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Abandon d’enfants : trop jeunes pour être mères 217 filles-mères mineures en 2016

Les raisons poussant une mère à abandonner son enfant, voire son nourrisson, sont multiples et discutables.

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Le point commun : trop souvent, la maman n’est pas prête psychologiquement ou elle est trop jeune pour pouvoir porter un bébé. Le meilleur moyen d’en finir semble alors de l’abandonner. En 2016, sur les 5 904 traités par la CDU, 79 concernaient des abandons d’enfants.

Le dernier cas d’abandon d’un enfant est celui de la semaine dernière. Une jeune maman, après une dispute avec son concubin, délaisse le toit conjugal, laissant sa fillette de trois ans aux bons soins du père endormi. L’enfant a quitté la maison et ne doit son salut qu’à l’intervention d’un passant à 2 heures du matin. La voyant roder seule, celui-ci l’a conduite au poste de police. La maman nie l’abandon et affirme avoir déposé sa fille chez une de ses cousines. L’enquête suit son cours.

Au niveau du ministère des Genres et de la Protection des enfants, on tire la sonnette d’alarme depuis quelque temps. Il y a, selon les statistiques officielles, trop de jeunes filles-mères à Maurice. La plupart sont d’origine modeste et viennent de familles brisées, comme nous le dit le psychologue de la Mauritius Family Planning Welfare Association (MFPWA), Kunal Bhagan : « Il faut reconnaître que le pays enregistre d’année en année davantage de cas de grossesses précoces, ce pour de multiples raisons. Soit, c’est le fruit d’un viol, d’un inceste ou alors d’un manque d’informations ».

Rien que pour l’année 2016, le pays a enregistré 217 cas de grossesses précoces, impliquant des adolescentes âgées entre 12 et 16 ans. « Cette tendance se perpétuera cette année, car rien que pour le mois de juin, on a déjà enregistré 20 cas, et de janvier à mai 2017, 72 cas. Si on suit la graphie, on va atteindre presque le même chiffre qu’en 2016. C’est alarmant », ajoute le psychologue.

Pourtant, la loi est très stricte dans les cas d’abandon d’enfants (voir encadré). N’empêche que les cas abondent au Drop-in Centre de la MFPWA, cas référés par la Child Development Unit (CDU) du ministère de la Protection des enfants. « Le centre a eu la visite d’une jeune fille de 17 ans enceinte et lorsqu’elle a mis l’enfant au monde, elle l’a confié à ses parents, préférant aller partager le logis du petit copain, transférant son rôle de maman à ses parents ou à des proches », dit-il.

Mariage forcé

N’est-ce pas là un détournement de mineure de la part du petit copain et père biologique du bébé abandonné ? « Effectivement, c’est un cas de détournement de mineure, mais souvent, cela s’arrange entre grands-parents respectifs, qui acceptent finalement qu’il y ait une union officielle pour éviter toute tracasserie au niveau de la loi », nous répond Kunal Bhagan.

Justement, les cas référés à la MFPWA sont traités dans le Drop-in Centre : là, le psy de service se met à l’écoute de la jeune fille-mère accompagnée de ses parents : « Souvent, les parents arrivent difficilement à accepter le fait que leur fille soit tombée enceinte si jeune. Alors, ils sont en colère, mais petit à petit, ils arrivent à accepter la venue du petit. Des cas comme celui-là, il en existe quelques-uns chez nous. »

Ainsi, la grossesse précoce d’une mineure peut engendrer bien des drames humains, tant pour la maman que pour l’enfant. Toujours est-il qu’une bonne éducation sexuelle à l’âge précoce peut assurément servir. Car un enfant ne demande pas à venir au monde pour être finalement abandonné ou délaissé comme un paria. Il ne recherche finalement qu’un peu d’affection  et l’acceptation qu’il est avant tout un tout petit être humain, né il est vrai dans des circonstances funestes.

Fazila Jeewa-Daureeawoo : « Un cas de maltraitance est un cas de trop »

La ministre n’est pas indifférente aux nombreux cas de grossesses précoces et d’enfants qui atterrissent dans les shelters du ministère. Pour Fazila Jeewa-Daureeawoo, il était temps de prendre le taureau par les cornes : « Depuis que j’ai pris la responsabilité de ce ministère, une cellule spéciale a été mise sur pied pour revoir la situation des enfants vivant actuellement dans les shelters.

