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Air Mauritius: Megh Pillay éjecté

Megh Pillay a été révoqué vendredi . C’est le contentieux autour d’un comité disciplinaire contre Mike Seetaramadoo qui a provoqué cette décision.

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Huit mois après avoir été nommé à la tête d’Air Mauritius en tant que Chief Executive Officer (CEO), exit Megh Pillay. Il a été invité à prendre la porte de sortie par un nombre restreint de membres du conseil d’administration : des fonctionnaires et un conseiller spécial du Premier ministre, réunis vendredi après-midi au Paille-en-Queue Court. Il a été révoqué à la demande du Chairman Arjoon Suddhoo. Ce dernier n’a cependant pas souhaité commenté cette affaire malgré nos nombreuses sollicitations.

Cela faisait des semaines que les opinions de Megh Pillay et d’Arjoon Suddhoo divergeaient sur la manière de diriger la compagnie nationale d’aviation. L’escalade a eu lieu cette semaine avec la décision de Megh Pillay de maintenir un comité disciplinaire contre Mike Seetaramadoo, l’ex-Executive Human Resource & Organisational Development, « promu » en janvier par Arjoon Suddhoo au poste d’Executive Vice-President Commercial & Cargo.

Megh Pillay avait réclamé ce comité disciplinaire en raison de « divers manquements » de Mike Seetaramadoo. Entre autres, il a ratifié un accord avec le ministre de la Fonction publique Alain Wong sans consulter la direction d’Air Mauritius pour que les ministres, les fonctionnaires et leurs proches obtiennent un rabais de 15 % sur les billets d’avion.

Autre point de litige : Mike Seetaramadoo a failli causer une grève des pilotes en annulant un privilège qui leur permet de voyager gratuitement, durant leur période de congé, sur les vols d’Air Mauritius.

Profondes divergences

Les compétences de Mike Seetaramadoo, qui ne figurait pas sur la liste des 20 candidats retenus (shortlisted) sur les 70 intéressés au poste d’Executive Vice-President Commercial & Cargo (avec un salaire de Rs 275 000), ont aussi fait l’objet de discussions.

De plus, lors de son recrutement, il n’aurait pas présenté les originaux de ses diplômes et sa seule expérience en ressources humaines se résume aux années passées au sein de la société de sa femme. Il réclamait une hausse salariale de Rs 75 000 et une pension qui tiendrait compte de son entrée à Air Mauritius en 1984.

Arjoon Suddhoo et Prakash Maunthrooa avaient déjà croisé le fer avec le CEO. Ils voulaient avoir leur mot à dire sur le recrutement des membres du personnel navigant, mais Megh Pillay ne voulait pas se laisser faire. « Certains voulaient que leurs protégés soient recrutés. Megh Pillay n’a rien voulu entendre, préférant une sélection effectuée par un comité indépendant », explique un membre de la direction.

« Les nominations n’ont pas été faites dans la transparence », rétorque une source à l’hôtel du gouvernement. Dès vendredi matin, il était clair que les heures de Megh Pillay étaient comptées. « Il va être licencié », confiait un ministre à 17 heures, alors que le conseil d’administration spécial était en réunion. Après des heures de concertation, celui-ci a émis un communiqué laconique évoquant cette révocation.

 Autre profonde divergence entre les deux hommes : le dossier de l’accès aérien et celui de l’Air Corridor avec Changi, deux projets importants aux yeux du bureau du Premier ministre. Alors qu’Arjoon Suddhoo estimait que le couloir aérien avec Changi allait remplir les avions d’Air Mauritius, Megh Pillay exprimait un avis contraire. Dans les milieux proches du conseil d’administration, on laisse entrendre que Megh Pillay n’était favorable à une politique d’ouverture du ciel, notamment à la venue d’Air Asia X.

Ni Arjoon Suddhoo, ni Prakash Maunthrooa n’ont voulu répondre à nos  sollicitations vendredi soir. « Je m’en tiens au communiqué. Je préfère ne rien dire », a déclaré le président du conseil d’administration. Idem pour les membres présents à ce conseil d’administration. Les conseillers du gouvernement disent tout « ignorer » de cette décision et le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, a lui aussi dit qu’il n’était au courant de rien. « Ki mo pou koze lor la. Mo pankor konn narien », a-t-il lâché après une cérémonie dans le cadre de Divali.

Les CEO qui se sont succédé
Amédée Maingard  Fondateur et PDG en 1967
Sir Harry Tirvengadum 1978-1996
Nash Mallam Hassam  1996-2000
Vijay Poonoosamy 2000-2001
Vinod Chidambaram 2001-2003
Megh Pillay septembre 2003-octobre 2005
Nirvan Veerasamy 20 octobre 2005-30 septembre 2006
Manoj Ujoodha 20 novembre 2006-30 septembre 2010
Soobhiraj Bungsraz  1er octobre 2010-8 décembre 2010
André Viljoen 8 décembre 2010-21 août 2015
Megh Pillay 24 février 2016-28 octobre 2016
 

 

Un gestionnaire qui ne laisse pas insensible

Megh Pillay a dirigé Air Mauritius de septembre 2003 à octobre 2005 sous un gouvernement MSM/MMM. Diplômé de l’université américaine de Bâton Rouge, en Louisiane, il a été aux commandes de plusieurs sociétés d’État sous des gouvernements dirigés par sir Anerood Jugnauth.

