Interview

Alan Ganoo: «Un GM masochiste qui aime se tirer des balles dans le pied»

Le leader du Mouvement Patriotique commente la situation politique. Il revient aussi sur la décision de son parti d’être aux côtés des syndicats le 30 avril. Le MP est-il toujours ancré dans l’opposition ? Bien sûr et plus que jamais. Pourquoi ? Depuis sa création, le MP insiste qu’il est un parti dissident du MMM. Nous sommes néanmoins une opposition qui évite la démagogie et la politique de bas étage. Nous respectons les normes démocratiques. Nous avons dit que nous soutiendrons le gouvernement s’il fait de bonnes choses. Nous adoptons la même attitude à l’égard de l’opposition. Il n’y a aucune négociation pour que nous intégrions le gouvernement. Notre agenda est de construire le parti comme une force de l’opposition. Et en cas d’élections ? Nous savons qu’il y a un jeu d’alliance à la veille d’un scrutin. Nous verrons en temps et lieu, mais tout dépendra du programme de l’éventuel partenaire. Pour le moment, compte tenu de tous les scandales, semaine après semaine, nous dénonçons le gouvernement. Il ne respecte pas la parole donnée au peuple.
On parlait à un moment d’une ligne de communication avec le PTr pour ravir le poste de leader de l’opposition. Qu’en est-il ? Il n’y a aucune ligne de communication entre le MP et le PTr, qui est également un parti de l’opposition à l’Assemblée nationale. Il y a un dialogue de temps à autre. Il est toujours intéressant de connaître la position d’autrui sur un dossier. Ce sont des consultations officieuses, sans plus. À un certain moment, certains au PTr nous ont approchés pour travailler ensemble. Cela aurait certainement changé le paysage politique, mais pour moi, la question ne se posait pas. Cette option ne s’est même pas retrouvée sur la table du MP.
[blockquote]« Le MMM dérive toujours. Il peine à retrouver sa force d’antan. Il lui faudra du temps pour surmonter la crise de crédibilité »[/blockquote]
Pourquoi cela ne va-t-il pas au gouvernement ? D’une part, il y a un conflit entre les ministres Bhadain et Lutchmeenaraidoo. L’affidavit de ce dernier en est la preuve. Les choses se sont envenimées. Cela a fini par créer une division profonde au sein du gouvernement. Ce conflit a déstabilisé le gouvernement et pollue l’atmosphère dans le pays. Il y a un désordre au niveau de l’État. Pas uniquement au niveau du Conseil des ministres, mais aussi au niveau du comité parlementaire. Pensez-vous toujours que le gouvernement est en chute libre ? La situation actuelle plombe la capacité du gouvernement à honorer ses promesses. C’est la paralysie due à des crises chroniques. L’apaisement est illusoire. Nous devons tous respecter la démocratie et le verdict des urnes. Sauf que la population paie le prix d’avoir un gouvernement avec une majorité plus que confortable. Il y a aussi l’absence de cohésion. Sir Anerood Jugnauth pèse lourd au sein de l’Alliance Lepep. C’est lui qui a mené cette alliance vers la victoire aux dernières législatives. Il a aidé à préserver la popularité du gouvernement pendant un moment, mais elle est désormais en chute libre. Il n’y a toujours pas de développement, le chômage est bien réel. C’est du jamais-vu dans l’histoire du pays qu’un gouvernement perde aussi vite son capital sympathie. Voilà qu’une guéguerre Collendavelloo-Jahangeer s’amorce… Faut-il resserrer les boulons ? L’âge de SAJ joue contre lui. Pire, des personnes dans son entourage créent des problèmes, dont il se serait bien passé. Ivan Collendavelloo est un bon ami à moi, mais ce qu’il a dit dans un congrès, il aurait bien pu l’exprimer au sein du comité parlementaire. De plus, certains dirigeants de l’Alliance prennent des initiatives et parlent trop, pour dire n’importe quoi, des fois. Cela embarrasse le Premier  ministre et fragilise son gouvernement. Ce manque de cohésion ralentit l’efficience