Live News

Accidents de la route : des vies volées en pleine jeunesse

Accidents de la route

Les accidents de la circulation peuvent modifier ou interrompre le cours de la vie. En étant au mauvais endroit, au mauvais moment ou parfois en faisant preuve de négligence, des vies basculent dans le vide. Dossier.

Publicité

La route emporte un jeune. Cette phrase n’est pas si anodine qu’on le croit. Entre janvier 2014 et décembre 2015, 1 497 jeunes dans la tranche d’âge 15-24 ans étaient impliqués dans des accidents de la route, causant morts ou blessés. 70 % de ces jeunes étaient des motocyclistes et 97 % d’entre eux étaient de jeunes hommes.

Début octobre, Kajal (20 ans) est tuée sur le coup dans un accident de la circulation. Avishek (21 ans) était au volant de la voiture qui a percuté une camionnette roulant en sens inverse. Blessé, il a dû être admis dans une clinique privée. Akash Peetumbar (22 ans) a connu, lui aussi, une fin tragique en août dernier. Il circulait à moto, lorsqu’il a heurté une voiture. Quant à Adarsh Shamloll, 18 ans et habitant Rivière-du-Rempart, il n’a pas survécu à ses blessures. En juillet, il était à motocyclette avec son ami (17 ans) quand il est entré en collision avec un tout-terrain, à Poste-Lafayette.

Les jeunes souvent décrits par leur entourage comme des bons vivants, une simple erreur de leur part peut être dévastatrice.


Barlen Munisami : « Les jeunes n’ont pas assez de pratique et d’expérience au volant »

« On ne doit pas prendre pour acquis le fait que nous avons eu notre permis de conduire et que cela s’arrête là »

Pour l’auteur du best-seller Le guide complet du conducteur,  c’est un fait avéré que les jeunes n’ont pas assez de pratique et d’expérience au volant. En outre, ces derniers, dit Barlen Munisami, sont à la recherche de sensations fortes. Poux eux, la vitesse représente la virilité, le courage et la galanterie. « Bon nombre de jeunes aiment défier les autorités, mais ne se rendent pas compte que la route est un espace social et qu’ils sont exposés à des risques. Je suis plus ‘in’ si je conduis vite et si j’ai un style. Ces jeunes ont tendance à reproduire ce qu’ils voient au cinéma. Cet excès de zèle se traduit par l’immaturité et se termine souvent par un accident fatal. Par ailleurs, l’alcool au volant est un autre problème qui gagne du terrain. »

Notre intervenant est d’avis que, si dans d’autres pays, il y a des lois pour protéger les jeunes au volant, telles que la restriction au volant pendant la nuit et ne pas transporter d’autres passagers, Maurice doit suivre le pas. « Il faut suivre les jeunes conducteurs. Par exemple, ils ne doivent pas commettre des infractions pendant un certain nombre d’années et qu’il y ait une limite sur les modifications des véhicules. Il est important de sensibiliser les jeunes chauffeurs, que ce soit à la maison ou que les autorités les prennent en charge. On ne doit pas prendre pour acquis le fait que nous avons eu notre permis de conduire et que cela s’arrête là. »


Digvijay Bahadoor, de la Road Safety Unit : « Les jeunes sont plus exposés aux accidents de la route »

« Il y aura un suivi pour les jeunes qui viennent d’obtenir leur permis de conduire »

Utiliser les téléphones cellulaires au volant, rouler à vive allure, se servir des routes comme pistes de course et être sous l’influence de l’alcool ou des stupéfiants, ou encore conduire un véhicule en état de fatigue excessive, autant de gestes qui sont à l’origine d’accidents graves, voire mortels. Digvijay Bahadoor, inspecteur de police à la Road Safety Unit, fait observer que ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la mortalité routière.  

« Les jeunes conducteurs sont des usagers vulnérables de la route. En outre, ils sont exubérants de nature. Mais ils n’ont aucun tort, car ils se sont formés par eux-mêmes, passant par un processus d’essai ou d’erreur. À titre d’exemple, les jeunes apprennent à conduire, que ce soit les motocyclettes ou d’autres véhicules, avec leurs aînés ou avec un moniteur d’auto-école privée », explique Digvijay Bahadoor. Mais les apprentis conducteurs, poursuit l’inspecteur de police, ne sont pas formés pour être confrontés à des circonstances dangereuses, pouvant provoquer un accident de la route.

« Les jeunes conducteurs adoptent de mauvaises habitudes. Ils obtiennent leur permis de conduire malgré une méconnaissance technique des véhicules »

« De ce fait, les jeunes conducteurs adoptent de mauvaises habitudes. Ils obtiennent leur permis de conduire malgré une méconnaissance technique des véhicules. Les autorités tentent le tout pour le tout, afin de faire des Mauriciens des conducteurs responsables. À cet effet, le permis probatoire verra le jour bientôt », affirme Digvijay Bahadoor. Ce permis probatoire, selon l’inspecteur de police, aidera à inciter les jeunes conducteurs à être plus prudents, à réduire leur vitesse, tout en respectant le code de la route, comme il leur a été inculqué. « Il y aura un suivi pour les jeunes qui viennent d’obtenir leur permis de conduire. »

Digvijay Bahadoor avance que, lors des campagnes de sensibilisation, les officiers répètent aux jeunes automobilistes d’avoir la tête sur les épaules avant de prendre le volant. Car il existe une longue liste de pénalités pour mauvaise conduite. « Pour avoir un permis de conduire, l’apprentissage de la conduite reste une étape obligatoire. Mais de nos jours, les moniteurs d’auto-école incitent les apprenants à apprendre des gestes mécaniques sans aucune difficulté. Mais il est bon de préciser que les méthodes d’enseignement des moniteurs d’auto-écoles ne répondent plus aux réalités de nos routes. »

Comme dit l’adage, speed thrills but it kills. La vitesse demeure, aujourd’hui, la principale cause d’accidents de la route impliquant les jeunes conducteurs. « Lorsqu’un jeune roule à vive allure et freine brusquement, il perdra sans doute le contrôle de son véhicule. C’est ce qui se passe pour la plupart des jeunes motocyclistes lorsqu’ils n’arrivent pas à maîtriser leur deux-roues. D’où la raison d’ouvrir une moto-école à Maurice », indique l’inspecteur de police à la Road Safety Unit.