Après un passage à l’Agricultural Marketing Board, il laisse des réserves de Rs 40 millions à son départ en 1993. Il est chez Mauritius Telecom, lorsqu’il est choisi pour redresser Air Mauritius qui navigue en pleines turbulences. Au retour au pouvoir de Navin Ramgoolam en juillet 2005, Megh Pillay est remercié.

Il sera recruté par ce même gouvernement cinq ans plus tard pour assainir la situation de la State Trading Corporation, au bord d’un gouffre financier de Rs 5 milliards. Il redressera la situation en trois ans, laissant des réserves de Rs 1,5 milliard. Il soumettra sa démission en juillet 2015.
 
Dates-clés

  • Février 2016 – octobre 2016 : Chief Executive Officer chez Air Mauritius
  • Août 2010 à mars 2015 - Chief Executive Officer de la State Trading Corporation
  • Janvier 2009 à juillet 2009: Directeur (Corporate Affairs) à la Financial Services Commission
  • Septembre 2003 à octobre 2005 :Managing Director/CEO d’Air Mauritius
  • Juillet 1993 à septembre 2003 :CEO de Mauritius Telecom Limited
  • Décembre 1988 à juillet 1993 : Directeur général adjoint (jusqu’à janvier 1990) et directeur général de l’Agricultural Marketing Board

Megh Pillay: « Je reste cool »

  •  Votre sentiment après votre mise à pied ?

Je reste cool. Je pars sans savoir pourquoi. On s’attend généralement à une certaine élégance, mais ce n’est pas donné à tout le monde. Peu importe, la décision a été prise et je la respecte.

 Je pars à un moment où l’action d’Air Mauritius s’est stabilisée autour de Rs 14. C’est la meilleure performance sur la Bourse avec presque 30 % de croissance. Il n’y a qu’IBL qui a mieux fait.

  •  Il y a trois mois, vous avez déclaré, dans une interview au Défi Plus, qu’il ne doit y avoir aucune ingérence dans la gestion de la compagnie nationale d’aviation. Cette ingérence était-elle alors d’actualité ?

L’ingérence externe, politique ou pas, est incompatible avec la bonne gestion des affaires, contre l’intérêt des actionnaires et ne peut qu’être néfaste au succès de la compagnie. La loi et les règles de la bonne gouvernance imposent une définition et une démarcation claires du rôle du Board, du Chairman et du CEO.

Je pense qu’il est nécessaire de bien former ceux appelés à assumer ces responsabilités. Je préfère ne pas faire des remarques sur quiconque.

 

  •  Outre le cas Mike Seetaramadoo, y a-t-il eu des divergences sur d’autres dossiers ? Notamment au sujet de l’exploitation du couloir aérien avec Changi ?

Oui. Il y a toujours eu des divergences sur les stratégies. C’est sain si on arrive à trouver un consensus. Mais il faut écouter les professionnels de l’industrie.

Quand ce sont des non-professionnels qui déterminent l’orientation du Business Plan, c’est l’amateurisme qui prend le dessus. Une telle situation peut intervenir durant la période où le coût du carburant prend l’ascenseur et c’est la rentabilité même de l’entreprise qui sera en péril.

Raja Buton nommé Officer-in-charge

Indradev (Raja) Buton, Executive Vice President au département Strategic Planning and Information Systems d’Air Mauritius, a été nommé Officer in Charge de la compagnie d’aviation nationale après la résiliation du contrat de Megh Pillay.

C’est ce qui ressort d’un communiqué émis vendredi. Elle explique que Indradev (Raja) Buton a été nommé à ce poste « avec effet immédiat et ce jusqu’à nouvel ordre ». M. Buton a déjà cumulé ces fonctions en plusieurs occasions. Le conseil d’administration lui a donné tous les pouvoirs à la tête du Leadership Team pour assurer le bon fonctionnement de la compagnie dans le cadre de la gouvernance établie », peut-on lire dans le communiqué.

Mike Seetaramadoo : l’Executive vice-President controversé

Mike Seetaramadoo avait été épinglé, lors de son premier passage à Air Mauritius, à la suite des conclusions d’un rapport d’audit interne. Il avait, par la suite, poursuivi la compagnie d’aviation nationale, mais avait été débouté en cour industrielle en 2006 et en cour d’appel en 2008.

En 2009, il effectue son come-back en tant que consultant jusqu’à 2012, mais son contrat ne sera pas renouvelé. En janvier 2016, Mike Seetaramadoo est nommé Executive vice-President Human Resources, avant d’être muté au département commercial six mois plus tard.Mike Seetaramadoo n’a pas été disponible pour un commentaire.

 

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