Cette cellule se charge de rouvrir le dossier de chaque enfant, d’enquêter sur les possibilités de réinsertion, en priorité dans la famille biologique ou chez des proches de la famille. Si ces deux premières options présentent des risques pour la sécurité de l’enfant, la cellule entamera des démarches pour trouver une famille d’accueil. L’hébergement dans un shelter doit rester la dernière alternative. En parallèle, nous avons institué un comité technique interministériel pour faciliter la réhabilitation des familles biologiques. Celui-ci va démarrer ses travaux dans quelques jours. »

Elle ajoute ceci : « Je l’ai dit et le redis. Un cas de maltraitance, c’est un cas de trop. Il arrive de recevoir des plaintes sur le traitement des enfants au sein des shelters et nous avons déjà un mécanisme bien établi. La plainte est traitée de toute urgence et avec beaucoup de rigueur. Nous avons un réseau de six équipes de la CDU, basées à travers l’île, qui opèrent 24/7 et se tiennent prêts à intervenir d’après un protocole établi. Dans le cas rapporté dans la presse, nous avions déjà institué une enquête interne, au-delà de l’enquête menée par la police, et nous surveillons la situation de près. L’intérêt, la sécurité et le bien-être des enfants doivent primer. »

Aux shelters du ministère de la Protection de l’Enfant : 550 filles et garçons âgés entre 0 et 17 ans recueillis

Dans les 19 centres de refuge tombant sous l’égide du ministère de la Protection de l’Enfant, quelque 550 enfants sont actuellement hébergés, filles et garçons confondus. Ces centres pourvoient des facilités comme l’hébergement, la nourriture, la scolarisation et les soins. Quelques fois décriés par rapport aux traitements jugés inappropriés et injustes envers ces enfants, dont des punitions corporelles interdites par la loi, le ministère tente tant bien que mal à mettre de l’ordre et à rappeler à certains responsables leur manque de responsabilité. D’ailleurs, un comité interministériel a été mis sur pied pour voir comment des mesures correctives peuvent être apportées pour le bien de ceux qui sont accueillis dans les centres de refuge.

Ces centres sont les suivants : Terre de Paix, Albion ; Foyer Père Laval, Port-Louis ; Foyer Monseigneur Leen, Rose-Hill ; SOS Children’s Villages ; CEDEM ; Crèche Cœur Immaculé de Marie ; Gayasingh Ashram ; étoile du Berger ; Vedic Social Organisation ; Association pour les Handicapés de Malherbes ; Association des amis de Don Bosco ; Shelter for Women and Children in Distress Trust Fund ; Human Service Trust.

Questions à… Mélanie Vigier de LaTour-Bérenger : « L’abandon d’un enfant peut venir de la pression parentale... »

 

 

« Certains adultes pensent que parler de sexualité aux enfants va leur ‘donner des idées’ »

 

Selon  Mélanie Vigier de LaTour-Bérenger, psycho-sociologue, l’abandon d’un enfant peut venir de la pression parentale et sociale.

Qu’est-ce qui explique qu’une jeune mère abandonne son bébé ?
Plusieurs professionnels ont tenté d’explorer ce sujet. Plusieurs raisons socialement énoncées expliquent ce geste, mais elles ne sont pas exhaustives et n’expliquent pas toutes les situations d’abandon. « L’acte d’abandon suscite beaucoup de réactions, qui semblent être le reflet de croyances et de préjugés inadéquats. Il nous semble donc important de dépasser ces préjugés et ces croyances. » (Neuter et Borght, 2005)

Quelques-unes des raisons d’abandon d’enfant : grossesse non-désirée, suite de plusieurs tentatives d’avortement vaines, possibilité de grossesse issue d’un viol, d’un inceste ou d’une relation extraconjugale, possibilité de précarité de la situation de vie sur le plan social et, dans certains cas, précarité économique.

L’abandon d’un enfant peut aussi être lié aux conditions environnantes et religieuses, selon Boulanger (2011). De nombreuses mineures enceintes ont dû, dans les générations précédentes, abandonner leur enfant par pression parentale et sociale.

Sur le plan psychique, une femme peut aussi ne pas vivre de situation d’abus sexuel, de précarité ou d’isolement mais cela peut, juste pour elle, ne pas être le moment, psychiquement, de devenir mère. Selon Jeanne Guillin dans Neuter et Borght, 2005, « dans le cas de l’abandon, le désir d’enfant serait présent ainsi que le désir de le mettre au monde, mais pas celui d’en assumer la parentalité au-delà de l’accouchement ».

