Le bureau du Directeur des poursuites publiques a publié un communiqué le mercredi 23 novembre pour déclarer qu’il n’y a aucune preuve contre les six personnes arrêtées dans le cadre du procès Betamax, dont l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam.
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L’affaire Betamax va-t-elle finir en queue de poisson ? Elle semble se diriger vers une telle conclusion au vu du communiqué publié par le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) mercredi 23 novembre. Il y est souligné qu’il n’y a aucune preuve contre les six protagonistes arrêtés dans cette affaire. Il y est aussi précisé que le bureau du DPP est concerné par des éventuelles poursuites au pénal et non par le bien-fondé d’une politique gouvernementale.
Les différentes accusations
Pot-de-vin
Le DPP affirme que l’enquête policière repose sur une enveloppe retrouvée dans le coffre-fort de Navin Ramgoolam et sur laquelle il est écrit « Vikram Bhunju » et « V. Bhuniun ». Toutefois, l’identité de l’auteur de ces « écrits » n’a pas été déterminée. De plus, aucun lien n’a pu être établi entre la présence de cette enveloppe dans le coffre-fort de Navin Ramgoolam et l’octroi du contrat à Betamax.
Fraudulent alteration of cabinet memo
Kalindee Bhanji, ancienne Permanent Secretary au ministère du Business et des Entreprises, était provisoirement accusée d’avoir falsifié un Cabinet Memo. Or, selon le DPP, l’enquête policière ne révèle aucune intention criminelle de la part de Kalindee Bhanji. Les amendements n’ont pas changé la teneur du Cabinet Memo.
Influencing public official
Le DPP conclut également qu’il n’y a aucune preuve démontrant que Veekram Bhunjun a fait usage de violence ou de menaces pour influencer la décision de Ranjit Singh Soomarooah, ancien General Manager de la State Trading Corporation (STC), ainsi que celle de l’ancien ministre Mahen Gowressoo. Le DPP estime que Veekram Bhunjun ne peut avoir fait pression sur Ranjit Singh Soomarooah tout en agissant de concert avec lui.
Entente délictueuse (Conspiracy)
Ils étaient cinq à faire face à des accusations d’entente délictueuse dans cette affaire : Navin Ramgoolam, Anil Bachoo, Veekram Bhunjun, l’ancien Permanent Secretary au ministère du Business et des Entreprises Reshad Hosany, et Ranjit Singh Soomarooah, ancien directeur général de la STC. Le DPP relève que les amendements apportés à la Public Procurement Act en 2009 (voir plus loin) relèvent de la prérogative du Parlement. Donc l’idée qu’il puisse y avoir entente délictueuse est « intenable ». Le DPP note aussi qu’au cours de l’enquête, la police « had not even put a charge of conspiracy » contre Reshad Hosany.
Les protagonistes
Les six personnes arrêtées dans l’affaire Betamax sont l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, l’ancien ministre des Infrastructures publiques et du Transport Anil Kumar Bachoo, le directeur de Betamax Ltd, Veekram Bhunjun, l’ex-Permanent Secretary au ministère du Business et des Entreprises, Reshad Hosany, l’ancien directeur général de la State Trading Corporation Ranjit Singh Soomarooah, et Kalindee Bhanji, ancienne Permanent Secretary au ministère du Business et des Entreprises
Chronologie
Dans son communiqué, le bureau du DPP fait l’historique de l’affaire Betamax.
- 3 août 2007 : Le Conseil des ministres décide de mettre sur pied un comité ministériel pour étudier des propositions autour de l’acquisition d’un tanker. Le bureau de l’Attorney General (AGO) relève certains manquements et informe la STC que les procédures d’appel d’offres sous la Public Procurement Act (PPA) ne seront pas respectées si le contrat est alloué à Betamax. Hormis ces manquements, l’AGO précise que le contrat est en ordre.
- 29 juin 2009 : Les Public Procurement Regulations sont amendés pour que certains organismes d’État soient exemptés des procédures d’appels d’offres pour certaines transactions. La STC figure parmi ces entités au même titre que l’Agricultural Marketing Board, le Central Electricity Board et l’Outer Islands Development Corporation.
