- Rosida, sa mère : « Kankrela li per, aster ou dir li pou al eklat bom ? »
Comment passe-t-on d’Attendant sur un bateau de croisière à suspect principal dans une présumée affaire de terrorisme ? C’est ce qu’ont du mal à comprendre Cader, 63 ans, et Rosida depuis que leur fils Jaabir Paperutty, 26 ans, a été arrêté dans l’enquête sur les menaces d’attaque à la bombe artisanale ciblant l’ambassade de France à Maurice, située à Port-Louis. « Nou pa kone si vremem linn fer sa ou si li finn pieze », lâche le sexagénaire dans une déclaration accordée au Défi Plus.
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Le jeune homme, qui répond d’une accusation provisoire en vertu de la Prevention of Terrorism Act (PoTA) devant le tribunal de Port-Louis, a déjà fourni sa version préliminaire à la Major Crimes Investigation Team (MCIT). Son téléphone portable est d’ailleurs en cours d’analyse. Il est en observation à l’hôpital Brown-Séquard. La police souhaite obtenir un bilan sur son état psychologique (voir encadré).
Chez les proches du jeune homme, à Vallée-Pitot, c’est l’incompréhension depuis le vendredi 17 mai 2024, date à laquelle la présumée attaque a été déjouée. Rosida, qui a deux enfants dont Jaabir, assure qu’ils ont une vie de famille décente. Le jeune homme s’est retrouvé à vivre seul avec ses parents à la maison il y a quelques années, lorsque sa sœur aînée, dont il est très proche, s’est mariée.
Parcours
Mais qui est vraiment Jaabir Paperutty ? Il est né à Vallée-Pitot, quartier de Port-Louis où il a grandi. Il a fréquenté l’école primaire de Sunee Surtee avant d’entamer ses études secondaires au collège Sir Abdool Razack Mohamed, à Port-Louis. Pour son Higher School Certificate, il a rejoint le D. A. V. College, situé dans la capitale.
Une fois ses études achevées, il a cumulé des petits boulots, notamment en tant que vendeur dans un magasin ou encore travailleur dans une usine. En 2019, après avoir entamé des démarches et grâce à ses économies, il a rejoint une compagnie internationale pour travailler sur des bateaux de croisière en tant qu’Attendant.
Cela a été le début d’une aventure qui a permis au jeune homme, alors âgé de 22 ans, de découvrir une pléiade de cultures à travers le monde. « Sak 15 zour bato krwazier ti pe al dan lezot pei », relate Rosida. Elle confie toutefois qu’il n’a jamais eu, à sa connaissance, de quelconques soucis avec la justice, et ce même dans d’autres pays.
Rosida se souvient encore de la première traversée de son fils sur un bateau de croisière. Dès qu’il le pouvait, le jeune homme partageait son expérience avec ses parents à travers des appels vidéo. « Li ti kontan fer video call touletan ar nou pou montre nou kot li ti ete », indique la mère de famille.
Jaabir Paperutty a visité des pays de l’Amérique latine, selon Rosida. Il a aussi pu découvrir l’Europe grâce à son travail. Sa mère soutient qu’il a visité la France, notamment Marseille et Paris, mais aussi l’Angleterre et la Turquie, entre autres pays.
Voyages à l’étranger
« Jaabir kontan vwayaz dan boukou pei ek dekouver lezot kiltir », dit-elle, en avouant qu’elle ne compte plus le nombre de pays dans lesquels il s’est rendu dans le cadre de son travail. Ces quatre dernières années, il a multiplié les trajets professionnels pour des durées allant de six à neuf mois, avant de regagner Maurice.
Le jeune homme a-t-il déjà eu des soucis ou des mésaventures en France ? « Zame linn gagn kit problem li. Li enn dimounn trankil », répond Rosida. Quid du chef d’accusation en vertu de la PoTA qui pèse sur lui ? « Si enn kankrela vinn devan li, li per, li krie sipaki kalite. Aster ou dir mwa enn zanfan koumsa ti pou al eklat bom ? » réplique-t-elle avec un sourire sarcastique. Elle est catégorique : son fils n’est pas coupable des faits qui lui sont reprochés.