On a dénombré 217 filles-mères en 2016 et on s’attend au même nombre cette année. Ce chiffre interpelle-t-il ?
L’abandon n’est pas réservé aux filles-mères… Les femmes, même en couples, sont très jeunes. En 2010 à Maurice, 17 % des mères avaient entre 15 et 19 ans. Pour 85 % d’entre elles, c’était leur premier enfant, pour 12,8 % leur second, pour 1,2 % leur troisième. En 2011, 14,3 % des mères avaient entre 15 et 19 ans. C’était leur premier enfant pour 82,6 %, le deuxième pour 16,6 % et le troisième pour 0,6 %.

Ne serait-il pas temps que l’éducation sexuelle soit formellement introduite dans nos écoles ?
Il en est plus que temps ! Et que ces sessions soient effectuées par des professionnels compétents, à l’aise d’aborder ce sujet avec les enfants et adolescents. Certains adultes pensent que parler de sexualité aux enfants va leur « donner des idées ». Ils pensent que les jeunes sont, par nature, en quête de nombreux partenaires et que l’éducation sexuelle ne ferait que les rendre plus actifs, selon Friedman (1993). L’Unesco précise que l’éducation sexuelle « offre la possibilité d’explorer ses propres valeurs et attitudes, et de développer des compétences en matière de décision, de communication et de réduction des risques concernant de nombreux aspects de la sexualité ».

Selon un rapport de l’Unesco de 2012, « l’utilité des programmes d’éducation sexuelle à l’école est de plus en plus attestée : les données recueillies indiquent qu’ils ont un impact positif sur la santé sexuelle des jeunes en améliorant leur comportement de prévention, ce qui diminue les risques de grossesses non-désirées et d’infections sexuellement transmissibles (IST), dont le VIH.» Sans éducation sexuelle, le nombre de grossesses précoces continuera à être élevé.

Les préservatifs sont en vente libre. Pourtant, on recense de plus en plus de grossesses précoces et souvent non-désirées. Y a-t-il des préjugés par rapport à ce moyen de contraception ?
Bien entendu qu’il y a encore beaucoup de préjugés autour du sexe et de la contraception, sujet encore trop tabou à Maurice. Trop de parents pensent que leur enfant est trop jeune pour parler de sexualité avec eux. Ou que c’est à l’école de le faire. Or, c’est aux parents de parler de sexualité avec leurs enfants. Plusieurs ouvrages ou professionnels peuvent les aider dans ce sens. Quelques parents attendent que leurs enfants posent des questions. Parfois, ils n’en poseront pas, sentant leurs parents mal à l’aise ou ayant déjà été rechercher les informations auprès des amis !

Ce que prévoient nos lois en cas d’abandon d’enfant

Nos lois sont claires par rapport à l’abandon d’un enfant par ses parents. Il y a des cas d’emprisonnement et aussi des amendes. Voici les différentes sections y relatives :
As per section 13 B (Abandonment of child) of the Child Protection Act (1994), the following is stated:
(1)    Any person who, for pecuniary gain or by gifts, promises, threats or abuse of authority, incites a parent to abandon a child or a child to be born shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to penal servitude for a term not exceeding 20 years.
(2)    Any person who, for pecuniary or other gain, acts as an intermediary between a person wishing to adopt a child and a parent willing to abandon a child or a child to be born, shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to a fine not exceeding 700,000 rupees and to penal servitude for a term not exceeding 30 years.
(3)     Any person who exposes and abandons in a secluded spot any child, and any person who orders the child to be exposed, where such order has been executed, shall, for such act alone, be liable, on conviction, to a fine not exceeding 500,000 rupees and to imprisonment for a term not exceeding 10 years.
(4)     Where, in consequence of the exposure and abandonment specified in subsection (3), the child becomes mutilated or lame, the offence shall be deemed to a wound wilfully inflicted on such child by the person who has so exposed and abandoned the child, and where death has ensued, the offence shall be deemed to be manslaughter, and in the former case, the offender shall suffer the punishment ordained for a wilful wound, and in the latter case, that for manslaughter.

(5)     Any person who exposes and abandons a child in a spot that is not secluded, shall, on conviction, be liable to a fine not exceeding 200,000 rupees and to imprisonment for a term not exceeding 5 years.
(6)    Part X of the Criminal Procedure Act and the Probation of Offenders Act shall not apply to a person liable to be sentenced under this section.

 

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