- 27 novembre 2009 : Signature du contrat entre la STC et Betamax Ltd. Celle-ci fait l’acquisition d’un tanker pour le transport de carburant pour le compte de la STC.
- Décembre 2014 : Après la chute de Navin Ramgoolam aux élections législatives, la police ouvre une enquête sur le contrat alloué à Betamax.
- 21 février 2015 : Le Permanent Secretary du ministère de l’Industrie et du Commerce porte plainte au Central Criminal Investigation Department (CCID) en affirmant que les procédures d’appels d’offres n’ont pas été respectées.
Le DPP précise qu’un document non signé a été remis à la police pour les besoins de l’enquête. Il y est mentionné que l’allocation du contrat de Betamax est régie par les dispositions de la PPA. Or, le DPP rejette cet argument, car il estime que la loi a été amendée avant la signature du contrat entre la STC et Betamax.
Deux autres accusations provisoires contre Navin Ramgoolam rayées
Les deux accusations provisoires qui pesaient sur Navin Ramgoolam dans l’affaire Betamax, à savoir « entente délictueuse » et « influencing public official », ont été rayées le mercredi 23 novembre par la magistrate Adila Hamuth, au tribunal de Port-Louis. Cette décision a été prise après que le représentant du bureau du DPP, Me Shakeel Bhoyroo, a fait état d’un manque de preuves concrètes pour obtenir une condamnation contre l’ancien chef du gouvernement.
Il était reproché à Navin Ramgoolam d’avoir exercé des pressions sur l’ancien ministre, Mahen Gowreessoo pour favoriser l’allocation du contrat du transport de produits pétrolier à Betamax Ltd, la compagnie de Veekram Bhunjun. L’ancien Premier ministre était aussi accusé d’avoir comploté avec Anil Bachoo, Veekram Bhunjun et d’autres personnes, toujours pour favoriser l’allocation de ce contrat à Betamax Ltd.
Navin Ramgoolam est défendu par Mes Gavin Glover, Senior Counsel, et Shawkat Oozeer. Me Shakeel Bhoyroo a soutenu que l’enquête policière n’a pu démontrer qu’il y avait un lien entre Veekram Bhunjun et Navin Ramgoolam dans le cadre du contrat que Betamax avait signé avec la STC. Ainsi, il a réclamé que les deux accusations provisoires contre Navin Ramgoolam soient rayées. Me Shakeel Bhoyroo a expliqué que trois Senior State Counsels ont analysé le dossier. Il a ajouté que ce n’est que le 17 décembre 2015 que la police a remis ce dossier au bureau du DPP.
L’abandon de ces deux charges provisoires porte à huit le nombre total d’accusations provisoires contre Navin Ramgoolam rayées. Initialement, 11 charges provisoires avaient été retenues contre l’ancien Premier ministre. Une seule accusation formelle a été retenue contre lui par le DPP dans le cadre du procès Roches-Noires, qui est toujours en cours.
À sa sortie du tribunal, Navin Ramgoolam a déclaré avoir confiance en Dieu et la justice. Il a affirmé qu’il est victime d’une vengeance politique : « Pena okenn frod, pena ni bribe ek zame monn pran bribe, ni conspiracy. » Selon lui, le but du gouvernement est de le détruire. « An tan ki Premie minis, monn travay pou sa pei-la ek laverite inn eklate ek zot gagn enn klak. »
Anil Bachoo et Veekram Bhunjun en cour ce jeudi
L’ancien ministre Anil Bachoo et le directeur de Betamax seront fixés sur leur sort ce jeudi 24 novembre au tribunal de Port-Louis. Le premier nommé est provisoirement accusé de « conspiracy » et d’« influencing public official ». De son côté, Veekram Bhunjun répond de quatre accusations provisoires. Le représentant du DPP fera part de sa décision de maintenir ou pas la charge provisoire contre l’ancien ministre. Trois autres protagonistes dans l’affaire Betamax sont toujours sous le coup de charges provisoires : Reshad Hosany, Ranjit Singh Soomarooah et Kalindee Bhanji.
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