« La moto-école apprendra aux jeunes à mieux maîtriser leur machine en ce qui concerne l’équilibre et le positionnement. Là, les jeunes seront formés au niveau technique et pratique des deux-roues et à contrôler leur engin dans des circonstances dangereuses », conclut Digvijay Bahadoor.


Alain Jeannot : « Il est grand temps de faire de la sécurité routière une culture »

« 40 % des victimes de la route, morts et blessés confondus, sont âgées entre 15 et 29 ans »

Entre janvier 2014 et décembre 2015, 1 497 jeunes, âgés de 15 à 24 ans, étaient impliqués dans des accidents de la route, causant morts ou blessés. 70 % de ces jeunes étaient des motocyclistes et 97 % d’entre eux étaient de jeunes hommes. Les raisons qui expliquent cette tendance sont diverses, selon Alain Jeannot, président de l’organisation non gouvernementale (ONG) Prévention routière avant tout (Prat).

D’abord, aujourd’hui, il y a un nombre croissant de jeunes, ayant accès à leur propre moyen de transport. En outre, il y a un manque de formation à la conduite des deux-roues motorisés. « Un autre facteur, c’est le manque d’expérience au volant, qui se confirme par le pourcentage élevé, soit 26 % de chauffeurs impliqués dans des accidents et ne possédant qu’un permis d’apprenti conducteur (learner’s licence) ou pas de permis carrément. La fatigue et l’alcool en sont aussi des causes. Les trois jours où il y a le plus d’accidents sont les samedi, dimanche et lundi », explique le président de Prat.

« La fatigue et l’alcool en sont aussi des causes. Les trois jours où il y a le plus d’accidents sont les samedi, dimanche et lundi »

Par ailleurs, Alain Jeannot trouve qu’il est temps d’introduire le probationary licence pour ceux qui viennent d’obtenir leur permis de conduire. Ce permis probatoire est en vigueur dans beaucoup de pays avancés. Il préconise également l’introduction d’un test médical pour les chauffeurs professionnels à partir d’un certain âge. Il ne faut pas oublier que les maladies non transmissibles, comme le diabète et les problèmes cardio-vasculaires, sont présentes parmi la population.

« Les détenteurs sont soumis, par exemple, à un régime restrictif par rapport à la vitesse et le taux d’alcool et cela leur permet de prendre de bonne habitudes pendant cette période qui dure entre 12 et 24 mois, dépendant des pays. D’autre part, comme les véhicules doivent porter un P plate (macaron), ils indiquent aux autres usagers que le chauffeur est fraîchement ‘diplômé’ et qu’il faut être compréhensif, patient et vigilant à son égard. »

Notre intervenant souligne que les parents ont une responsabilité énorme envers leurs enfants. « 37 % des parents ne s’intéressent pas à ce que font leurs enfants et ne savent pas ce qu’ils font de leur temps libre, selon la Global Health School-based Survey de 2007. Malheureusement, certains d’entre eux sont de mauvais role models, qui téléphonent en conduisant. C’est souvent eux qui donnent le premier véhicule aux enfants ou alors ils participent à l’achat. Qu’à cela ne tienne, il ne faut pas qu’ils leur offrent leur cercueil, car il n’y a pas plus grande douleur que de perdre son enfant, d’autant plus de ses propres mains. 40 % des victimes de la route, morts et blessés confondus, sont âgées entre 15 et 29 ans. »

Pour Alain Jeannot, il est grand temps de faire de la sécurité routière une culture. Par exemple, en parler à table, dans les écoles et autres institutions. « Il faut leur expliquer, par des images simples, le pourquoi des risques. Par exemple, un choc à 80 km/h équivaut à une chute d’un bâtiment de huit étages. Multiplier la vigilance légale et appliquer des sanctions pourraient être des mesures dissuasives. »


Témoignages

Tragique destin de Saamir

Saamir R. (28 ans) a été victime d’un grave accident de la route survenu le 28 décembre 2015. Ce jeune habitant de Le Hochet, à Terre-Rouge, a été amputé de sa jambe gauche. Il croquait la vie à belles dents et sa vie a subitement basculé. Lui qui subvenait aux besoins de ses parents vit avec une pension d’invalidité aujourd’hui.  

« Je ne me souviens pas des circonstances entourant l’accident dont j’ai été victime. Je pilotais ma moto quand une voiture m’a renversé. J’ai passé vingt jours aux soins intensifs. Mon bras droit était fracturé et ma jambe gauche écrabouillée. Ce qui a nécessité une amputation. En outre, j’avais plusieurs côtes fêlés, un poumon perforé et la rate explosé », nous raconte Saamir R. Il lui a fallu presque un an et demi pour se rétablir, cloué au lit.  

« Aujourd’hui, je me déplace à l’aide d’une prothèse. Ma vie a complètement basculée. Personne ne veut me recruter à cause de mon handicap. C’est dur d’arrondir les fins de mois avec la maigre pension d’invalidité que je perçois. Ma vie d’autrefois me manque. Cet accident de la route m’a ruiné », se lamente Saamir R. Toutefois, le jeune homme dit prendre son courage à deux mains pour surmonter les difficultés auxquelles il fait face au quotidien.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !