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1977-2017 : Abolition du CPE après 40 ans

Les examens sanctionnés par le Certificate of Primary Education (CPE) sont à leur dernière édition cette année. Ils cèdent la place à ceux du Primary School Achievement Certificate (PSAC) qui auront lieu en octobre 2017.

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Pendant ces 40 dernières années, les examens du Certificate of Primary Education (CPE) ont été tantôt critiqués en raison du stress causé sur les écoliers, tantôt appréciés pour la transparence dans les procédures d’admission aux stars colleges.  

Du 25 au 28 octobre, 21 043 candidats prendront part aux derniers examens du CPE. Ces épreuves, tant critiquées au fil des années pour la rude compétition qu’elles engendrent seront remplacées, l’année prochaine, par les examens donnant droit au Primary School Achievement Certificate (PSAC).

Le PSAC fait partie de la Nine-Year Continuous Basic Education. Les conditions ont été publiées dans la Gazette officielle au mois de novembre 2015.

En introduisant cette réforme éducative, la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, veut répondre aux besoins éducatifs et éliminer la compétition à outrance imposée à des jeunes écoliers.

Avec cette nouvelle épreuve, il n’y aura plus de recalés à la fin du cycle primaire. Tous les écoliers se verront offrir une place en Grade 7 (Form I). Pour ce faire, les instituteurs devront identifier, dès le début du primaire, les écoliers ayant des difficultés. Ces derniers seront alors pris en charge par d’autres instituteurs pour leur assurer une scolarité réussie.

Évaluation

Au niveau des matières, elles seront divisées en deux  groupes : core subjects (l’anglais, le français, les mathématiques, les sciences, l’histoire-géographie, les langues asiatiquesl’arabe ou le kreol morisien) et non core subjects (éducation physique, Civic and values Education, IT Skills, Communication skills et les arts. Les points obtenus dans ces matières seront aussi comptabilisés pour le PSAC.

Les examens au niveau du PSAC se feront sur deux années. La nouveauté est l’introduction de l’évaluation continue. Elle ne concernera toutefois que les matières non core. L’exercice sera toutefois modéré par le Mauritius Examinations Syndicate (MES). 
Au niveau du Grade 5 (STD V), les candidats seront évalués en histoire-géographie et en sciences, selon leurs performances au moment des examens. Cette pratique est connue comme la Modular Approach et vise à diminuer la pression sur les élèves. Les points obtenus seront par la suite ajoutés à ceux de l’année suivante. En Grade 6 (Std VI), les candidats n’auront que le reste du programme à suivre. 

Pour la première édition du PSAC, les examens d’histoire-géographie se tiendront en une seule tranche au mois d’août. Les examens des autres épreuves se tiendront à la fin du troisième trimestre et tous les points seront ensuite comptabilisés pour les résultats. L’évaluation continue sera faite que pour les Communications Skills.

À ce jour, les specimen papers de toutes les matières du PSAC ne sont pas encore finalisés. Ils le seront au mois de décembre. Des comités techniques se penchent dessus et ces questionnaires devront être finalisés à la fin de 2016, pour être disponibles dès la rentrée de 2017. Ils auront pour but d’être child friendly.

Le PSAC aura une autre forme d’évaluation avec l’élimination du A+. Après le PSAC, les élèves seront admis dans les collèges régionaux. Les établissements seront alloués selon le choix des parents, les résultats des élèves aux examens du PSAC et la proximité du lieu de résidence aux collèges régionaux.

Ces derniers élèves à participer à ces épreuves

Laurent Martial sacrifie ses loisirs

Laurent Martial n’a pas la langue dans sa poche. Ce petit homme haut comme trois pommes est sur le point de faire partie de l’histoire de l’éducation mauricienne en étant l’un des derniers à prendre part aux examens du Certificate of Primary Education. « J’ai mes leçons tous les jours sauf le vendredi. Elles finissent à 17 h 30. Quand je rentre, je me repose un peu avant de faire mes devoirs. Des fois, je vais me coucher à 23 heures à cause des révisions », confie le jeune garçon. « Je faisais de l’athlétisme et j’étais au conservatoire de musique. Les études passent avant tout hélas. »

Shruti Roopna ne prend pas de leçons particulières

Contrairement à Laurent, Shruti Roopna, habitant Lallmatie, ne prend pas de leçons particulières ; ses parents étant farouchement opposés à cette pratique. Du haut de ses 11 ans, cette petite demoiselle sait ce qu’elle veut et le fait de ne pas prendre de leçons particulières ne l’empêchera pas d’atteindre ses objectifs. « Je souhaite être admise au collège Queen Elizabeth (QEC). C’est mon rêve et je sais que je peux le faire. Je veux aussi devenir médecin », lance Shruti. Toutefois, les journées de la petite ne sont pas de tout repos. 

Akilesh, élève de Std V, participe aux examens du CPE

Le CPE sera remplacé par le PSAC en 2017 et verra donc la disparition de 11 collèges nationaux, qui, il faut le dire, sont très prisés. À cet effet, certains parents poussent leurs enfants qui sont actuellement en Std V à prendre part aux examens cette année.

Sanjay, le père d’Akilesh, veut à tout prix que son fils soit admis au Royal College de Port-Louis (RCPL). « J’ai moi-même fréquenté le RCPL, et c’est tout à fait légitime de vouloir que mon fils ait la même éducation que moi. Comme le gouvernement a décidé d’éliminer le CPE cette année, mon épouse et moi avions choisi de le faire passer ces épreuves. Nous savons qu’il est capable de le faire et qu’il aura les résultats attendus. »

Suze Velvendron : une des premières élèves à avoir connu le CPE

Suze Velvindron est une des premières élèves à avoir pris les examens du CPE. Une réforme éducative qui ne lui avait pas plu à cette époque, se souvient-elle. Comme elle habitait Surinam, la régionalisation encouragée par la gratuité de l’éducation introduite la même année, a fait qu’elle n’a pas eu le collège qu’elle désirait. « C’est la même année où l’éducation est devenue gratuite. Comme il n’y avait plus de petites bourses, je devais partir dans un collège de la région. Mais moi, je souhaitais être admise dans une Star School. C’était une vraie déception à ce moment-là ».

Aux niveaux des examens, il n’y avait pas encore de compétition à cette époque, nous dit Suze Velvindron. « Je me souviens de cela comme si c’était hier. Il existait une vraie synergie entre les enseignants et les élèves.  Il n’y avait pas de stress comme maintenant ».

Le destin voudra que cette mère de famille connaisse les examens du CPE au temps du ranking, mais aussi du Grading. « À mon époque, il n’y avait pas encore de ranking. Par contre, ma fille a été dans le dernier batch d’élèves qui ont connu le ranking et mon fils a,lui, connu le Grading. La compétition était féroce quand ma fille était au cycle primaire. Le stress pour nous les parents était insoutenable. À l’époque où j’ai pris les examens du CPE, il n’y avait pas cette compétition.»

Suze Velvendron ne peut s’empêcher de dire que le système éducatif a connu un « nivellement par le bas ». « Les examens sont devenus de plus en plus difficiles avec le temps, forçant les élèves à travailler dur. Les leçons particulières sont devenues quasiment obligatoires, car sans cela, les enfants ne s’en sortent pas. »

Les tentatives d’élimination

  • 1977 : Introduction des examens du Certificate of Primary Education (CPE). Ces examens ont remplacés ceux concernant le Primary School Leaving Certificate et les Junior Scholarship Examinations (petite bourse) dont la dernière édition eut lieu en 1976. Les écoliers devaient donc passer deux examens en l’espace de deux semaines, pour être admis dans un Star College de l’époque. Les examens du CPE avaient pour but de faire le tri pour les admissions dans les meilleurs collèges.
  • 1978 : Après les premiers examens du CPE, une commission d’enquête est mise sur pied, pour étudier en profondeur ces épreuves. C’est le rapport de la Commission Franck Richard. Laying the Foundations. Report of the Commission of Enquiry set up by his Excellency. The Governor General on the 17th of May 1978.
  • 1982-1983 : Rapport du juge Victor Glover, recommandant la révision des examens du CPE et la possibilité pour un élève de reprendre ces examens s’il échoue une première fois.
  • 1989 : Le gouvernement met sur pied un « High Level Committee » pour étudier la proposition d’un Nine-Year Schooling System.
  • 1990 : Rapport Ramdoyal : Proposal for structural Reform. Une réflexion sur la 7-Year schooling est faite.
  • 1991 : Rapport d’Armoogum Parsuramen, alors ministre de l’Éducation, proposant que les questionnaires aient deux types de niveaux. Ceci pour permettre à tous les écoliers de pouvoir travailler. Il propose aussi que les élèves passent sept ans au primaire au lieu de six.
  • 1995 : Le National Education Council, présidé par Suren Bissoondoyal, préconise le ‘Zoning System’ et la création de Form VI Colleges.
  • 1996 : Le ministre James Burty David évoque l’importance de la Zone d’Éducation Prioritaire. Cela encouragerait, selon lui, une approche holistique à l’éducation.
  • 1997 : Suren Bissoondoyal propose l’abolition du ranking aux examens du CPE.
  • 1997 : Kadress Pillay, ministre de l’Éducation, présente le White Paper, faisant état du remplacement du CPE par le PSAC.
  • 1998 : Kadress Pillay propose l’Action Plan for a new Education System in Mauritius.
  • 2000 – 2005 : Steeve Obeegadoo, alors ministre de l’Éducation, souhaite l’élimination des examens du CPE pour diminuer la pression sur les écoliers en les ramenant à un exercice d’évaluation au lieu d’un exercice de sélection. Amendement à l’Education Act pour rendre l’éducation obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Abolition du ranking. Construction de 36 collèges d’État augmentant le nombre à 70 pour permettre l’admission en Form I sur une base régionale. Introduction des Form VI Colleges. Accent sur le Prevoc tout en hébergeant les enfants du mainstream et du Prevoc dans le même établissement.
  • 2006 : Introduction du A+ comme meilleure note aux examens du CPE.
  • 2014 : Publication du Strategic Plan 2008-2020. Vasant Bunwaree annonce que le ‘9-year schooling’ sera introduit en 2015 et que les examens du CPE dans leur forme actuelle vont changer.
  • 2015 : Présentation de la Nine-Year Continuous Basic Education. Abolition des examens du CPE en 2016 et introduction du Primary School Achievement Certificate (PSAC) en 2017.

