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Absence de ‘fire certificate’ : un millier de bâtiments publics à haut risque

En tant que propriétaire de bâtiments publics, l'État est loin de montrer l'exemple. En tant que propriétaire de bâtiments publics, l'État est loin de montrer l'exemple.

Plus de 90% des bâtiments publics ne respectent pas les normes légales en matière de prévention contre les incendies, avec tout ce que cela comporte comme risques pour leurs usagers. Le gouvernement veut y mettre bon ordre.

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La décision de mettre en place un comité interministériel, présidé par le ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, a été prise lundi lors de la réunion des parlementaires du gouvernement. Car la situation est jugée extrêmement grave.

Un rapport des pompiers, rendu public samedi dernier, est venu établir qu’environ 950 bâtiments de l'État sur 1 110 ne possèdent par de Fire Certificate et ne sont donc pas équipés pour sauver des vies en cas d’incendie. Le comité a la tâche de trouver des solutions rapides au problème.

Après la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, le mardi 11 juillet, durant laquelle le ministre des Administrations régionales, Mahen Jhugroo, a révélé que 1 314 bâtiments commerciaux privés sur 50 000 ne possèdent par de certificat d’incendie. Par la suite, le ministre a demandé un relevé aux sapeurs-pompiers pour les bâtiments publics. Seule, un peu plus d’une centaine d’immeubles respectent les provisions de la loi.

L’absence d’un Fire Certificate implique que les immeubles concernés ne possèdent pas de sorties de secours, pas d’extincteurs et n’ont pas de plans de secours pour mettre leurs occupants à l’abri en cas d’incendie.

Alarme obligatoire

Un immeuble de plus de trois étages, à titre d’exemple, doit impérativement être équipé d’un escalier de secours. Si le nombre d’employés dépasse 60, un système d’alarme est obligatoire et un extincteur doit se situer dans chaque rayon de 100 m2 dans tout le bâtiment.

Le ministre Jhugroo affirme qu’il a hérité de cette situation. Ministre depuis janvier, il déclare que tout le nécessaire est fait pour sécuriser le plus grand nombre d’infrastructures au plus vite.

« C’est une situation qui a perduré pendant des années et dont nous héritons aujourd’hui. Un comité interministériel a été mis sur pied pour examiner la situation et venir avec des solutions », explique Mahen Jhugroo, également responsable du département des pompiers.

« Je tiens à rassurer tout le monde. Je suis la situation de très près et nous faisons tout pour renforcer la sécurité des fonctionnaires et du public en général », ajoute-t-il.

Outre l’aspect sécuritaire, il y a aussi le côté légal. « Aucun local ne sera occupé ou utilisé, sauf si le propriétaire détient un Fire Certificate », stipule la Mauritius Fire & Rescue Service Act, alors que l’Occupational Safety & Health Act précise qu’aucun employeur ne peut faire travailler quelqu’un dans un bâtiment dépourvu d’un certificat d’incendie.

En tant que propriétaire d'un bon nombre de bâtiments qui abritent des services publics, le gouvernement est donc loin de montrer l’exemple. Et, en tant qu’employeur, il met potentiellement des milliers de fonctionnaires, étudiants et membres du public en danger quotidiennement. En somme, le gouvernement viole ses propres lois.

Laisser-aller

Comment une telle situation a-t-elle pu perdurer ? Si, au niveau de la direction des sapeurs-pompiers, l’on ne souhaite pas s’exprimer sur la question, on affirme qu’il y a eu un certain laisser-aller, mais aussi que d’innombrables courriers ont été envoyés au fil des ans aux différentes instances gouvernementales pour signaler cette anomalie.

L’on y fait également ressortir que les législations concernant les Fire Certificates sont relativement récentes et que bon nombre de bâtiments encore utilisés, mais construits avant l’entrée en vigueur des lois concernées, n’ont donc pas été conçus dans cette optique.

Quand on parle d’issues de secours ou d’escaliers de secours, par exemple à Port-Louis, les immeubles sont parfois collés les uns aux autres.

Il n’y a donc pas d'espace disponible pour installer un escalier de secours. « Que devons-nous faire dans ce cas de figure ? Fermer le bâtiment n’est tout bonnement pas faisable », confie un responsable des pompiers.


 

Écoliers et enseignants plus exposés

Les écoles de Maurice abritent des milliers de personnes et sont exposées aux risques d'incendie.

Ces bâtiments gouverne-mentaux qui sont dépourvus d’un certificat d’incendie sont sensibles et à risque. Pour la simple raison qu’il s’agit de bâtiments qui abritent des milliers de personnes, dont des écoliers.

Il faut faire ressortir que sur ces 1 115 bâtiments publics, la grande majorité est des établissements scolaires. Selon les chiffres qui ont été compilés par les pompiers, 263 de ces 1  115 bâtiments sont des écoles primaires et des collèges du gouvernement (206 écoles primaires et 57 collèges).

