La manière dont certains dossiers sont gérés à Air Mauritius laisse à désirer. C’est ce que tendent à démontrer des courriers en circulation à la veille de la tenue de la réunion du Board de la compagnie. Ce jeudi, les comptes semestriels seront approuvés et la question du limogeage de Megh Pillay abordée.
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Dans un mail envoyé à 10 h 31 le 27 octobre au Chief Executive Officer et au secrétaire de la compagnie d’aviation nationale, un membre du Conseil d’administration écrit : « Je ne pense pas qu’il soit juste pour les membres du staff committee d’être convoqués précipitamment à des réunions pour prendre d’importantes décisions avec quelques heures de préavis, sans même un résumé approprié à lire (…) Cela n’est pas de la bonne gouvernance ».
Ce membre a écrit ce mail dans le contexte du comité disciplinaire contre Mike Seetaramadoo, Executive vice-President Commercial & Cargo, suspendu quelques jours plus tôt. À noter que, dans un autre échange de mails entre le CEO Megh Pillay et le président Arjoon Suddhoo, le premier soutient qu’il a légalement le droit d’envoyer quelqu’un devant un comité disciplinaire, alors que le second affirme que le comité disciplinaire doit être annulé et que c’est le Staff committee d’Air Mauritius qui doit traiter de cette affaire. Il demande donc que le Staff committee se rencontre la semaine d’après et que le comité disciplinaire, prévu le 28 octobre, soit reporté. Ce serait « la manière la plus raisonnable de procéder ».
Préavis
Le même jour, à 13 h 54, un autre membre du Board abonde dans le même sens. Il demande, dans un mail adressé au secrétaire de la compagnie et aux autres membres du Board, que dorénavant, les membres du conseil d’administration soient avertis « avec suffisamment de préavis » avant la tenue de réunions. Cela « afin que ce soit possible pour eux de s’y rendre ». Ce membre influent fait remarquer que cette pratique l’empêche de se rendre aux réunions « aussi souvent que dans le passé ». Et de déplorer « qu’une fois de plus, il y a de la confusion par rapport aux démarcations des responsabilités au sein de la compagnie ». Cela, souligne-t-il, « dévie l’attention des sujets critiques » sur lesquels les dirigeants d’Air Mauritius devraient se concentrer.
Le lendemain, à 13 h 52, un troisième membre en rajoute une couche : « J’avoue être surpris par la tournure des événements, s’agissant du cas de M. Mike Seetaramadoo, notamment au regard des pratiques liées à la bonne gouvernance, et de l’efficacité toujours recherchée dans ce type d’affaire ».
À son avis, le différend entre le président et le CEO aurait dû « trouver son dénouement en interne ». Pour lui, « cette affaire démontre la nécessité de se pencher sur la question des prérogatives du conseil d’administration, de son administration, et pose la question de manière évidente de la dissociation des fonctions entre le président du conseil d’administration et le CEO ».
Il a envoyé ce mail après avoir appris que le président d’Air Mauritius a demandé au secrétaire de la compagnie de rechercher un avis légal après que le CEO a suspendu Mike Seetaramadoo puis a instruit un comité disciplinaire.
Megh Pillay : les raisons du divorce
Ce jeudi matin, le conseil d’administration d’Air Mauritius se réunit en présence de Megh Pillay, qui a été limogé du poste de Chief Executive Officer, le 28 octobre dernier. Au fil des jours, les choses sont plus claires concernant les raisons qui ont coûté à Megh Pillay son poste de Chief Executive Officer d’Air Mauritius. L’affaire Mike Seetaramadoo n’aurait été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Couloir aérien Singapour/ Maurice
Megh Pillay est plus que sceptique par rapport au couloir aérien Singapour/Maurice, alors que le tandem Arjoon Suddhoo (président) et Prakash Maunthrooa (Senior Adviser de SAJ et membre du Board) y croient dur comme fer.
Inauguré officiellement le 14 mars dernier, le couloir aérien entre l’aéroport de Changi (Singapour) est le vœu du gouvernement, annoncé le 21 octobre 2015 par sir Anerood Jugnauth. « C’est un accord historique avec un potentiel énorme », s’était réjoui le Premier ministre. Sauf que dans les faits, la réalité est tout autre. Au lieu de remplir les avions d’Air Mauritius, trois fois par semaine, avec des Singapouriens, ce sont surtout des Mauriciens qui ont profité de l’occasion pour visiter Singapour à des prix promotionnels. Pour le mois d’octobre, 272 Singapouriens avaient visité Maurice contre 106 pour la même période l’an dernier. Puis, avec l’arrivée d’AirAsia X, qui a rempli la place laissée vacante par Air Mauritius, qui a transféré ses opérations de Kuala Lumpur pour Singapour, la situation se corse davantage. Megh Pillay soutenait que c’était une erreur de troquer la Malaisie pour Singapour.
Compagnie régionale aérienne
Arjoon Suddhoo et d’autres membres estiment qu’il y a de la place pour créer une compagnie aérienne régionale, sur le modèle d’une compagnie « low-cost ». Avec une identité propre, celle-ci serait détenue à 100 % par Air Mauritius.
L.E.K. Consulting avait soumis son étude de pré-faisabilité à la mi-décembre 2015. Avant cela, une étude avait été initiée en interne. Elle démontrait que le projet est parfaitement viable. En mai dernier, une étude de faisabilité a été réalisée par des consultants anglais qui avaient émis un avis positif. Mais voilà, Megh Pillay ne partageait pas cet avis, car certains marchés régionaux, et particulièrement La Réunion, sont une vache à lait pour Air Mauritius.
Les sous-comités
Le Conseil des ministres avait créé plusieurs sous-comités. C’est un important motif de désaccord entre Megh Pillay et le tandem Suddhoo/Maunthrooa. Dans le camp pro-Pillay, on affirme que ces instances permettaient à ces derniers d’usurper les pouvoirs du CEO. À noter qu’Arjoon Suddhoo et Prakash Maunthrooa siègent sur pratiquement tous ces sous-comités. C’est surtout le Staff Committee qui est ciblé. Il permettait d’avoir un regard sur les décisions prises concernant le personnel de la compagnie.
L’affaire Mike Seetaramadoo
Malgré un passé tumultueux chez Air Mauritius - il a été viré en 2003 alors qu’il était directeur des Ressources humaines et cela après un rapport d’audit interne, et une nouvelle fois en 2010 -, Mike Seetaramadoo fait son grand come-back en 2014. Il est recruté comme Executive vice-President Human Resources. Quelques mois plus tard, il devient Executive vice-President Commercial & Cargo, alors qu’il n’avait pas été sélectionné (shortlisted) pour ce poste.
Megh Pillay l’envoie devant un comité disciplinaire en l’accusant d’insubordination et d’avoir pris des décisions sans l’en informer. Parmi, la révision de certains privilèges accordés aux pilotes et un rabais de 15 % aux fonctionnaires, ministres et leurs proches pour leurs billets d’avion.
Le comité disciplinaire, avec Megh Pillay comme principal témoin, devait se tenir le vendredi 28 octobre. Devant le refus de Megh Pillay d’annuler ce comité sur ordre d’Arjoon Suddhoo, le conseil d’administration est appelé d’urgence pour résilier son contrat.
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