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Aquaponie : quand l’aquariophile devient agriculteur

Joindre l’utile à l’agréable. C’est ce que propose la culture aquaponique, qui consiste à utiliser les excréments de poissons pour nourrir les légumes. Très peu vulgarisée à Maurice, cette activité prend peu à peu de l’essor.

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Imaginez que vous ayez un beau bassin, rempli de poissons. En bon aquariophile que vous êtes, vous avez certainement dû l’équiper d’un système de filtration onéreux. Mais si on vous dit que la filtration peut se faire sans dépenser un sou et qu’en plus, vous pouvez produire vos propres légumes ? Utopique, répondrez-vous ? Non, aquaponique...

Cédric Fayolle de Plants and Fish Aquaponic Mauritius souhaite faire connaître ce système à Maurice. D’emblée, il faut, dit-il, tracer une ligne de démarcation entre la culture hydroponique et la culture aquaponique.  « Avec la culture hydroponique, on utilise des produits généralement chimiques pour offrir des nutriments aux plantes. Par contre, dans la culture aquaponique, on utilise uniquement les excréments que produisent les poissons dans le bassin, ce qui correspond à un type de culture bio. »

Le système est simple et pourtant il faillait y penser. « Propulsée par une pompe à eau submersible, l’eau quitte le bassin pour alimenter un système de tuyaux où poussent des plantes. Celles-ci absorbent les excréments présents dans l’eau pour les utiliser comme nutriments pour leur croissance. Si simple, du moins à petite échelle. C’est autre chose quand on ambitionne d’étendre cette culture sur une plus grande superficie », explique Cédric Fayolle.

Et pour cause, à grande échelle, il y a différents paramètres à respecter, poursuit l’aquariophile : «  Pour profiter d’une bonne récolte, il y a plusieurs facteurs à respecter à grande échelle. Il faut d’abord faire analyser l’eau régulièrement. Ensuite, il faut veiller à ce que le système dispose d’un bon équilibre entre les poissons et les plantes. Trop de poissons vont produire trop d’excréments, alors que peu de plantes ne vont pas suffire à filtrer l’eau correctement. Ce ratio est très important pour une bonne production. » Cédric Fayolle compte ainsi dispenser des cours d’aquaponie aux Mauriciens d’ici au mois de décembre.

Sans électricité

 Pascal Laroulette produit une vingtaine de légumes par mois.

Pascal Laroulette s’est mis à l’aquaponie au début de cette année. Aujourd’hui, ce photographe de 32 ans, affirme qu’il ne peut plus s’en passer : « Je cherchais un bon système de filtration pour mon bassin à Koï. Je suis donc allé sur la Toile et c’est là que j’ai découvert la culture aquaponique. Comme j’ai toujours aimé l’agriculture, j’ai décidé de me lancer dans la culture hors-sol et aujourd’hui je produis une partie de mes légumes. »

Bricoleur, Pascal a fabriqué lui-même son système aquaponique : «  Je suis allé sur YouTube et j’ai simplement suivi les étapes d’un tutoriel. Le système lui-même m’a coûté moins de Rs 1 000 pour les matériaux. »

Et pour si peu, le photographe arrive à produire plusieurs légumes : « Avec ce système, je fais pousser des laitues, du basilic, des brèdes et même des fraises. Cela fait toujours plaisir de sortir de sa maison pour cueillir fraîchement ses légumes. »

C’est justement pour renforcer cette joie que Pascal compte d’ici peu agrandir son système : «  Actuellement, je peux faire pousser une vingtaine de légumes. Mais dans pas longtemps je vais augmenter ma production. Mon but est d’être autosuffisant au plan alimentaire. »

Le système aquaponique de Wiliam Gundadoo fonctionne sans électricité.

Avec 17 autres de ses camarades, Wiliam Gungadoo a conçu un système aquaponique miniature. Ce groupe d’élèves du collège John Kennedy a d’ailleurs remporté le deuxième prix lors d’un concours organisé il y a deux semaines par la Junior Achievement Mascareignes, une ONG dont l’objectif est de promouvoir l’esprit entrepreneurial. «  Avec mes amis nous avons mis au point un système aquaponique qui ne fonctionne pas avec l’électricité. En effet, la particularité de notre système, c’est que nous y avons placé des poissons qui ne dépendent pas d’une pompe à air pour respirer. Notre système est donc économique et écologique », dit-il.

Pour simplifier le système, les élèves ont eu la brillante idée d’incorporer la plante directement dans un aquarium. « Notre aquarium fait 12 cm x 12 cm. Il est posé sur un socle en bois et recouvert d’une couverture en bois trouée au centre pour accueillir un pot perforé qui est en contact avec l’eau de l’aquarium pour en absorber les nutriments. Ce petit système nous a coûté que Rs 400 incluant le poisson », explique William qui compte dans un proche avenir commercialiser ce système auprès du grand public.


Un peu d’histoire

L’idée de combiner l’élevage de poissons et la production de légumes n’est pas récente. En effet, l’aquaponie est une technique de culture utilisée depuis des millénaires en Asie et en Amérique latine chez les Aztèques. Ainsi, en l’an 1000, les Indiens aztèques installés dans le centre de Mexico, près du lac Tenochtitlan, pratiquaient déjà une méthode de culture proche de l’aquaponie. Leurs lacs d’eau douce étaient entourés par des marais et de hautes collines, ce qui rendait l’agriculture traditionnelle impossible.

Avec leur grande ingéniosité, les Aztèques ont eu la brillante idée de construire un grand nombre de radeaux fabriqués à partir de roseaux et de joncs, qu’ils rembourraient avec la boue du sol draguée du fond du lac. Ils plantaient ensuite leurs cultures sur ces îles flottantes appelées chinampas, et au bout de quelque temps, les racines des plantes cultivées traversaient le sol de ces radeaux pour suspendre dans l’eau.

Certains affirment que les Mayas avaient également recours à cette façon de cultiver avant les aztèques. La Chine (surtout le Sud de la Chine), la Thaïlande et l’Indonésie font également partie des pionniers de la culture aquaponique.

 

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