Pour le président de la Government Teachers Union (GTU), Vinod Seegum, l’exposition des écoliers et collégiens aux risques d’incendie fait froid dans le dos. Il ne manque pas de faire ressortir que la population estudiantine dans ces 263 écoles gouvernementales se chiffre à  environ 120 000. « Il faut à cela aussi ajouter les enseignants qui y travaillent et qui se chiffrent à quelque 5  000 », ajoute-t-il.

Le président de la GTU ajoute que, dans bien des cas, ces établissements scolaires s’élèvent sur plusieurs étages. « Que se passe-t-il en cas d’incendie ? Plusieurs de ces élèves peuvent être pris de panique et, dans de telles situations, l’on peut s’attendre au pire », appréhende-t-il. Le syndicaliste est d’avis que les autorités doivent très vite venir avec un programme de simulation pour mieux les préparer à des risques d’incendie.

Outre les bâtiments scolaires, ils sont 852 autres bâtiments gouvernementaux à ne pas avoir un Fire Certificate. On retrouve 118 postes de police, 13 hôpitaux/médicliniques, 178 centres de santé/dispensaires, 11 casernes de pompiers, 7 musées, 18 bureaux de garde-côtes, 32 centres des femmes, 71 centres de jeunesse, 10 fisheries posts, 9 cours de district, 12 bureaux des Infrastructures publiques, 48 bureaux de l’État civil, 35 Citizens Advice Bureaux (CAB), 50 postes de la Special Mobile Force (SMF), 38 bureaux du ministère de l’Agro-industrie et 44 bureaux de la Sécurité sociale


Rashid Imrith : « Nous saisirons le Bureau international du travail »

Le syndicaliste Rashid Imrith, de la Fédération des Syndicats du Secteur Public , compile des dossiers depuis 2000 sur l'absence d’un certificat d'incendie dans les bâtiments publics. Aujourd'hui, il est prêt à s'en remettre aux organisations internationales pour déplorer l'insécurité des lieux de travail des fonctionnaires. 

En tant que syndicat, avez-vous alerté les autorités concernées au sujet de l'absence d’un certificat d'incendie dans les bureaux publics?
J'ai fait mieux. Depuis 2000, je compile des plaintes et des informations sur l'absence d’un certificat d'incendie dans des bureaux comme Emmanuel Anquetil Building, l'Hôtel du gouvernement et les écoles. Nous avons aussi envoyé plusieurs lettres au gouvernement. Il faut savoir que le bâtiment Emmanuel Anquetil abrite plus de 400 fonctionnaires et des milliers de gens qui s'y rendent chaque jour. Pourtant, l’Occupationnal Health and Safety Act impose la détention d’un tel certificat. Toutefois, personne ne pourra poursuivre le gouvernement, car la clause 6 du règlement 94 stipule que rien dans cette loi ne pourra être utilisé pour poursuivre l'État au criminel. Si, demain, 500 fonctionnaires meurent dans un incendie, l'État s'en sortira sans une tache.

Des portes qui mènent vers des sorties de secours sont fermées à clé.

Même en l'absence d’un tel certificat, y a-t-il des exercices de simulation d'incendie dans les bâtiments publics?
Ces exercices sont effectués de façon très irrégulière. Par exemple, les fonctionnaires du bâtiment Emmanuel Anquetil ne sont pas au courant où se trouvent les sorties de secours. Des portes qui mènent vers des sorties sont fermées à clé. À l'Hôtel du gouvernement c'est pire, des antennes sur le toit du bâtiment risquent de tomber sur des gens lors d'une rafale. On entasse jusqu'à 30 fonctionnaires dans un bureau sans climatiseurs ou sans ventilation adéquate.

Comment comptez-vous mettre la pression sur le gouvernement pour que les normes soient respectées ?
Il en va de la sécurité des fonctionnaires et du public. Concernant les écoles et collèges, ce sont plus de 100 000 enfants et adolescents qui sont à risque. Nous sommes déjà partis à la Commission indépendante contre la corruption mais les officiers nous ont dit que la loi contre la corruption n'a pas été transgressée. Donc, qu’ils ne peuvent rien faire. Nous demandons à avoir une rencontre avec le ministre de la Fonction publique. Il faut qu'il prenne l'engagement que la clause 6 de la régulation 94 de l’Occupationnal Health and Safety Act sera amendée. S'il ne le fait pas ou que cette situation perdure, nous saisirons le Bureau international du travail.

Ce que dit la loi

Selon l’article 76 (1) de l’Occupation Safety and Health Act de 2005, un « fire Certificate issued by the service shall be required in respect of any premises used as a place of work where more than 20 persons are expected to be present at any one time or 10 persons are expected to be present at any one time elsewhere than on the ground floor ».

La Mauritius Fire and Rescue Service Act 2013 stipule dans l’article 5 qu’aucun bâtiment « ne sera occupé ou utilisé jusqu’à ce que le propriétaire ait obtenu un certificat d’incendie ». Le service des pompiers a aussi le droit d’inspecter tout bâtiment possédant le certificat pour voir si toutes les conditions qui y sont attachées sont  respectées.

 

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