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Archives: l’inestimable héritage d’un riche patrimoine

Saviez-vous que 3 % des travailleurs engagés étaient des Africains et des Asiatiques ? Ou encore, qu’une partie des immigrants indiens était de foi chrétienne ? Nos archives sont une source d’informations inestimable pour l’histoire de Maurice. D’ailleurs, celles liées à l’engagisme ont été reconnues par l’Unesco. Décryptage. La valeur culturelle de Maurice a encore pris du galon avec l’inscription des archives de l’engagisme sur le Memory of the World Register de l’Unesco. C’est la deuxième fois que le pays se retrouve sur cette liste. En 1997, il y a eu l’inscription de celles de l’occupation française. Décryptage d’un travail de longue haleine. C’est avec une grande fierté que la nouvelle de cette inscription a été accueillie. Vishwanaden Govinden, responsable du département des archives au Mahatma Gandhi Institute (MGI), considère ainsi que c’est l’aboutissement d’un travail de conservation effectué depuis de nombreuses années. « Il est important de préserver tous ces documents pour la postérité. Cela a permis à de nombreux Mauriciens de retrouver leurs racines, grâce aux actes de naissance et de décès ou à travers la liste des immigrants qui sont venus à Maurice entre 1826 et 1950 », argue-t-il.
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/div> Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que tous les travailleurs engagés qui sont venus à Maurice n’étaient pas de la Grande péninsule, bien que ce soit le cas pour la grande majorité (97 %). Les 3 % restants étaient des immigrants venant d’une trentaine de ports, de la Chine au Mozambique. C’est ainsi que, parmi les 175 000 photos se trouvant dans les archives du MGI, on trouve des Africains et des Asiatiques. D’ailleurs, souligne l’historien Satyendra Peerthum, l’Aapravasi Ghat appartient à tous les Mauriciens, car l’engagisme ne concerne pas uniquement les immigrants indiens. Les documents y relatifs, ajoute notre interlocuteur, sont une mine d’informations d’une valeur inestimable pour l’histoire de Maurice. « Il s’agit de tous les aspects de l’immigration et de ses descendants, notamment les informations liées à la vie d’environ 467 000 Indiens engagés et non-engagés (hommes, femmes et enfants), qui sont venus entre 1826 et 1834. Cela contient leur bio-data, le nom et numéro du bateau sur lequel ils sont arrivés, les actes de naissance et de décès, les actes notariés de terrain ou encore s’ils ont eu des enfants qui sont leurs descendants immédiats. Il y a aussi des photos d’immigrants qui sont uniques au monde », dit-il. L’historien est d’avis que c’est la richesse de ses archives qui a valu à Maurice la reconnaissance de l’Unesco. Il ajoute aussi que dans les archives, on peut retrouver des registres paroissiaux, car environ 4 000 immigrants indiens étaient de foi chrétienne. Par ailleurs, on trouve la trace de l’arrivée de 2 221 travailleurs engagés de l’Inde et de la Chine de 1826 et 1839. Ils étaient de Cochin, Colombo, Madras, Pondichéry, Calcutta et sa périphérie. Ceux qui sont venus de 1834 à 1910 étaient originaires des provinces de Bombay, du Bengale et de Madras.

« Un trésor »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"21720","attributes":{"class":"media-image wp-image-36486","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Soorya Gayan"}}]] Soorya Gayan

« C’est un trésor ! C’est extrêmement précieux de les avoir au MGI », confie pour sa part Soorya Gayan, directrice générale du MGI. Elle ne cache pas sa fierté qu’une partie des archives autour de l’engagisme soient conservées dans les locaux de l’institut, qui a été en mesure de contribuer à la préservation de la mémoire. « Cette démarche de conservation, enclenchée vers la fin des années 70, a permis de comprendre le mécanisme et les réalités sociales créés par l’esclavage et son abolition, par l’engagisme, ainsi que les séquelles occasionnées par ces deux mouvances », souligne-t-elle. Les archives sur de l’engagisme sont conservées dans trois lieux différents : les Archives nationales à Coromandel (5 000 volumes), la Librairie nationale à Port-Louis (3 000 journaux des années 1830 à 1880 traitant de l’engagisme) et les archives du MGI à Moka (2 055 documents). Ces lieux sont ainsi considérés comme les grands dépositaires de la mémoire de Maurice, car ils renferment des documents concernant les ancêtres de 80 % de la population mauricienne. Environ 30 000 personnes ont ainsi pu retracer leurs origines, grâce aux informations disponibles. [row custom_class=""][/row]
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[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"21722","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-36489","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"640","height":"720","alt":"Buste d\u2019Adolphe de Plevitz"}}]] Buste d’Adolphe de Plevitz dans les jardins du MGI. (Photo JMS)

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[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"21723","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-36495","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Archives"}}]] La pétition d’Adolphe de Plevitz et les signatures des travailleurs.

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La grande expérience

L’engagisme, aussi considéré comme la « grande expérience », était le nouveau système de travail au milieu du 19e siècle quand les esclaves ont été libérés. Toute la documentation que la migration a générée témoigne jusqu’où les colons anglais pouvaient aller pour contrôler une population. Tout a été mis en place afin de pouvoir suivre leur mouvement, acte de naissance/acte de décès, date d’arrivée/départ, photos, noms et lien de parenté. Ce contrôle social des Anglais représente aujourd’hui une mine d’informations qui permet de mieux comprendre la période de l’engagisme. Ce système de travailleurs engagés a engendré le mouvement de quelque 456 000 individus de l’Inde, mais aussi de la Chine, de Madagascar, du sud-est de l’Asie et de diverses régions du continent africain. Il a, par la suite, fait des émules parmi les autres colonies britanniques et européennes dans d’autres parties du monde.  
   

Santaram Baboo ministre de la Culture: « Un rôle considérable à jouer dans notre histoire »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"21724","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-36491","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Santaram Baboo"}}]] Maurice est sur le Memory of the World Register depuis la fin de l’année dernière. Une plaque a été dévoilée le jeudi 9 juin dernier pour marquer cet événement. Dans son discours, le ministre de la Culture, Santaram Baboo, a exprimé sa joie. Il a aussi expliqué que ce n’est pas un hasard si Maurice a été élu pour la première fois pour siéger au sein du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Il a aussi souligné que l’État mauricien a bénéficié du soutien des États membres pour la protection et la préservation du patrimoine culturel. « Les archives sur l’immigration à Maurice ont un rôle considérable à jouer dans notre histoire. Nous devons les préserver pour la postérité. Ce sont des documents d’une valeur inestimable », a déclaré le ministre. Cela fera dix ans, le 10 juillet, que le site de l’Aapravasi Ghat a été inscrit sur la liste du patrimoine.  
   

Un souci de préservation

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"21725","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-36492","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Archives"}}]] Un processus de numérisation des documents a commencé aux Archives du MGI. (Photo JMS)

[row custom_class=""][/row] Pendant de longues années, une partie des archives ont été malmenées, apprenons-nous. La grande prise de conscience sur l’engagisme est due à Beekrumsingh Ramlallah, qui ne s’est épargné aucune peine pour que l’Aapravasi Ghat soit reconnu comme monument national et au Dr Kissoonsingh Hazareesingh, premier directeur général du MGI. Les documents, qui se trouvent au MGI, étaient initialement à l’Aapravasi Ghat. Ils ont dû être transférés en raison des dégâts causés au bâtiment par le cyclone Gervaise. À partir de ce moment, tout a été mis en œuvre pour qu’un travail de restauration et de conservation soit effectué. Tout un travail de classification et d’organisation a dû être fait pour constituer des registres et avoir des archives à proprement parler. Cela, afin de les rendre accessibles au public, indique Soorya Gayan. Mais dans un souci de préservation, ils ne le sont pas tous. Pour ceux recherchent leurs ancêtres, il faut qu’ils établissent un lien de parenté avec le nom de la personne recherchée. Le public peut cependant contempler certains documents en vitrine au MGI Folk Museum of Indian immigration.  
   

Les grandes dates

1834 : Début du système de travail sous contrat, avec l’arrivée des 36 coolies le 2 novembre. Ils ont été employés sur l’établissement sucrier Antoinette. 1835 : Abolition de l’esclavage à Maurice. 1834-1839 : Début de la « grande expérience » avec la venue de plus de 25 000 travailleurs sous contrat de l’Inde. 1839 : Suspension de l’immigration de la main-d’œuvre indienne par le gouvernement britannique de l’Inde. 1842 : Reprise de l’immigration indienne sous contrôle gouvernemental. 1843 : Le Bureau du Protecteur des immigrants inauguré et des lois régissant l’immigration promulguées. Le système est contrôlé par l’État et de l’État parrainé. 1849 : L’Aapravasi Ghat ou Immigration Depot ou département de l’immigration à Trou-Fanfaron devient opérationnel. Mi-1850 : L’île Plate et l’îlot Gabriel sont utilisées comme stations de quarantaine. 1864 : Le Vagrant Depot devient opérationnel. 1864-1865 : L’expansion de l’Immigration Depot se met en branle et le dépôt est divisé en deux sections, afin de faire place à la ligne ferroviaire du Nord. 1867 : Loi de travail de 1867 adoptée. 1869 : La pétition d’Adolphe de Plevitz est rédigée et contient la signature de plus de 9 100 travailleurs sous contrat. Elle expose leurs griefs contre les planteurs, la police locale et les administrateurs coloniaux. 1875 : Le rapport de la Commission royale de 1875 qui a enquêté sur la vie, le travail et la condition sociale des travailleurs sous contrat et de leurs descendants, est publié à Londres. 1909 : Le rapport de la Commission royale de 1909 est publié à Londres. Il se penche partiellement sur les conditions sociales et économiques des travailleurs sous contrat et recommande l’abolition du système de travail sous contrat. 1910 : L’Aapravasi Ghat reçoit les derniers travailleurs sous contrat et le Comité Sanderson à Londres recommande la fin du système conventionnel de l’Empire britannique. 1923-1924 : Les derniers travailleurs sous contrat sont acheminés à Maurice. 1925 : Le rapport de Maharaj Kunwar Singh est publié, recommandant la fin de ce système de travail à Maurice. 1938 : Le poste de Protecteur des immigrants est aboli. 1950 : Département de l’assistance publique établi à l’Aapravasi Ghat. Sources: Souvenir Magazine 180th Anniversary of the arrival of Indentured labourers in Mauritius. Aapravasi Ghat Trust Fund; Archives du MGI/RTI. Photos : Indentured Immigration Archives.
 

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