Interview

Abus de pouvoir - Neelkanth Dulloo : «Des droits humains fondamentaux en font les frais»

Neelkanth Dulloo Neelkanth Dulloo

L’avocat Neelkanth Dulloo nous parle des différentes formes d’abus de pouvoir et de leurs conséquences. Il évoque que ce sont souvent des droits humains fondamentaux qui en font les frais.

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Dans le giron légal, on parle souvent d’abus de pouvoir. C’est quoi en fait ?
L’abus de pouvoir est la description donnée quand un individu, homme ou femme, agit de mauvaise foi, outrepasse les limites du pouvoir qui lui a été conféré, ignore les procédures existantes ou tout simplement quand un individu n’est pas raisonnable envers des décisions prises. Ainsi, l’abus de pouvoir se trouve dans des décisions qui menacent les droits humains fondamentaux ou les règles de droit.

Quelles sont les formes d’abus de pouvoir ?
Dans la relation familiale, l’abus de pouvoir peut prendre différentes formes : l’abus sur l’enfant ou sur l’adolescent par les parents ; entre l’époux et l’épouse ou l’abus de l’enfant sur les parents. Un pouvoir de chantage émotionnel que l’enfant est conscient de posséder. Il est important d’ajouter que l’abus de pouvoir est aussi très présent dans le monde du travail à Maurice. C’est effectivement très courant et parfois de manière quotidienne. Il n’y a qu’à voir le nombre de cas traités par le ministère du Travail ou le nombre de cas logés en cour industrielle ou devant la Cour suprême. L’abus de pouvoir existe également entre l’État et les citoyens.

Dans le cadre du rapport parent/enfant, comment un enfant peut-il se protéger des abus que peuvent exercer ses parents sur lui ?
Il faut faire la distinction entre abuser de ses pouvoirs parentaux sur l’enfant et le droit de discipliner son enfant. Tout le monde sait qui est « l’enfant moderne ».  Ce dernier se sert de son intelligence pour tout déceler. Si l’enfant décide de se protéger ou s’il y a une urgence de protéger l’enfant, la police ou la Child Development Unit (CDU) peuvent être contactées et mises au courant des faits. Il y a des lois qui régissent également la protection de l’enfant. Une fois informées, les autorités peuvent agir et une enquête ouverte. Celle-ci pourra conclure s’il y a effectivement abus de pouvoir ou pas. Si l’enfant est en danger et est victime d’abus, les autorités vont immédiatement agir en conséquence et l’enfant en question sera placé dans un abri (shelter).

Qu’en est-il dans le monde du travail ?
L’abus de pouvoir dans le monde du travail est extrêmement stressant pour les employés. Tout abus est régulièrement accompagné d’intimidations et de bouc émissaires.

L’abus au travail se caractérise souvent par la volonté de la part d’un supérieur hiérarchique d’empêcher un employé de gravir les échelons et d’avoir une promotion. Et là, on fait tout pour empêcher cette personne concernée de bien faire.

Je vois ça presque partout à Maurice, notamment dans les professions administratives. L’abus au travail peut aussi être un harcèlement sexuel, qui est beaucoup plus courant que l’on puisse imaginer. Il peut aussi s’attaquer directement à la santé physique d’un employé. On lui impose une tâche physique qu’il lui sera impossible d’accomplir en raison de son état de santé.

L’abus de pouvoir se fait ainsi sous la forme de harcèlement moral, de harcèlement physique, de harcèlement sexuel et parfois les trois à la fois.

Comment notre législation protège-t-elle un employé des abus de son employeur ? Quel recours a-t-il pour réclamer justice ?
Le harcèlement, sous nos lois, est défini comme suit : « Les comportements indésirables, verbaux, non verbaux, visuels, psychologiques ou physiques, en fonction de l’âge, du handicap, du statut VIH, des circonstances domestiques, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la race, de la couleur, de la langue, de la religion, des opinions politiques ou syndicales, l’origine nationale ou sociale ou toute autre situation, qu’une personne raisonnable aurait prévu qu’un employé serait affecté négativement dans sa dignité et qui inclut aussi le harcèlement sexuel ».

Le délit du harcèlement sexuel est punissable sous l’article 254 du Criminal Code. Ainsi, si une personne est reconnue coupable sous cette législation, elle risque une peine d’emprisonnement n’excédant pas dix ans et une amende ne dépassant Rs 200 000.

Toute forme de harcèlement doit être impérativement rapportée à la police ou au ministère du Travail.

Parlez-nous des abus de l’État contre un citoyen ?
L’État a très souvent mauvaise réputation quant à ses relations avec ses citoyens. Les anarchistes, tels que Johann Kaspar Schmidt, dit Max Stirner, ou Michel Bakounine ont dit que, par définition, l’État est l’ennemi de l’individu, de sa liberté et de ses intérêts.

Max Stirner a aussi dit : « Tout État est une tyrannie », « La liberté ne peut être que la liberté, un morceau de la liberté n’est pas la liberté ». Pour Max Stirner, l’État nous met dans un rapport de force bien inégal : « Celui qui a le pouvoir a le droit, si vous n’avez pas l’un, vous n’aurez pas l’autre ».

L’État est plus redoutable parce qu’il a de multiples agents pour le représenter. Évidemment le point de vue anarchiste est extrémiste, car sans État, comme l’a souligné Thomas Hobbes, nous serions à l’état de nature, et là, ce serait la loi du plus fort, la loi de la jungle, la « guerre de tous contre tous » qui régnerait.

Il est vrai que l’État abuse de son pouvoir dans bon nombre de circonstances.  L’État abuse aussi de son pouvoir quand il ne respecte pas les Droits de l’Homme. 

Ainsi, chaque année Amnesty International publie un rapport des abus de pouvoir perpétrés dans de nombreux pays.

À Maurice, l’État règle ses comptes politiques par le biais des « accusations provisoires », qui très souvent ne donnent pas suite. Le règlement est lorsqu’un adversaire politique passe la nuit en cellule policière et que plus tard, on voit que l’accusation provisoire contre lui est rayée pour manque de preuves. N’est-ce pas un abus de pouvoir où des droits humains fondamentaux paient les conséquences ?

 

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