Le dopage, un mal incurable

• Yashin Emamdee arrêté, puis relâché après quatre jours
• Preetam Daby lourdement sanctionné
• Inquiétude des entraîneurs 

Déjà en situation de crise avec des revenus en baisse et autres couacs, les récents cas de dopage n'arrangent guère les choses pour l’industrie des courses. Ces pratiques malhonnêtes ne sont cependant pas nouvelles et gangrènent ce secteur depuis de longues années. Ce début de saison a été marqué, dans un premier temps, par la lourde sanction infligée à Preetam Daby (un an de suspension et Rs 500 000 d’amende) et par l'arrestation de Yashin Emamdee, deux entraîneurs avec une longue carrière de jockey dans leurs bagages. Mais toujours est-il que ces affaires ont une fois de plus propulsé cette industrie sous les projecteurs, et pas pour les bonnes raisons.

Dans un circuit où l'argent coule à flots, les individus malintentionnés ne sont jamais loin. Certains agissent comme des bookmakers clandestins, et la tentation de gagner rapidement de l'argent est telle qu'ils n'hésitent pas à approcher les jockeys en les soudoyant pour commettre des actes repréhensibles en course ou à proposer de l'argent liquide à des employés pour doper un cheval. Bien souvent, ce sont les palefreniers qui se retrouvent au centre des enquêtes de dopage. Les grooms passent le plus de temps avec les chevaux et, avec une proximité aussi évidente, en sus d'être parmi les moins bien rémunérés, ils sont donc à la merci des tentations pour se faire de l’argent facilement.

Nous avons abordé la People’s Turf PLC Ltd (PTP), la seule compagnie organisatrice des courses à Maurice, pour un commentaire sur les récents événements. Un des responsables s’est appesanti sur l’aspect sécurité. « Tout est fait pour s’assurer un maximum de sécurité pour prévenir les cas de dopage. On a investi des millions de roupies pour avoir des caméras de surveillance installées dans tous les coins et recoins de nos infrastructures et qui sont de service 24/7. Il y a en outre une caméra dans chaque box des chevaux. Une grosse équipe d’agents de sécurité veille au grain matin, midi et soir », nous dit un des responsables de la PTP.

Au niveau de la Horse Racing Division, le Chief Stipe Riyaz Khan laisse entendre, dans un entretien (à lire plus loin), que Maurice dispose d’un système de contrôle anti-dopage qui fait partie des meilleurs au monde. L’accent est aussi mis sur le nombre de tests effectués sur les chevaux et les jockeys depuis 2022.

 « Rien n’est laissé au hasard », dira le Chief Stipe de l’autorité hippique.

Venons-en à l’affaire Yashin Emamdee qui a ébranlé le monde hippique il y a quelques jours. Son arrestation, survenue le vendredi 10 mai, fait suite à l'interrogatoire d'un palefrenier nommé Nehal Jagnath. Ce dernier a avoué avoir administré du Stanozolol, une substance interdite aux chevaux Secret Circle et Jack Tarr. Il a ensuite fait des aveux choquants, affirmant avoir agi sous les ordres de l'entraîneur. 

Sous la pression des questions des officiers de police, le palefrenier a également révélé le nom d'un assistant-entraîneur d'une autre écurie, Hacksaye Sookoo. La police a procédé à son arrestation le lundi 13 mai. Il a nié les accusations portées contre lui, mais a quand même été inculpé. Toutefois, en cour, les deux protagonistes, Nehal Jagnath et Hacksaye Sookoo, ont obtenu la liberté sous caution. Quant à Yashin Emamdee, il n'a pu se présenter devant la justice, car il se sentait mal et avait dû être hospitalisé.

« Give instructions to commit a crime »

Ce n’est que le samedi 11 mai que Yashin Emamdee a comparu devant la Bail & Remand Court. Il était représenté par Me Raajkamal Greedharry. Une accusation provisoire de « give instructions to commit a crime » a été retenue contre lui. Une motion pour sa remise en liberté a été déposée, mais les limiers du Central Criminal Investigation Department s'y sont opposés, avançant que l’accusé pourrait interférer avec les témoins de cette enquête et altérer les preuves. Quant au palefrenier, Nehal Jagnath, il est provisoirement accusé de « tricherie » en vertu de la Gambling Regulatory Authority (GRA) Act. L'affaire a été renvoyée au lundi 13 mai en raison de la dégradation de l'état de santé de l'entraîneur Emamdee.

Finalement, le mardi 14 mai, Yashin Emamdee a retrouvé la liberté conditionnelle devant la Bail & Remand Court. Il a dû payer une caution de Rs 50 000 et signer une reconnaissance de dette de Rs 200 000. Juste après sa libération provisoire, il a été transporté à la clinique pour des soins, car il ne se sentait toujours pas bien.

Cette affaire est survenue une semaine après le verdict prononcé par les Commissaires des courses dans un autre cas de dopage, impliquant le cheval Captain's Consort. L'entraîneur Preetam Daby avait écopé d'une suspension d'un an, assortie d'une amende de Rs 500 000. Le même produit, du Stanozolol, une substance totalement interdite dans le circuit, avait été détecté chez ses chevaux.

Pas plus tard que le 12 avril, les entraîneurs Shirish Narang et Vishal Ramanah avaient été arrêtés puis relâchés sous caution dans le cadre de l'affaire « Mentholatum » concernant le cheval El Patron lors d’une course en 2021. Ils font l'objet d'une accusation provisoire de « cheating and conspiracy to commit cheating ». Ce dossier est actuellement entre les mains du Directeur des poursuites publiques (DPP). 

Les cas Creation et After The Order toujours en appel

L'année dernière, deux cas positifs avaient été détectés dans le yard de Raj Ramdin : After The Order (dexaméthasone) et Creation (Clenbutérol). Il avait été mis à l'amende (Rs 40 000 et Rs 250 000). Durant l'enquête, il a souligné les lacunes dans le système de sécurité de la People's Turf PLC (PTP).

Par ailleurs, l’on se demande à quel rythme travaille le comité d’appel nommé par le Board de la Gambling Regulatory Authority (GRA), qui est composé de nominés politiques, parmi lesquels figure le conseiller du Premier ministre, Dev Beekhary ? Les appels de Raj Ramdin concernant les cas de Creation et After The Order traînent encore. L’affaire Creation date d’avril 2023, alors que l’entraîneur a été mis à l’amende en août 2023 pour celle d’After The Order.  Il faut ajouter que Preetam Daby a fait appel contre sa sanction dans l’affaire Captain’s Consort. La liste devient longue...

Enquête de la Police des Jeux : Les images CCTV du Champ de Mars et du centre de Petit-Gamin réclamées

L’enquête de la Police des Jeux sur l’affaire de dopage de trois chevaux a abouti à la demande des Casernes centrales pour le visionnage des images des caméras CCTV au centre hippique de Petit-Gamin et au Champ de Mars. La police souhaite tirer au clair cette affaire et veut passer en revue les mouvements des chevaux, de leur sortie du centre de Petit-Gamin à leur arrivée à Port-Louis, pour la deuxième journée hippique, précisément pour participer à la 3e course. 

Toute l’affaire a éclaté après l’envoi d’une lettre de dénonciation anonyme au Prime Minister’s Office (PMO), à la Horse Racing Division (HRD), à la GRA et au laboratoire Quantilab. Selon l’auteur de la lettre, trois chevaux de l’écurie Yashin Emamdee avaient été dopés : Jack Tarr, Secret Circle et Happy and Glorious. 

La demande pour l’obtention de ces images pour une durée spécifique vise à permettre aux enquêteurs de comprendre à quel moment les trois chevaux auraient été dopés. Les lieux où des injections auraient été faites sont déterminants pour l’enquête. Bien que la police dispose déjà d’informations via les séances d’interrogatoires, les images seront utilisées comme éléments pour consolider le dossier de l’enquête policière qui est suspendue à la soumission d’un rapport des relevés téléphoniques.. 

L’entraîneur Yashin Emamdee, le palefrenier Nehal Jagnath et l'assistant-entraîneur Hacksaye Sookoo avaient été arrêtés par la police. Les enquêteurs ont recueilli les versions des trois suspects avant leur libération conditionnelle. Lors de son audition, Hacksaye Sookoo a été confronté à sa relation avec le palefrenier Jagnath. À la police, il a expliqué que le palefrenier avait déjà travaillé pour lui, mais qu'il n’était plus en contact avec lui. Ce qui explique l’insistance de la police pour vérifier les échanges téléphoniques.

Nehal Jagnath a, de son côté, avoué sa participation dans ce cas. Il a formulé des allégations contre l’entraîneur Emamdee en soutenant qu’il a agi uniquement sur ses instructions. Il a expliqué que c’est Hacksaye Sookoo qui lui aurait remis les produits. Ce que l’assistant-entraîneur dément.

Dopage : comprendre le phénomène

Le dopage désigne l'utilisation de substances ou de méthodes interdites visant à améliorer la performance physique ou mentale des sportifs. Ce phénomène est omniprésent dans divers sports, malgré les efforts continus des organismes de régulation pour le combattre. Le dopage ne se limite pas qu’aux humains ; il est également présent dans les courses hippiques. Les chevaux peuvent être dopés pour améliorer leurs performances, ce qui pose des problèmes d'éthique et de bien-être animal. Les substances couramment utilisées incluent les stéroïdes, les stimulants et les anti-inflammatoires. Le dopage ternit la réputation des compétitions, créant un climat de méfiance et d'injustice.  Les récents cas de dopage dans les courses hippiques, tels que ceux impliquant Yashin Emamdee et Preetam Daby, mettent en lumière la nécessité de renforcer les mesures de contrôle et de surveillance pour préserver l'intégrité du sport. Ce mal reste un défi majeur pour le monde du sport. La vigilance continue, la recherche de méthodes de détection plus sophistiquées, et la promotion d'une culture de jeu propre sont essentielles pour lutter efficacement contre ce fléau.

En 2018, Dev Beekhary, membre du conseil d’administration de la Gambling Regulatory Authority (GRA), avait affirmé sur Radio Plus que la GRA voulait assainir les courses à la suite des cas de dopage de Maxamore/Aspara. Force est de constater qu'après six années, les choses n'ont pas beaucoup évolué. On se souvient que le conseiller du Premier ministre avait également déclaré à la télévision nationale que les économies réalisées sur les tests antidopage devaient impérativement être redistribuées sous forme de stakesmoney. Cette mesure n'a pas été respectée. Plusieurs observateurs estiment qu'avec une réduction des stakesmoney depuis la saison 2023, « certains seront plus enclins à mal agir ».

L'État débourse Rs 35 M pour les tests antidopage

Depuis la mise en place de la Horse Racing Division (HRD), cette entité prend en charge les ‘samplings’, comprenant les contrôles inopinés hors saison et en saison, avant et après les courses, ainsi que sur les jockeys. Les échantillons sont ensuite envoyés au laboratoire de Quantilab, une société chargée des analyses. À travers les fonds publics, l'État débourse pas moins de Rs 35 M pour ces différents tests. Auparavant, c'était le Mauritius Turf Club (MTC) qui supportait les frais de ces exercices.