son sort.

J’ai quatre sœurs, mais elles sont toutes mariées et ne s’intéressent même pas à moi. Tant pis, je ne veux pas les embêter, chacun pour soi quoi»

asrafDans son « domaine », point de fenêtres, ni de meubles, sauf des cartons pour ses vêtements, un canapé rafistolé, mais propre, un oreiller et quelques bidules. « Même quand il y a le cyclone en clase 4, je ne bouge pas, je me blottis dans ma bicoque et j’attends que l’orage passe, forcément je vais sentir le vent et la pluie, mais ça va »

Ce qui étonne avec Asraf, il est un SDF bien entretenu, propre, qui sentait la savonnette, bien rasé, bref un SDF idéal qu’on aimerait que d’autres suivent l’exemple.

Mais, alors, où va-t-il prendre son bain et laver ses vêtements et aller aux toilettes ? À ces questions, c’est Hervé Mariane, du mouvement ‘Pou Nou La Voix’ qui nous répond : « Je suis de l’église presbytérienne à la rue La Poudrière à Port-Louis, on permet à Asraf de venir prendre son bain chez nous, faire ses besoins et laver ses vêtements, c’est pour cela qu’il est toujours propre et décent et ensuite au niveau de notre groupe St-Pain et de Poisson, les donateurs essaient d’apporter notre aide en offrant à manger chaque samedi aux plus nécessiteux. Quant à Asraf, à chaque fois que je le peux, je passe lui apporter un dîner ».

Asraf baisse la tête quand on lui parle de mariage. L’a-t-il jamais été ? « Mo ti ena ene ti femme dans mo la vie bien lontan, mais fami fine mette desordre, lerla fine casser », nous répond Asraf. Il a alors préféré épousé le célibat et dit qu’il s’en porte très bien. « Ou conner, mo tou sel, mo gagne zisse mo tracas, pena loyer, pena frais, pa bizin tire ration, mo trasser couma enflé camion, nettoie ene ti la cour, gagne ene ti la zournée », nous dit cet homme qui ne portait dans ce froid qu’un simple pull sur lui.

Cet homme à l’allure frêle, mais solide dans la tête dit vouloir continuer à être ce qu’il est, un SDF. Pas question pour lui d’aller dans un home ou centre pour vieux. « Dans la rue, je suis libre, je n’ai de compte à rendre à personne, je vie à mon rythme, bref je suis un homme heureux dans mon petit chez moi », conclut un Asraf qui reste campé dans ce qu’il croit être le bon choix. Un choix d’homme libre, un SDF et fier de l’être.

Pas de jeûne

En plein mois du Ramadan, comment Asraf fait-il pour faire le ‘sehri’, soit prendre son bain, manger et boire pour le jeûne ? Asraf secoue la tête et répond : « Auparavant, il y avait le snack Providence, je pouvais aller prendre un thé chaud, un pain au beurre et fromage et ensuite respecter le carême. Mais, le snack a fermé ses portes, alors comment faire à 4h00 du matin pour avoir de quoi manger, tout est fermé, donc je ne peux respecter le Roja, mais c’est la situation qui le veut, mais je reste un bon musulman avant tout ».

 

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