Quelle est la position de Jaabir Paperutty sur la situation en Palestine ? « Li ti pe koze, li get reportaz lor televizion. Li dir Hamas bizin prepare pou lager, sinon Israël mem ki pe gagne », disent-ils.
Toutefois, Rosida fait ressortir que cela ne signifie pas pour autant que son fils est un fervent défenseur de la cause palestinienne au point d’aller commettre un tel acte. Elle ne veut pour preuve qu’il ne participe jamais aux marches ou aux activités organisées à Maurice en faveur de la Palestine : « Zame li al bann kozri ou bann lamars palestinien ki fer. Li res lakaz lor portab li dormi. »
Choc
Cader et Rosida sont encore sous le choc. Grande a été leur surprise de voir débarquer des policiers à leur domicile ce soir-là. La mère de famille se trouvait dans le salon quand, à travers une fenêtre, elle a aperçu quelques hommes devant sa porte. Elle ne s’en est pas souciée de prime abord.
Puis ils ont frappé à la porte et elle les a vus en compagnie de son fils. Tous sont entrés dans la maison. « Koumansman mo pann konpran nanie. Zot inn rantre. Zot pann koze nanie. Zot inn al direk dan lasam mo garson », relate-t-elle.
En voyant sa mère fondre en larmes, Jaabir Paperutty a tenté de la rassurer. « Monn dimann li kinn arive. Li pann reponn. Bann polisie si pann dir nanie », ajoute-t-elle. Cader, qui dormait au moment de la perquisition, s’est alors réveillé. Rosida indique qu’elle voulait infliger des gifles à son fils. « Pou ki ariv sa, mo dir linn bizin fer kitsoz pa bon », dit-elle.
Une fois l’opération terminée, le jeune homme et les policiers ont quitté les lieux. Les parents étaient, eux, toujours dans l’ignorance. Ce n’est que quelques heures plus tard que Rosida a appris que son fils a été arrêté pour une affaire aussi grave.
Ce qu’elle déplore toutefois, ce sont les commentaires déplaisants sur Facebook. « Lapolis mem pankor konn bien ki finn arive. Zot ankor pe fer lanket. Me lor Facebook, kan ou get bann komanter, dimounn fini dir li koupab… », s’indigne Rosida.
La MCIT demande un examen de la crédibilité du suspect
Depuis le mercredi 22 mai 2024, Jaabir Papuretty se trouve à l’hôpital Brown-Séquard de Beau-Bassin où il est soumis à des examens destinés à évaluer son état de santé mentale. C’est la MCIT qui a commandité un « Credibility Test » du jeune habitant de Vallée-Pitot. Les enquêteurs souhaitent obtenir un rapport médical avant de poursuivre la prochaine étape des investigations.
Ce qu’ils veulent, ce sont des confirmations pour évaluer la crédibilité des déclarations du suspect. Ce dernier aurait, dans ses aveux, indiqué son intention de faire exploser l’ambassade de France. La police veut des détails précis sur le présumé « plan » concocté par l’habitant de Vallée-Pitot.
La MCIT a aussi commandité un rapport technique auprès de l’Explosive Handling Unit de la police. Une première analyse du supposé « explosif » trouvé dans le sac du suspect a révélé qu’il s’agissait, en réalité, d’une bombe artisanale qui n’aurait jamais pu exploser.
Confectionnée par le jeune homme lui-même, elle consistait en poudre de « pétard cerf ». D’ailleurs, lors de la perquisition au domicile du suspect, une boîte de pétards « Golden Deer » a été saisie. Le jeune homme aurait pris le soin de vider plusieurs boîtes pour rassembler le soufre que contiennent les pétards avant de fabriquer une « dynamite ». Le suspect lui-même a expliqué à la MCIT comment il s’y est pris.
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