du gouvernement en tant que moteur de développement économique et social. C’est la cacophonie. Et quand Vishnu Lutchmeenaraidoo avance qu’il est le plus droit au sein du gouvernement, c’est diminuer de manière indirecte les mérites de ses collègues. Du jamais-vu ! On dirait un gouvernement masochiste qui aime se tirer des balles dans le pied chaque semaine. SAJ doit sortir le fouet. S’il ne sévit pas, c’est la descente aux enfers, l’autodestruction assurée. En tant qu’ancien leader adjoint du MMM, que pensez-vous  du projet de nouvelle constitution ? J’ai pris connaissance de la constitution proposée aux mauves dans la presse. C’est bien qu’un parti se remette en question et fasse une introspection en profondeur. C’est ce dont le MMM avait besoin, surtout après les convulsions qu’il a connues ces dernières années. Je pense aussi qu’il faut des propositions réalisables pour relancer le MMM. Aujourd’hui, il est clair que certaines propositions vont faire débat. Ce n’est pas à moi d’en juger. C’est aux auteurs de cette nouvelle constitution de mettre de l’eau dans leur vin. Le MMM dérive toujours. Il peine à retrouver sa force d’antan. Il lui faudra du temps pour surmonter la crise de crédibilité. C’est déjà un signe que le MMM n’organise pas de meeting le 1er mai. Il n’arrive pas à capitaliser sur les scandales actuels et la frustration de la population. C’est triste, car l’opposition est importante pour la bonne marche de la démocratie. Je souhaite que tous les partis de l’opposition se renforcent. Pourquoi la décision d’être avec les syndicalistes le 30 avril ? Il est grand temps que les politiciens laissent le 1er-Mai aux travailleurs. Le MP pense que les démonstrations de force peuvent se faire après. La veille du 1er-Mai, nous avons pu rassembler sur la même plate-forme d’illustres syndicalistes tels Jack Bizlall, Ashok Subron, Reeaz Chuttoo et Rashid Imrith. Nous allons débattre de la pauvreté touchant des milliers de Mauriciens. Nous voulons montrer aux jeunes que la lutte syndicale a sa raison d’être. Le MP entend être le carrefour des différents combats syndicaux en promouvant les réflexions. En tant qu’ancien ministre de l’Énergie, pouvez-vous dire si on va éviter le black-out ? La situation est compliquée. Ivan Collendavelloo livre une course contre la montre. Il a intérêt à veiller à ce que les projets énergétiques se matérialisent au plus vite. Il a fait un pas dans la bonne direction, avec la création de la Mauritius Renewable Energy Authority, mais en matière d’énergie verte, il y a du retard. Par rapport au budget, SAJ a-t-il suffisamment de marge de manœuvre ? La situation est difficile et SAJ a la lourde responsabilité de redonner confiance aux Mauriciens et aux hommes d’affaires. Je crois qu’il peut y arriver. Pour cela, lui-même et ses conseillers doivent arriver à think out of the box. Nous n’avons pas besoin de mesures qui ne sont que des effets d’annonces. Il est aisé d’annoncer un catalogue de projets. Cela a souvent été fait dans le passé. Dans le contexte actuel, le budget est un outil pour regagner la confiance de la population. Le Premier ministre ne doit pas emprunter la même voie que Vishnu Lutchmeenaraidoo. Il faut des projets moins ambitieux, mais réalisables. Pensez-vous réellement qu’il n’aurait pas fallu fermer la NATReSA ? Je me suis fait l’avocat de cet organisme au Parlement. Je maintiens que le ministre a été mal conseillé en optant pour la fermeture. Il n’y avait pas de volonté politique pour faire fonctionner la NATReSA. Depuis qu’Anil Gayan a hérité du portefeuille de la Santé, l’organisme n’avait pas de directeur. À deux reprises, l’établissement avait demandé au ministère de mener une enquête. Cet organisme a connu ses jours de gloire et sa mise à mort est injustifiée. Il suffisait de lui donner les moyens.
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