La Cour suprême reconnaît que le jugement acquittant Pravind Jugnauth soulève des questions pertinentes quant à l’interprétation du délit de conflit d’intérêts dans l’affaire MedPoint. Les juges estiment qu’elles méritent d’être soumises devant le Conseil privé.
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La Cour suprême a autorisé le Directeur des poursuites publiques (DPP), le jeudi 22 juin, à faire appel, devant le Privy Council, du jugement d’acquittement prononcé en faveur de Pravind Jugnauth le 25 mai 2016. Elle a notamment indiqué que cet appel soulève des questions fondamentales sur l’interprétation du délit de conflit d’intérêts sous l’article 13 de la Prevention of Corruption Act (PoCA).
Pravind Jugnauth avait été condamné à un an de prison par la cour intermédiaire après qu’il a été reconnu coupable, le 30 juin 2015, de conflit d’intérêts dans l’affaire MedPoint. Sa condamnation avait toutefois été annulée en appel par le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et le juge Asraf Caunhye.
Le DPP, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel (SC), avait demandé l’autorisation de la Cour suprême de faire appel du jugement d’acquittement. Il évoquait la possibilité que la décision de la Cour suprême constitue un « mauvais précédent », contraire à l’intérêt public et à l’administration de la justice.
Questions pertinentes
L’avocate de Pravind Jugnauth, Me Clare Montgomery, Queen’s Counsel (QC), avait, pour sa part, résisté à la demande du DPP. Elle avait affirmé qu’il n’y avait aucun élément d’intérêt public requérant l’interprétation du Privy Council.
Le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et le juge Asraf Caunhye ont tranché en faveur du DPP. Ils ont conclu que l’affaire MedPoint constitue le premier cas dans lequel la Cour suprême a été appelée à se prononcer sur le délit de conflit d’intérêts, sous l’article 13 de la PoCA.
Ils sont d’avis que leur jugement acquittant Pravind Jugnauth soulève des questions pertinentes. Notamment en ce qui concerne l’interprétation des éléments du délit de conflit d’intérêts, en particulier le terme « personal interest » et l’interprétation de la défense de « bonne foi » mise en avant par Pravind Jugnauth et si sa conduite dans le processus d’acquisition de la clinique par l’État est exempté de tout blâme. « We accordingly consider that the issues raised by the applicant (DPP) are of great general or public importance which ought to be submitted to the Judicial Committee of the Privy Council and, in that respect, we see no reason why we should depart from the approach previously adopted by this Court in similar applications », peut-on lire dans le jugement.
Pravind Jugnauth était défendu par Mes Clare Montgomery (QC), Désiré Basset (SC), Ravind Chetty (SC), Raouf Gulbul et par l’avoué Shamila Sona-Ori. Le DPP était, quant à lui, représenté par Mes Rashid Ahmine, Vinod Ramaya et Karen Parson.
Le DPP dispose d’un délai de trois mois
Le Directeur des poursuites publiques a un délai de trois mois pour déposer son appel devant le Privy Council. Me Satyajit Boolell doit aussi fournir une caution de Rs 150 000 au greffe de la Cour suprême dans un délai de quatorze jours après le jugement l’autorisant à faire appel devant les Law Lords. Sollicité par Le Défi Quotidien, le DPP n’a pas souhaité faire de commentaires.
Les avocats du Premier ministre : «Ce jugement confirme l’indépendance du judiciaire»
Le panel des avocats de Pravind Jugnauth soutient, dans un communiqué émis le jeudi 22 juin, que ce jugement de la Cour suprême vient confirmer l’indépendance du judiciaire. Mais les avocats précisent que cette décision ne remet pas en cause l’innocence de leur client. Par ailleurs, ils soulignent que les conclusions de la Cour suprême, dans son jugement du 25 mai 2016, demeurent valides.
Dans ce précédent jugement, les juges avaient expliqué que c’était le premier appel entendu par la Cour suprême concernant le délit de conflit d’intérêts en vertu des articles 13 (2) et 13(3) de la Prevention of Corruption Act. Ils avaient soulevé un nombre de « fundamental legal issues ».
Les avocats de Pravind Jugnauth ajoutent que le Conseil privé ne siège pas en appel sur les faits. En d’autres mots, le Privy Council ne remet pas en cause les conclusions de la Cour suprême sur les faits. Par ailleurs, ils affirment que le Premier ministre souhaite que l’appel soit entendu dans les meilleurs délais.
L’état-major du MSM «pas affecté»
La décision de la Cour suprême d’autoriser le Directeur des poursuites publiques de faire appel, devant le Privy Council, du jugement d’acquittement prononcé en faveur de Pravind Jugnauth, n’affecte en rien le Mouvement socialiste militant (MSM) et le gouvernement. C’est ce qu’a laissé entendre le ministre des Collectivités locales, Mahen Jhugroo, jeudi, au téléphone. « Nous croyons en l’innocence du Premier ministre », a-t-il déclaré. Un autre député du MSM abonde dans son sens.
Réaction
Maneesh Gobin : « Pravind Jugnauth avait donné l’exemple lorsqu’il y avait eu un jugement de culpabilité contre lui. Celui de jeudi n’est pas un jugement de culpabilité. Il donne l’autorisation de faire appel sur les faits du jugement qui avait innocenté Pravind Jugnauth. La question de step down ne se pose pas. »
Shakeel Mohamed : « Il faut, par respect pour le citoyen Pravind Jugnauth, ne pas faire de commentaires incendiaires sur cette affaire qui, de plus, est devant une Cour de justice. Il y va de la vie privée du Premier ministre. »
Veda Baloomoody : « C’est bien que le Conseil privé apporte un éclairage. Mais il faut souligner que c’est la première fois qu’un Premier ministre est confronté à un cas de corruption devant le Conseil privé. Je suis étonné qu’il soit toujours en poste. »
Atma Bumma : « La décision de la Cour témoigne de l’indépendance du judiciaire. Quant à la question sur une éventuelle démission du Premier ministre, elle ne se pose pas car il n’y a aucun jugement contre lui. La décision de la Cour est une autorisation. »
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