L’ex-ministre des Affaires étrangères, Jean-Claude de l’Estrac, estime qu’il faut abandonner Diego Garcia pour avoir une chance de récupérer les autres îles de l’archipel. D’autres observateurs estiment qu’il faut éviter une telle stratégie, pour se concentrer sur le lobby auprès des gros médias occidentaux et obtenir une nouvelle résolution de l’Assemblée générale des Nations unies.
«Les Britanniques et les Améri-cains ne lâcheront pas Diego Garcia, aujourd’hui une des plus importantes bases aéronavales américaines. » C’est l’avis de Jean-Claude de l’Estrac, ancien ministre des Affaires étrangères, dans les colonnes du Défi Quotidien, ce mercredi 27 février. Il estime que Maurice doit jouer la carte de la realpolitik pour récupérer les autres îles de l’archipel et laisser Diego Garcia aux Américains, pour lui la seule option envisageable. Une opinion qui est loin de faire l’unanimité.
Pour Milan Meetarbhan, ancien ambassadeur de Maurice aux Nations unies, il ne s’agirait rien de moins qu’une erreur stratégique, si Maurice adoptait une telle approche. « Je comprends que Jean-Claude de l’Estrac cherche une solution pragmatique », commente-t-il, « mais ce serait une erreur, car cela porterait préjudice à notre revendication sur les Chagos sur le plan juridique. »
L’historien Jocelyn Chan Low s’oppose également à cette idée : « Je ne suis pas d’accord », déclare-t-il, « la question de retour sur les autres îles va au-delà du jugement. N’oublions pas que les Britanniques ont déjà rétrocédé des îles dont ils n’avaient plus besoin aux Seychelles. » Il rappelle d’ailleurs qu’au moment de dépla-cer les Chagossiens, l’option de déplacer ceux de Diego Garcia sur d’autres îles de l’archipel avait été étudiée. Les Américains n’y étaient pas opposés : « Les Anglais ont, toutefois, réalisé que cela poserait un problème de nationalité. » Les Chagossiens qui y seraient nés auraient été citoyens britanniques, du fait d’être né sur le BIOT.
S’il ne faut pas abandonner la souveraineté sur Diego Garcia, quelles options s’offrent à Maurice ? Pour Jocelyn Chan Low, une seule réponse : mobiliser l’opinion publique internationale. « C’est vrai qu’il faut faire preuve de réalisme », reconnaît-il. « Mais ce sera difficile de négocier directement avec les Britanniques. On sait qu’ils n’ont jamais négocié avec franchise. Ils ont une histoire de magouilles, de duplicité, une diplomatie faite de déceptions… »
Campagne de lobbying
Si des voix se sont déjà fait entendre au sein de la Chambre des communes, au Royaume-Uni, il faut les amplifier, selon l’historien.
« Il faut commencer une campagne de lobbying auprès de la presse internationale », explique-t-il. « La déception peut durer longtemps, quand le public reste dans l’ignorance. L’opinion publique a un rôle à jouer en diplomatie », déclare Jocelyn Chan Low. Selon Newsweek et Time Magazine, les dirigeants qui façonnent l’opinion publique du monde occidental doivent être expressément visés.
Il trouve important d’alerter le public américain concernant la situation. « Les Américains ont toujours dit que le problème des Chagos concernait le Royaume-Uni et Maurice », explique-t-il. Selon lui, « maintenant que la Cour internationale de Justice (CIJ) a déclaré que Diego faisait partie du territoire mauricien, il faut les approcher ». Des voix américaines doivent s’indigner de la situation.
Pour le légiste Milan Meetarbhan, cet avis consultatif a été donné à la demande de l’Assemblée générale des Nations unies. C’est donc vers cette même instance que le dossier devra être retourné : « L’Assemblée générale devrait adopter une résolution pour que les parties concernées négocient une solution, à la lumière de l’avis de la CIJ. » Bien que cette résolution ne soit pas contraignante, il estime qu’elle pourrait obtenir plus de votes que celle qui avait porté l’affaire devant la CIJ.
Milan Meetarbhan s’explique : « Il est très important pour nous que la Cour ait invité tous les pays à collaborer sur le dossier. Je pense que, s’il y a une nouvelle résolution devant l’Assemblée générale, nous aurons un plus grand soutien que la dernière fois. Beaucoup de ceux qui s’étaient abstenus avaient émis des doutes sur les compétences de la Cour pour trancher la question, mais la CIJ a bien statué sur le sujet. »
Ce point technique n’existe plus et ces pays qui s’étaient abstenus en avançant cette raison n’ont, en théorie, plus de raisons de le faire.
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