Que reproche-t-on au CPE ?

Selon des pédagogues, le CPE n’évalue que le côté académique de l’enfant.

Des pédagogues tiraient à boulets rouges sur le système CPE déplorant son côté purement académique et une compétition malsaine aux enfants de 11 ans. C’est ce qu’avance Feizal Jeerooburkhan. Il soutient que, d’après les documents du ministère de l’Éducation, l’éducation primaire doit encourager le développement académique, intellectuel, physique, social, culturel et artistique de l’enfant. Cependant, selon le pédagogue, le CPE n’évalue que le côté académique. « Les examens ne sont pas complets. Ils n’évaluent pas tous les objectifs des documents du ministère. Ils évaluent uniquement la capacité de mémorisation de l’enfant. C’est pour cela que nous avons toujours parlé de bourrage de crâne. »

Ce que Feizal Jeerooburkhan reproche encore aux examens CPE c’est d’avoir négligé l’évaluation de la capacité de communication de l’enfant. « L’enfant sait communiquer sur papier mais pas oralement ». Il ajoute qu’on parle aujourd’hui de multi-intelligence, alors que le CPE est basé lui sur la mono-intelligence. « Il y a d’autres formes d’intelligence que l’on devrait encourager comme la musique et le social, entre autres. Le CPE n’encourage pas la pensée critique et créative. Les enfants ne pensent pas par eux-mêmes. »

Compétition féroce

Le pédagogue soutient aussi que le CPE a encouragé une compétition féroce entre les candidats, donnant naissance aux leçons particulières. « Les leçons particulières ont fait beaucoup de tort aux enfants. Après les heures de classes, un enfant a besoin de se reposer et de se relaxer en faisant d’autres activités et non pas recommencer une autre séance d’école. Beaucoup d’enfants n’arrivent pas à  gérer cette pression. »

Le PSAC va-t-il changer la situation ? À cette question, Feizal Jeerooburkhan se montre pessimiste. La régionalisation, selon lui, ne va pas mettre un terme à la compétition. « Il y aura la compétition pour avoir le meilleur collège de la région. De plus, comme cela a été pour le primaire, les parents risquent de mentir sur leur adresse. Or, là on parle d’adolescents. Et ces jeunes vont apprendre à mentir sur les données fondamentales de leur vie. »

Michael Atchia, pédagogue abonde, lui aussi, dans le même sens et reproche au CPE d’être trop centré sur le côté académique de l’enfant. Il explique que, quand dans le passé, deux examens à 11 ans, soit celui du PSLC et la petite bourse, ont été abolis pour être remplacés par un seul, celui du CPE, ce fut un grand pas en avant. « Le CPE hérita du double rôle d’évaluation des connaissances et a été utilisé pour déterminer les admissions au cycle secondaire. Mais les examens du  CPE n’évaluent que des connaissances académiques déterminées par le curriculum  du primaire qui fut donc trop axé sur l’aspect académique, sur l’intelligence mathématico-linguistique, au détriment des autres intelligences.» Selon ce dernier, le CPE a connu une amélioration avec l’introduction des Environmental Studies.

Pour ce qui est de la Nine-Year Schooling, Michael Atchia se montre plus optimiste que Feizal Jeerooburkhan. « Elle va améliorer le système éducatif mauricien surtout si la place est faite pour les études non-académiques telles la musique, les sports, les life skills, le développement durable, entre autres, autant au niveau du curriculum que des examens de Form III ».

Introduction des langues orientales

La lutte pour la reconnaissance des langues orientales n’a pas été une mince affaire. C’est en 1993 que le ‘Select Committee’, présidé par Madan Dulloo, recommande l’inclusion des langues orientales pour le Ranking au niveau du CPE. Puis, en mai 1995, le jugement de la Cour suprême déclare que cela est anticonstitutionnel. Convaincu de l’importance de ces langues, Suttyhudeo Tengur va jusqu’au Privy Council. Le jugement de cette instance renverse celui de la Cour suprême et déclare que la comptabilisation des langues orientales est constitutionnelle. Le principal concerné précise : « La reconnaissance des langues orientales est un élément d’unité. L’objectif de notre combat était de les ouvrir à tous les Mauriciens. Notre plus grand plaisir est de voir que des enfants venant des Mauriciens classés comme faisant partie de la population générale prennent cet examen et sont admis au Mahatma Gandhi Institute (MGI). »

 

 

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